Santé / Social - La campagne tarifaire met les établissements sous pression
Edouard Philippe l'avait clairement annoncé en présentant, le 13 février dernier, les objectifs et les grands axes de la stratégie de transformation du système de santé : "Je ne vais pas faire comme si j'ignorais que nous publions les nouveaux tarifs hospitaliers dans deux semaines. Ils seront en baisse" (voir notre article ci-dessous du même jour). Agnès Buzyn l'a confirmé dans un communiqué du 26 février, intitulé "Les dotations et tarifs des établissements de santé sont arrêtés" en précisant que ces derniers seront publiés "d'ici la fin de la semaine".
Une baisse des tarifs de 0,5%, mais plus faible qu'en 2016 et 2017
Ces tarifs et dotations s'inscrivent dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 et de l'Ondam (Objectif national des dépenses d'assurance maladie) votée par le Parlement. L'Ondam prévoit ainsi une progression de 2% - supérieure à l'anticipation d'inflation - des dépenses de l'assurance maladie au titre des établissements de santé, soit une dépense supplémentaire de 1,5 milliard d'euros, portant l'enveloppe totale à 80,7 milliards d'euros.
Compte tenu de l'évolution "globalement modérée" de l'activité en 2017 (et plus faible que la prévision initiale), la baisse des tarifs des séjours sera limitée en 2018 à 0,5%, "soit un taux sensiblement plus favorable qu'en 2017 (-0,9%) et 2016 (-1%)". Par ailleurs, et comme chaque année, il est prévu d'appliquer un "coefficient prudentiel" - autrement dit le gel d'une fraction des crédits -, "afin de constituer une réserve qui a vocation à être libérée en cas de respect de l'Ondam". Comme en 2017, ce coefficient est fixé à 0,7%. Si le gel de ces crédits était maintenu en fin d'année, la baisse des dotations se trouverait donc portée à 1,2%.
En attendant la réforme de la tarification...
Dans sa présentation, la ministre des Solidarités et de la Santé indique aussi que certaines activités bénéficieront d'un taux plus favorable que le taux moyen d'évolution des tarifs MCO (médecine, chirurgie et obstétrique), comme la psychiatrie, les activités de dialyse hors centre et de prélèvements d'organes, ou encore l'hospitalisation à domicile.
Agnès Buzyn rappelle surtout "qu'elle engage, dans le cadre de la stratégie de transformation du système de santé annoncée le 13 février dernier, une réforme de la tarification de soins et de la régulation des dépenses de santé, avec pour objectif d'intégrer les premières mesures dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019". L'objectif affiché est de revenir à un maximum de 50% de tarification à l'activité (T2A) à la fin du quinquennat.
"Une mise sous tension des établissements hospitaliers"
Même si ces différents éléments ne sont pas une surprise, ces annonces ont suscité de vives réactions de la part des fédérations d'établissements. Dans un communiqué du 27 février, la FHF (Fédération hospitalière de France) - présidée par le maire de Fontainebleau, Frédéric Valletoux, et qui représente plus de 1.000 hôpitaux et environ 3.800 établissements médicosociaux - dénonce ainsi "une mise sous tension insoutenable des établissements hospitaliers".
Elle déplore en particulier la poursuite d'"une politique de rabot" et explique qu'elle "ne peut se réjouir d'un simple infléchissement de la baisse tarifaire, ni d'un léger coup de pouce donné à certaines dotations, alors que les calculs tarifaires continuent à reposer sur des prévisions d'activité irréalistes pour 2018 (+2,6%), et que le tendanciel des charges reste supérieur à 3%".
Les lourdes conséquences d'un arrêt du Conseil d'Etat
Pour sa part, la Fehap, qui représente les établissements privés à but non lucratif (plus de 4.200 établissements et services sanitaires, sociaux et médicosociaux), estime, dans un communiqué commun avec la Mutualité française, que les taux annoncés correspondent à un traitement "dangereux et injustifiable du privé non lucratif par le gouvernement". Ces établissements doivent également connaître une autre baisse de 0,5% liée à la compensation de dispositifs fiscaux, notamment le crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS).
Enfin, la FHP (Fédération des hôpitaux et cliniques de France) se demande - dans un communiqué commun avec la Fehap et Unicancer (centres de lutte contre le cancer) - "Pourquoi exclure les établissements de santé des mesures destinées à soutenir l'activité économique ?". Une allusion au décret du 23 février 2018 relatif à la prise en compte d'allégements fiscaux et sociaux dans les tarifs des établissements de santé. Tout en reconnaissant que le gouvernement est contraint de tirer les conséquences de l'annulation, par le Conseil d'Etat, des arrêtés tarifaires de 2017 pour rupture d'égalité, les trois organisations demandent que l'Etat compense l'obligation dans laquelle il se trouve "de bâtir un nouveau dispositif juridique pour reprendre aux établissements hospitaliers privés les bénéfices des allègements de charges jugés par ailleurs nécessaires pour l'ensemble des entreprises".
Un coup de pouce de 250 millions d'euros
Face à ces réactions, Agnès Buzyn annonce, dans un communiqué du 1er mars, "le reversement de 250 millions d'euros aux établissements de santé". Il ne s'agit pas à proprement parler d'une enveloppe supplémentaire, mais du dégel de crédits mis en réserve au début de 2017.
La ministre de la Santé justifie cette décision par le fait que "les dernières données disponibles relatives à l'exercice 2017 indiquent que les dépenses d'assurance maladie ont moins progressé que l'objectif voté, du fait principalement d'une progression de l'activité des établissements de santé plus faible que la prévision". Ces 250 millions d'euros, qui auront un effet bénéfique en termes de trésorerie seront mis à disposition sous la forme de deux enveloppes : 200 millions d'euros répartis entre l'ensemble des établissements de santé en fonction de leur activité et 50 millions d'euros consacrés à des aides en trésorerie pour des établissements en difficulté.
Agnès Buzyn rappelle au passage qu'un premier dégel de 150 millions d'euros a été opéré à l'automne dernier (voir notre article ci-dessous du 30 novembre 2017) et que c'est donc "la totalité des montants mis en réserve dans le champ des établissements de santé qui est reversée".