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La Chambre régionale des comptes fustige l'échec de la Villa Méditerranée à Marseille

La chambre régionale des comptes (CRC) de Provence-Alpes-Côte d'Azur rend public son rapport d'observations définitives sur la Villa Méditerranée à Marseille. Inaugurée le 7 avril 2013 - dix ans après que Michel Vauzelle, alors président de la région Paca, en a annoncé le lancement -, la Villa Méditerranée, bien qu'ouverte l'année de Marseille capitale européenne de la culture et contiguë au Mucem, n'a manifestement pas réussi à trouver sa place dans le paysage culturel. La CRC a par ailleurs identifié d'importantes dérives de coût et de fonctionnement.

"Un concept à la fois ambitieux et imprécis"

Le rapport de la CRC est peu amène sur ce projet qui, dès son origine, répond à un "concept à la fois ambitieux et imprécis", avec une vocation à la fois culturelle (muséale) et institutionnelle (autour de la coopération des pays de la Méditerranée). Dans sa délibération du 21 mars 2003 officialisant le lancement du projet, le conseil régional entendait, non sans emphase, "conforter au même titre que le Mucem, le rayonnement métropolitain, national et international du projet de la Cité de la Méditerranée [nom initial du projet, ndlr] et, d'autre part, valoriser le rôle de Marseille dans l'arc latin". Comparé à la notoriété et au succès du Mucem - qui possède toutefois lui aussi quelques failles -, le résultat n'est pas vraiment à la hauteur.
Côté dépenses, "la réalisation de la Villa Méditerranée a coûté plus de 62 millions d'euros HT alors qu'elle devait initialement s'élever à près de 20 millions d'euros. L'estimation de l'enveloppe financière prévisionnelle était donc irréaliste". Cette dérive s'explique par la complexité du projet architectural - avec son important porte-à-faux -, mais aussi par les insuffisances de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'œuvre.

La Villa a pâti de la proximité du Mucem

Côté gouvernance, le bilan présente également de sérieuses lacunes. La régie "Villa Méditerranée" - qui a permis à la région, à partir de 2011, de conserver un rôle prépondérant dans la gestion de la structure - a finalement laissé la place, en 2014, au GIP Avitem (Agence des villes et territoires méditerranéens durables). A travers une contribution significative versée à ce dernier (4,7 millions d'euros en 2015 et 4,57 millions en 2016, auxquels s'ajoute la prise en charge des annuités d'amortissement), la région continue toutefois "à mobiliser des ressources importantes pour la Villa Méditerranée".
Dix ans après le lancement du projet, le positionnement de la Villa Méditerranée reste flou. Pour la CRC en effet, "la vocation de cet ouvrage a souffert d'une indétermination qui n'a jamais été levée jusqu'à la dissolution, le 31 décembre 2014, de la régie créée pour en assurer la gestion". Il faut voir dans cette situation la conséquence de "la coexistence d'un objectif culturel vouant le bâtiment à être un lieu d'exposition et de rencontres culturelles et d'une vocation institutionnelle, en faisant le siège de la politique de coopération euro-méditerranéenne".
En outre, l'exploitation de la Villa Méditerranée a "pâti largement" de la proximité du Mucem et du musée "Fondation Regards de Provence". Ceci s'est traduit par des recettes d'exploitation "extrêmement faibles" : 259.152 euros entre 2011 et 2014, dont seulement 130.885 euros pour les entrées payantes... Des chiffres très inférieurs aux estimations issues des études menées en 2002 et en 2013. Les recettes provenant de la vente de marchandises ont également été très faibles (34.725 euros entre 2013 et 2014), de même que celles tirées de la location d'espaces (3.175 euros en 2013 et 25.480 euros en 2014).

Pour Michel Vauzelle, la faute aux "autorités locales marseillaises"

La publication du rapport de la CRC s'accompagne de la réponse définitive de Michel Vauzelle. Au-delà d'un certain nombre de considérations techniques et juridiques, l'ancien président de la région Paca se défend surtout en affirmant que "la Villa Méditerranée à Marseille a été combattue, dès son projet, par les autorités locales marseillaises", à l'exception d'une "trêve" durant l'année européenne de la culture. Dans ces conditions, selon Michel Vauzelle, "la Villa a été, comme le souhaitaient les autorités locales, incomprise, critiquée ou ignorée par les médias locaux et parisiens". Il y voit "le symbole d'une volonté politique trahie par les hommes de l'art et vaincue par des hommes de l'art politique".
Quel que soit le poids effectif de ces différents arguments, on peut aussi voir dans l'échec de la Villa Méditerranée un nouvel exemple de ces projets culturels dans lesquels le contenant l'a emporté sur le contenu, et le geste architectural et politique sur la définition d'un projet porteur de sens et capable de rencontrer un public. Sans oublier la quête, toujours recommencée, du mythique "effet Bilbao".