Archives

Fonds structurels - La Commission lance le débat de l'après-2013

La Commission a donné le coup d'envoi officiel des négociations sur l'avenir de la politique de cohésion, le 10 novembre. Dans un rapport très attendu, elle fixe ses grandes orientations : maintenir des crédits dans toutes les régions, les orienter vers la nouvelle stratégie Europe 2020, instaurer des "contrats de partenariats" et créer une nouvelle catégorie pour les régions en transition.

La publication du cinquième rapport sur la cohésion économique, sociale et territoriale de la Commission européenne donne le départ des discussions sur la future architecture de la politique de cohésion après 2013. Johannes Hahn, commissaire européen à la Politique régionale, a déclaré que l’Union européenne (UE) devait "dépenser plus intelligemment, se focaliser sur les priorités principales et ajouter une valeur visible à ce que les autorités nationales et régionales sont déjà en train de faire". Derrière les déclarations officielles, la passe d’armes des négociations a commencé, avec de premières grandes lignes tracées par la Commission.

Aligner la politique de cohésion sur les priorités de l’UE 2020

Le rapport est favorable au maintien des crédits de la politique régionale dans toutes les régions, y compris les plus riches. Un point sur lequel les régions d'Europe se sont mobilisées très tôt.  "La crise économique a mis en évidence la nécessité d'une politique investissant dans la compétitivité de toutes les régions", souligne la Commission. Celle-ci souhaite également un lien étroit entre la politique régionale et la nouvelle stratégie européenne en faveur de l’innovation, l’emploi, l’efficacité énergétique et la réduction de la pauvreté (Europe 2020), qui a succédé à la stratégie de Lisbonne. Dans cette optique, et même si elle est passée sous silence dans les conclusions du rapport, il serait logique que la Commission européenne reconduise, voire renforce, la logique du "earmarking" (fléchage), qui consiste à affecter obligatoirement une partie des crédits européens à des projets estampillés "Europe 2020". Rappelons que la programmation 2007-2013 des fonds structurels contraint déjà à utiliser 75% des fonds en Métropole (50% dans les DOM) en faveur de la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne+.
Joël Tilly, rapporteur à la DG Regio pour le Luxembourg, la Belgique et la France, remarque surtout que le fléchage des fonds sur les priorités de l'Union pour 2020 ne modifiera pas substantiellement l'allocation des fonds, laquelle fera encore la part belle à l'innovation.
La Commission souhaite ainsi concentrer thématiquement les fonds sur "deux à trois priorités", autour de l'innovation et de la prise en compte des zones urbaines, ce que Johannes Hahn avait déjà laissé entendre lors de ses récents déplacements. Certains à la Commission parlent d'ailleurs de créer des PO (programmes opérationnels) spécifiques pour les zones urbaines, ainsi que pour les zones rurales, et de reconduire les PO pour les massifs et les bassins fluviaux.

Régions en transition

Deuxième point important : la Commission souhaite maintenir le PIB comme instrument de mesure des politiques régionales de cohésion. Le parlement européen et le Comité des régions avaient appelé à élargir le panel des instruments disponibles, notamment à ceux qui interviennent dans les domaines sociaux et environnementaux. Or, la Commission persiste à vouloir conserver le seul PIB par habitant comme instrument de mesure.
L'importance du choix de cet instrument est ressentie au sujet du régime dit "de transition". Il concerne une vingtaine de régions qui ont atteint le seuil de 75% du PIB de la moyenne communautaire et qui perdraient ainsi en 2013 l’aide à la "convergence", destinée aux régions les moins riches. La Commission suit l'avis du Comité des régions et propose d'instaurer une troisième catégorie pour les régions affichant un PIB situé dans une fourchette de 75 à 90% de la moyenne. Le régime des régions "en transition" qui ont réalisé l'objectif de convergence existait déjà lors de la précédente programmation mais le mécanisme de sortie ("phasing out") était jugé compliqué à la fois par la Commission et par l'ARE  (Assemblée des régions d'Europe). Comme le souligne Joël Tilly, l'avantage incontestable du PIB est qu'il "n'est pas sujet à débat". L'ARE, quant à elle, rappelle que, quel que soit l'instrument de mesure choisi, "il est important d'établir des critères clairs afin que chaque région sache où elle en est".
Il s'agit cependant d'une question "éminemment politique", comme le souligne Estelle Delangle, coordinatrice politique en charge des questions de cohésion à l'ARE. Une région européenne sur quatre est en dessous du seuil des 75% selon les chiffres d'Eurostat. Pour la France, il s'agit de la Guyane et de la Réunion. La Martinique et la Guadeloupe sont juste au dessus (75,1% et 76,3%). Mais huit régions françaises figurent dans la fourchette de 75 à 90% du PIB moyen...

