La Corse finit par adopter un plan territorial de prévention et de gestion des déchets

L'Assemblée de Corse a adopté ce 25 juillet un plan territorial de prévention et de gestion des déchets très attendu. L'île méditerranéenne était jusqu'ici le seul territoire non doté d'un tel plan alors qu'elle est confrontée depuis plusieurs décennies à une crise des déchets.

Alors que l'île est engluée dans une crise lancinante des déchets depuis plusieurs décennies, l'Assemblée de Corse a adopté jeudi 25 juillet au soir un plan territorial de prévention et de gestion des déchets (PTPGD) visant à augmenter significativement le tri afin d'éviter le débordement de ses centres d'enfouissement. Aux termes de la loi du 7 août 2015 (loi Notr) confiant la compétence de planification de la gestion des déchets aux régions, elle devait élaborer ce plan se substituant aux plans relatifs aux déchets dangereux et non dangereux, respectivement adoptés en 2018 et 2015. La Corse était jusqu'ici le seul territoire à ne pas s'être encore dotée d'un tel plan, l'ensemble des autres régions continentales ayant adopté ce document entre octobre 2018 et mars 2020.

Première région métropolitaine pour la production de déchets par habitant

Pourtant, l'île était en 2021 " la première région métropolitaine en termes de production de déchets ménagers et assimilés [DMA] par habitant", a rappelé le 11 juillet la Chambre régionale des comptes (CRC) dans un rapport fondé sur le contrôle de 11 entités en charge de la prévention et de la gestion des déchets en Corse entre 2020 et 2024. Le coût du service public de gestion des déchets dans l'île représente "deux à trois fois celui de la moyenne nationale", a relevé la CRC, pointant "la planification défaillante" de la Collectivité de Corse. Ce coût, qui s'élevait à "104 millions d'euros en 2022", "pèse fortement sur le budget des intercommunalités, atteignant 80% des dépenses de fonctionnement pour certaines, ce qui les contraint fortement pour l'exercice d'autres compétences".

L'île de 340.000 habitants, qui peine depuis une vingtaine d'années à gérer ses déchets, en l'absence d'incinérateur et avec seulement deux centres d'enfouissement à Viggianello (Corse-du-Sud) et Prunelli-di-Fiumorbo (Haute-Corse) qui arriveront bientôt à saturation, a produit en 2023 plus de 216.000 tonnes de déchets, soit 629 kg par habitant, avec un taux de tri qui "stagne à 38%", selon le rapport 2024 du Syvadec, l'organisme public chargé du traitement des déchets dans l'île. "Outre l'impact de la fréquentation touristique, la forte production de déchets est liée à l'insularité et au recours à des transports requérant un conditionnement adapté", précise la CRC.

"Si l'objectif national de réduction des DMA [déchets ménagers et assimilés, ndlr] de 15% d'ici 2030 par rapport à 2010 paraît atteignable, le respect des autres objectifs réglementaires semble peu probable" en Corse, prévoit-elle. L'objectif de valorisation énergétique est en effet d'atteindre 70% en 2025 alors qu'elle ne représentait que 6% en 2022 en Corse. De même, le stockage des déchets, qui ne devra plus représenter que 10% en 2035, était de 63% en 2022.

Le tri à la source, "épine dorsale" du plan

"Nous débattons sur un volcan, sur une situation non résolue qui risque de nous conduire dans deux ans à une situation de crise majeure et irréversible", a souligné le président du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, lors d'un débat à l'Assemblée de Corse jeudi soir. Dans la foulée, l'Assemblée a finalement adopté le PTPGD avec les 48 voix (sur 63 conseillers territoriaux) de Fà Populu Inseme, groupe autonomiste de la majorité territoriale, et de Un Soffiu Novu, groupe de droite.

Selon le président de l'Office de l'environnement de la Corse (OEC), Guy Armanet, le plan a comme "épine dorsale" le tri à la source, très peu développé jusqu'ici sur l'île comparé "aux valeurs et moyennes françaises et européennes". "Le minimum imposé par la réglementation représente déjà un effort de baisse des tonnages et de hausse du recyclage bien au-delà de ce qu'aucune région n'a jamais observé dans un délai si court", a-t-il ajouté, notant que cela implique pour l'île une "baisse de 90% des tonnages enfouis à horizon 2035".

Valorisation énergétique : les défenseurs de l'environnement vent debout

Le plan adopté prévoit, en outre, d'étudier la possibilité de recours à la "valorisation énergétique" pour une partie des déchets résiduels, ce qui hérisse nombre d'associations de défense de l'environnement. Cette valorisation énergétique devrait prendre la forme d'une centrale à biomasse qui pourra fonctionner au bois ou en brûlant des Combustibles solides de récupération (CSR, déchets) et permettra de "produire de l'électricité".

En début de semaine, le collectif Corsica Pulita - composé de 17 associations corses de défense de l'environnement et des deux collectifs antimafia - avait déploré que l'opportunité d'un recours à la filière CSR/incinération soit actée "sans études de faisabilité pour en mesurer l'impact en aval (pollution de l'air et de la terre)". Cette voie "amène la Corse dans le mur pour la rendre entièrement dépendante d'intérêts privés et mafieux", avait-il ajouté menaçant de saisir la justice.