La commission sur le Ceta juge l'accord "décevant ou franchement absent" sur les questions d'environnement et de santé
La commission chargée d'analyser l'impact du Ceta sur l'environnement et la santé a remis son rapport au Premier ministre le 8 septembre 2017. Elle juge l'accord "décevant ou franchement absent" en matière d'environnement et de santé. Le gouvernement annoncera son plan d'actions construit sur la base du rapport le 13 septembre, lors du prochain comité de suivi national des dossiers de politique commerciale.
Un "Ceta décevant ou franchement absent" sur les aspects environnementaux en général et climatiques en particulier… La commission indépendante, chargée le 7 juillet 2017 d'analyser l'impact du Comprehensive Economic and Trade Agreement (Ceta) ou Accord économique commercial global (AECG) entre l'Union européenne et le Canada sur l'environnement, le climat et la santé, a rendu le 8 septembre son rapport au Premier ministre. L'accord de libre-échange, qui prévoit notamment la réduction des droits de douane entre les deux parties et la protection de 145 appellations géographiques européennes, a été signé en 2016 et doit entrer en vigueur le 21 septembre, mais il fait l'objet de nombreuses controverses. Lors de sa campagne électorale, Emmanuel Macron avait promis de faire évaluer ses impacts sur l'environnement ou la santé et de faire modifier le texte si nécessaire.
Le "grand absent" est le climat
Parmi les points de vigilance relevés, la commission souligne notamment le "manque d'ambition de l'accord" en matière d'environnement et de développement durable. Des "opportunités manquées", d'après la commission. "Il n'est pas fait mention d'engagements à diminuer les subventions dommageables à l'environnement, en particulier les subventions aux énergies fossiles et à la pêche", affirme ainsi le texte. La commission regrette aussi l'absence du climat dans le texte, et analyse les conséquences de l'accord sur l'agriculture, avec une augmentation des importations européennes de viandes de porc et de bœuf canadiennes, "susceptible d'affecter négativement un secteur de l'élevage déjà affaibli dans l'Union européenne, même s'il est vrai qu'en contrepartie le secteur des produits laitiers transformés devrait bénéficier de la reconnaissance de nombreuses appellations géographiques". La Commission pointe aussi les conditions d'élevage canadiennes qui diffèrent beaucoup de celles mises en œuvre en Europe. L'accord est "muet sur les questions du bien-être animal, de l'alimentation animale (farines animales ou non ?) et de l'administration d'antibiotiques comme activateurs de croissance", critique le rapport.
Un "veto" climatique
Face à ces constats, la commission formule plusieurs recommandations, dont la mise en place d'un comité chargé du suivi de l'application du Ceta, "qui pourra être sollicité pour évaluer l'impact sanitaire et environnemental des futurs accords de libre-échange, l'instauration d'un étiquetage informant sur les modes de production des produits d'origine animale et le renforcement des contrôles et des procédures de certification en matière animale et végétale". Le texte propose aussi d'introduire un "veto" climatique sur la protection des investissements : "un tel mécanisme permettra aux parties contractantes de faire en sorte que leurs politiques climatiques ne soient pas entravées par les procédures du chapitre sur l'investissement", précise le document.
Enfin, le rapport propose de compenser les effets négatifs directs sur le climat par l'introduction éventuelle de dispositifs complémentaires dans le Ceta ou par un accord bilatéral spécifique entre l'Union européenne et le Canada.
Remerciant la commission pour son travail, le gouvernement a annoncé qu'il présenterait ses enseignements et les principaux axes de son plan d'actions interministériel sur la base de ce rapport à l'occasion du prochain comité de suivi national des dossiers de politique commerciale, le 13 septembre. Dans un communiqué, le député Matthieu Orphelin a estimé que "ratifier les yeux fermés serait une lourde erreur". "Au gouvernement et à nous, parlementaires, de prendre des décisions ambitieuses pour corriger ces effets potentiels néfastes du Ceta." De son côté, l'ancien candidat écologiste à la présidentielle, Yannick Jadot, a tweeté : "A l'évidence, le #CETA expose les Européens plus qu'il ne les protège. Il est urgent d'y mettre fin."
Ceta : la Belgique saisit la Cour de justice européenne
Comme elle s'y était engagée en octobre 2016, la Belgique a saisi le 7 septembre 2017 la Cour de justice de l'Union européenne sur l'accord de libre-échange signé en 2016 entre l'Union européenne et le Canada, le Ceta. La requête du pays porte sur la compatibilité du système juridictionnel des investissements (ICS) que crée l'accord avec les traités européens. Il s'agit d'un système réformé de règlement des différends entre Etats et investisseurs qui permet par exemple à une multinationale investissant à l'étranger de porter plainte contre un Etat qui adopterait une politique publique contraire à ses intérêts, pour demander réparation.
L'accord doit entrer en vigueur de manière partielle et provisoire le 21 septembre 2017 mais il ne sera pleinement appliqué qu'une fois ratifié par l'ensemble des parlements de l'Union européenne, ce qui devrait prendre encore plusieurs mois. Les dispositions sur lesquelles porte l'avis belge sont toutefois exclues de l'application provisoire.
La Cour de justice européenne devrait rendre son avis dans les dix-huit mois à venir.