PLF 2019 / Tourisme - La commission des finances de l'Assemblée s'inquiète du délaissement du tourisme intérieur
"La clientèle touristique française ne doit pas être oubliée" et n'a pas la place qu'elle mérite dans la stratégie du gouvernement, estime la députée de Savoie Emilie Bonnivard dans un rapport, proposant plusieurs amendements au PLF pour contribuer à limiter ce déséquilibre.
Dans son rapport fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur les crédits de la mission "Tourisme", dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, Emilie Bonnivard, députée (LR) de Savoie, souligne le déséquilibre croissant entre la dimension internationale du tourisme - concrétisée par le rattachement au ministère des Affaires étrangères en 2014 - et la dimension nationale.
"Il ne s'agit pas seulement d'attirer des touristes étrangers"
La rapporteure rappelle en effet que "le tourisme dépend aujourd'hui entièrement du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Or, s'il est essentiel d'agir à l'intention des touristes internationaux, la clientèle touristique française ne doit pas être oubliée". Et, sur ce point, elle "n'a pas le sentiment que le tourisme domestique a la place qu'il mérite dans la stratégie du gouvernement".
Le rapport souligne que "les Français qui passent leurs vacances en France représentent notre premier marché et leurs choix ont un impact sur la balance commerciale de la France". On pourrait ajouter que le tourisme national a joué un rôle essentiel de stabilisateur de l'activité, lorsque les touristes étrangers ont massivement déserté la France après les attentats de 2015 et de 2016.
Pour maintenir une balance commerciale positive en matière de tourisme, "il ne s'agit pas seulement d'attirer des touristes étrangers, mais aussi de renforcer la fréquentation endogène". La rapporteure y voit également "un vrai enjeu d'inclusion sociale", la dimension du tourisme social ayant tendance à s'effacer de plus en plus devant celle du tourisme international. L'Observatoire des inégalités rappelle pourtant que 37% des Français ne partent pas en vacances.
Lits froids, volets clos et hôtellerie indépendante
Le rapport met en avant deux dossiers clés de ce tourisme intérieur : en finir avec les "lits froids et volets clos" (lits touristiques occupés moins de quatre semaines par an dans des résidences de tourisme souvent vieillissantes car peu ou pas rénovées) et sauver l'hôtellerie familiale et indépendante.
Sur le premier point, le document rappelle que ces résidences comptent 785.000 lits et représentent près de 30% du parc d'hébergement touristique, voire plus de 50% dans les départements les plus touristiques. Or, "on estime chaque année les sorties de baux locatifs à 1 à 2% des lits, à la mer et à la montagne, ce qui représente 5.000 à 10.000 lits chaque année au total qui sortent du parc locatif". La rapporteure a d'ailleurs déposé des amendements instaurant des dispositifs d'incitation fiscale (exonération totale ou partielle de la taxe d'habitation pour les propriétaires de résidences secondaires qui louent effectivement leur bien au moins huit semaines par ans), mais ils n'ont pas été adoptés par l'Assemblée.
Sur la question de l'hôtellerie familiale et indépendante, la rapporteure estime que "ces hôtels ferment et ne se transmettent plus en raison de droits de succession trop élevés et inadaptés à des reprises". Par ailleurs, "les mises aux normes et les travaux de rénovation sont trop coûteux par rapport à la capacité d'investissement des propriétaires, qui peinent en outre à trouver des repreneurs et gestionnaires compétents". La rapporteure a donc déposé un "amendement d'appel" (non adopté), afin d'inciter le gouvernement à se saisir de la question "qui est cruciale quand on voit que l'hôtellerie familiale et indépendante stagne globalement et continue de chuter dans des zones à forte densité touristique et saisonnière (-4% en Auvergne Rhône-Alpes, -6% en Nouvelle Aquitaine)".
Rallonger la durée des prêts hôtellerie de Bpifrance
Le rapport estime aussi la durée des prêts "hôtellerie" mis en place par Bpifrance trop courte (quinze ans en moyenne) pour faire face aux enjeux de réhabilitation et préconise plutôt une durée allongée jusqu'à 25 ans.
A noter : le rapport déplore également la suppression, dans le PLF 2019, de toute dimension relative au tourisme au sein de la mission "Economie". Conséquence : "Il n'y a plus aucune ligne budgétaire pour soutenir les actions de la direction générale des entreprises (DGE) en faveur du tourisme ; il n'y a plus non plus aucune ligne budgétaire pour financer l'activité de garantie des prêts bancaires par Bpifrance qui bénéficiait notamment aux entreprises du tourisme".
Référence : Assemblée nationale, projet de loi de finances pour 2019, rapport fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur les crédits de la mission Tourisme. |