Transports - La Cour des comptes épingle la gestion de l'aéroport de Beauvais
Dans un référé rendu public ce 19 juin, la Cour des comptes étrille la gestion de l'aéroport de Beauvais, dénonçant en particulier les "accords illicites" conclus avec la compagnie irlandaise Ryanair.
C’est un référé particulièrement sévère qu’a publié la Cour des Comptes ce 19 juin à propos de la gestion de l’aéroport de Beauvais qui a fondé son développement depuis le début des années 2000 sur le succès des compagnies aériennes à bas coûts. Avec plus de 4 millions de passagers en 2014, il se situe au 10e rang des aéroports métropolitains pour le nombre de passagers et à la 4e place pour les destinations proposées. Les magistrats de la rue Cambon se sont intéressés aux trois organismes impliqués dans sa gestion : le syndicat mixte de l’aéroport de Beauvais-Tillé (Smabt), propriétaire de l’infrastructure depuis 2007, et qui associe aujourd’hui le département de l’Oise, la région Hauts-de-France et la communauté d’agglomération du Beauvaisis ; la société de gestion et d’exploitation de l’aéroport de Beauvais (Sageb), détenue par la chambre de commerce et d'industrie de l'Oise et le groupe Transdev, détentrice d’une délégation de service public pour exploiter la plateforme aéroportuaire ; la société par actions simplifiée unipersonnelle de transport Paris-Beauvais (SASU TPB), filiale à 100% de la Sageb, qui gère la ligne de transport entre l’aéroport et Paris-Porte Maillot.
Ristournes injustifiées
Selon la Cour, "malgré l’évolution importante du trafic aérien et du nombre de passagers (…), la rentabilité de l’exploitation de la plateforme aéroportuaire n’a pas progressé dans les mêmes proportions". Entre les remises commerciales "injustifiées" et les prestations "assurées à perte", les magistrats estiment que la Sageb "s'est privée d'environ 85 millions d'euros de produits, dont 78 millions au bénéfice de la seule compagnie Ryanair" entre 2008 et 2014. Ces ristournes "constituent des avantages importants et injustifiés", qui ont été accordés "sans aucune autorisation" du Smabt, entité propriétaire de l'aéroport, soulignent-ils.
La Cour conteste d'abord les tarifs des redevances aéroportuaires, "bien moindres" que ceux d'autres aéroports comparables mais compensés par les recettes de la liaison par autocar avec Paris, exploitée par TPB. "Les usagers de la ligne de bus (...) financent donc les services aéroportuaires, à la place des compagnies aériennes", estime-t-elle. Elle considère par ailleurs que "les activités d'assistance en escale pour le compte des compagnies aériennes sont (...) assurées à perte par la Sageb", qui conteste cette accusation mais indique "ne pas tenir de comptabilité commerciale séparée" pour ces prestations.
Ryanair avantagé
Principal bénéficiaire de ces avantages, Ryanair génère depuis vingt ans plus de 80% du trafic de l'aéroport, mais "seule une télécopie tient lieu de contrat (...) de 2002 à 2012", rendant l'accord "juridiquement fragile" et "préjudiciable" à la Sageb, qui a concédé au fil des ans des rabais croissants à son principal client. Ces arrangements n'ont fait "l'objet d'aucune notification" à l'Etat ni à la Commission européenne et "l'analyse des échanges entre Ryanair et la Sageb démontre l'intention délibérée des parties de déroger" aux tarifs en vigueur, constate la Cour.
Les magistrats déplorent aussi les "lacunes" du Smabt, l'absence de réaction du préfet et les manquements des commissaires aux comptes. Ils estiment qu’il faudrait modifier les dispositions du code de l’aviation civile, par voie réglementaire, afin de soumettre les redevances et tarifs appliqués aux compagnies aériennes au contrôle et à l’homologation de l’autorité administrative et/ou de l’autorité de supervision indépendante pour les aéroports décentralisés dont le trafic est supérieur, par exemple à 2 millions de passagers par an, contre plus de 5 millions aujourd’hui. Ils demandent aussi à l'Etat d'"analyser les impacts fiscaux des accords illicites entre la compagnie Ryanair et le gestionnaire de l'aéroport" de Beauvais.