Contrat de partenariat

Concernant l’architecture de la future programmation, la Commission envisage de maintenir une approche descendante (dite "top down") dans la définition des priorités. Au cadre de référence stratégique national (CRSN) existant aujourd'hui, elle substituerait un cadre stratégique commun (CSC) permettant de définir des thématiques prioritaires sur lesquelles attribuer les trois fonds de cette politique (Feder, fonds social européen et fonds de cohésion) mais aussi, et c'est là la grande nouveauté, les fonds de l'agriculture et de la pêche (Feader et FEP). La question de la transversalité entre les différents fonds est au coeur des débats actuels. 
L'autre nouveauté serait que, sur la base du CSC, chacun des 27 Etats membres serait invité à négocier un "contrat de partenariat pour le développement et l'investissement" avec la Commission pour permettre que ces fonds appuient les priorités des politiques menées à l'échelon national. Les programmes opérationnels devraient ensuite reprendre le contenu de cet accord. Certaines priorités seraient obligatoires, mais d'autres seraient déterminées en fonction des besoins de chaque région. "L'idée de contrat nous plaît, a réagi l'ARE. Mais nous envisagerions un contrat tripartite entre la Commission, les Etats membres et les régions." L'ARE souhaiterait que les régions participent à la négociation dès la prise de décision.

Réserve de performance

Enfin, la Commission, outre une répartition territoriale plus flexible des fonds, propose de réactiver la "réserve de performance" qui établit un lien entre allocations financières et résultats. Ce système, qui était à l'oeuvre entre 2000 et 2006, consiste à mettre de côté un faible pourcentage des fonds européens qui serait ensuite reversé aux régions ayant obtenu les meilleurs résultats après une évaluation à mi-parcours. Le mécanisme incitatif reposant sur "l'effet du meilleur élève", selon le document, encouragerait Etats et régions à respecter leurs engagements, et est bien perçu par l'ARE.
Suite aux plaintes des organismes gestionnaires de fonds, la Commission européenne propose par ailleurs une série de pistes pour simplifier la distribution des fonds via la réduction des contraintes administratives et l’amélioration de l’évaluation. Parmi ces mesures, la Commission souhaite surseoir au remboursement des autorités nationales tant qu'elles n'ont pas payé la contribution correspondante de l'Union aux bénéficiaires.
En matière de discipline financière, la Commission souhaite continuer à appliquer la règle du n+2 (ou dégagement d'office) qui consiste à supprimer les crédits européens non consommés dans les deux années.
Le principe de proportionnalité des contrôles quant à lui devrait être mis en oeuvre en allégeant les contrôles pour les bons gestionnaires de fonds.

Consultation

Ces propositions seront affinées au cours des prochains mois. La Commission lance une consultation et invite toutes les parties prenantes à réagir aux questions posées dans les conclusions du rapport sur le site internet de la DG de la Politique régionale d’ici au 31 janvier 2011. C’est l’occasion unique pour les collectivités de faire entendre leur voix. Le Comité des régions devait déjà se réunir le 16 novembre pour prendre position. Les discussions seront marquées par la présentation du livre blanc de l'ARE sur la politique de cohésion, le 7 décembre à Bruxelles. La clôture de la consultation sera suivie immédiatement du cinquième forum-débat sur la cohésion, le 31 janvier et le 1er février 2011. A la mi-2011, la Commission présentera son texte de base législatif dans la foulée de l’adoption du nouveau cadre financier pluriannuel.
Reste la question essentielle du financement de la politique de cohésion, laquelle sera débattue en même temps que le budget général de l’Union. Le montant disponible dépendra des négociations entre Etats membres.

 


Marion Lafuste / Welcomeurope