Sécurité - La Cour des comptes dénonce les rivalités du secours en montagne
La concurrence entre les services chargés du secours en montagne a pris une "ampleur particulière" ces dernières années et donne lieu à des "dysfonctionnements" et des "incidents", constate la Cour des comptes dans un rapport publié mercredi 14 novembre. Les magistrats pointent la complexité du dispositif français où se côtoient gendarmes, policiers et, depuis peu, pompiers.
Alors que le domaine skiable relève des communes, le secours en montagne a en effet été confié aux services de l’Etat (PGHM et CRS), là où les communes sont en incapacité d’agir. Et il est gratuit. Les Sdis se sont immiscés dans le secours en montagne à la faveur de la loi sur la sécurité civile de 2004 en créant des GMSP (groupes montagne des sapeurs-pompiers). Une arrivée mal vécue par les services de l’Etat. Pour apaiser les rivalités, une circulaire du 6 juin 2011 a notamment fait du 112 le numéro d’appel unique d’alerte. Mais son application souffre de retards "concernant notamment la centralisation des alertes au niveau des centres opérationnels départementaux d’incendie et de secours (Codis) et le déclenchement des moyens aériens", relève la cour.
Un montant moyen de 8.600 euros
Selon le rapport, le secours en montagne mobilise au total 774 personnes : 322 gendarmes déployés dans 18 départements avec 20 pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM) ou pelotons de gendarmerie de montagne (PGM), 180 CRS présents dans six départements et 334 pompiers dans 19 départements. Il représente environ 8.000 interventions par an. C’est peu comparé aux 52.000 interventions sur le domaine skiable. Mais elles ont un coût élevé du fait de l’utilisation fréquente de l’hélicoptère. Celui-ci pèse pour 31 millions d’euros sur les 61 que coûte le dispositif d’Etat. Soit un montant moyen de 8.600 euros, sachant qu’aucune compensation ne peut être demandée aux communes ou aux victimes. Côté pompier, c’est le flou. "En l’absence de données fiables et exhaustives, il n’a pas été possible d’évaluer le coût complet du dispositif déployé par les Sdis", précise la Cour, alors que ces derniers sont principalement financés par des départements à cours de recettes.
Ce sont les préfets de département qui doivent coordonner l’action des services sur leur territoire dans un plan de secours départemental. Or ils "doivent arbitrer des rivalités contre-productives entre services".
Dans de nombreux départements (Savoie, Isère, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Hautes-Pyrénées, Haute-Garonne et Pyrénées-Orientales) un système d’alternance a été mis en place : gendarmes et CRS se relaient une semaine sur deux. Ailleurs, il peut s’agir d’une alternance pompiers-gendarmes. Parfois les gendarmes interviennent seuls.
Retrait des CRS
Mais il arrive que les Sdis interviennent en dépit du plan de secours. C’est le cas en Isère, dans les Hautes-Alpes, les Alpes-Maritimes, la Haute-Garonne, l’Ariège et les Pyrénées-Orientales... La Cour recense de nombreuses anomalies et "redondances". Dans l’Hérault, par exemple, le Sdis a déployé un GMSP de 14 pompiers, alors que, compte tenu du faible nombre de communes classées "montagne", ni la gendarmerie ni les CRS n’ont jugé utile de s’y implanter !
La rue Cambon note que ces dysfonctionnements ne sont généralement pas "préjudiciables aux victimes", mais ils nuisent "à l’efficacité et à l’efficience des interventions".
Elle montre les incohérences du découpage départemental des plans de secours et propose de "mieux prendre en compte la logique de massif" dans le déploiement des unités et des moyens aériens. La Cour des comptes consacre par ailleurs la légitimité de la gendarmerie. Ce qui signifie, en clair, un retrait des CRS, et le cas échéant, le transfert de leurs personnels vers la gendarmerie. L’intervention des Sdis devra être limitée et non redondante, "les préfets devant veiller à ce qu’ils n’interviennent pas inopportunément".
Enfin, alors qu’une mission a été confiée au préfet Jean-Claude Bastion pour réfléchir à un rapprochement des formations, la Cour recommande de fusionner toutes les structures de formation existantes (Ecole militaire de haute montagne, Centre national d’instruction de ski et d’alpinisme de la gendarmerie, Centre national d’entraînement à l’alpinisme et au ski) dans un centre de formation unique. Selon la Cour, le rapprochement "est un préalable important à une meilleure coordination future entre services".