Social - La CJUE autorise les Etats membres à refuser certaines prestations sociales aux ressortissants d'un autre Etat membre
En novembre 2014, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) rendait un arrêt ouvrant la possibilité de subordonner l'octroi d'aides sociales aux étrangers non ressortissants de l'UE à la recherche effective d'un travail (voir notre article ci-contre du 12 novembre 2014). Dans un nouvel arrêt du 15 septembre 2015, la CJUE se penche, cette fois, sur le droit aux prestations sociales des ressortissants de l'Union qui se rendent sur le territoire d'un Etat membre d'accueil pour y chercher du travail et y ont déjà travaillé, alors même que ces prestations sont garanties aux ressortissants de l'Etat membre d'accueil qui se trouvent dans la même situation.
Seules les prestations non contributives sont visées
L'affaire concerne à nouveau le système d'assurance chômage allemand, mais ses conclusions sont bien sûr valables pour l'ensemble des Etats membres. En l'espèce, Mme Alimanovic, née en Bosnie mais de nationalité suédoise, et ses trois enfants nés en Allemagne avait quitté ce dernier pays pour la Suède au cours de l'année 1999, avant d'y revenir en juin 2010.
Après plusieurs emplois de courte durée pour l'intéressée et pour sa fille aînée, la famille n'exerçait plus d'activité professionnelle et bénéficiait d'allocations de subsistance pour les chômeurs de longue durée et, pour les deux enfants mineurs, d'allocations sociales pour les personnes inaptes à travailler. Mais le Jobcenter de Berlin Neukölln - l'équivalent de Pôle emploi - a finalement suspendu ces prestations en considérant que les intéressées en étaient exclues "en tant que chercheuses d'emploi étrangères dont le droit de séjour était seulement justifié par la recherche d'emploi".
Dans son arrêt du 15 septembre, la CJUE - qui était saisie dans le cadre d'un renvoi préjudiciel par la Cour fédérale du contentieux social (Bundessozialgericht) - valide la position du Jobcenter. L'arrêt considère en effet que l'article 24 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, et l'article 4 du règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale "doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une réglementation d'un Etat membre qui exclut du bénéfice de certaines prestations spéciales en espèces à caractère non contributif [...], et qui sont également constitutives d'une prestation d'assistance sociale".
Deux situations peuvent justifier un droit aux prestations
Au passage, la CJUE rappelle "que, pour pouvoir accéder à des prestations d'assistance sociale telles que celles en cause au principal, un citoyen de l'Union ne peut réclamer une égalité de traitement avec les ressortissants de l'Etat membre d'accueil que si son séjour sur le territoire de l'Etat membre d'accueil respecte les conditions de la directive 'citoyen de l'Union'".
En pratique, seules deux situations peuvent conférer un tel droit de séjour à un demandeur d'emploi ressortissant de l'UE. La première concerne le citoyen de l'Union qui a profité d'un droit de séjour en tant que travailleur et se trouve en chômage involontaire après avoir travaillé pendant une période de moins d'un an. Sous réserve qu'il se soit fait enregistrer en qualité de demandeur d'emploi auprès du service compétent, il conserve le statut de travailleur et le droit de séjour pendant au moins six mois et, durant cette période, peut bénéficier des prestations d'assistance sociale au titre du principe d'égalité de traitement.
La seconde situation concerne le citoyen de l'Union qui n'a pas encore travaillé dans l'Etat membre d'accueil ou celui qui a vu expirer la période de six mois évoquée ci-dessus. Dans ce cas, l'intéressé ne peut pas être éloigné de cet Etat membre tant qu'il est en mesure de faire la preuve qu'il continue à chercher un emploi et qu'il a des chances réelles d'être engagé. Mais l'Etat membre d'accueil est alors libre de lui refuser toute prestation d'assistance sociale.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Cour de justice de l'Union européenne, Grande chambre, arrêt C-67/14 du 15 septembre 2015, Jobcenter Berlin Neukölln c/ Alimanovic.