Jean-Pierre Vigier, président de l'Anem : "On va faire monter le son"

Quelques jours après son 40e congrès, l'Anem lance quatre chantiers pour aboutir rapidement à une proposition d'"acte III de la loi Montagne". L'association, désormais présidée par le député de Haute-Loire Jean-Pierre Vigier, réclame également une suite au plan Avenir montagnes, avec un effort plus grand autour du logement.

Avec six ministres "montagnards" au gouvernement, l'Association nationale des élus de la montagne (Anem), qui vient elle-même de renouveler ses instances, veut croire en un "alignement des planètes" et aspire à un "acte III de la montagne", après la loi fondatrice de 1985 et sa révision de 2016. Son nouveau président, Jean-Pierre Vigier, élu pour deux ans lors du 40e congrès de l'association à Superdévoluy (Hautes-Alpes) le 11 octobre, sait que le temps est compté pour l'exécutif. Il se donne six mois à un an pour parvenir à ses fins. Des commissions vont être installées pour plancher sur quatre priorités : le tourisme, l'agriculture, l'économie et l'industrie et les services publics, a ainsi exposé le député LR de Haute-Loire, lors d'une conférence de presse, aux côtés de la nouvelle secrétaire générale de l'Anem, la sénatrice socialiste des Pyrénées-Atlantiques Frédérique Espagnac et du vice-président Xavier Roseren, député Horizons de Haute-Savoie. Un pluralisme auquel l'Anem se dit très attachée. 

13% des Français aspirent à vivre en montagne

Quelques mois après avoir présenté à l'ancien gouvernement une contribution à une stratégie nationale pour la montagne, c'est donc un nouveau chantier qui s'ouvre. "La société a changé, le climat a changé, on doit s'adapter", a martelé Jean-Pierre Vigier, conforté par un sondage Ifop réalisé avec la Banque des Territoires qui montre que 13% des Français aspireraient à vivre en montagne, soit 7,8 millions de Français. "Cela reviendrait à doubler la population en montagne", souligne Marie-Annick Fournier, déléguée générale de l'Anem. 49% des moins de 35 ans seraient prêts à franchir le pas, dont 17% "très certainement", sans pour autant minimiser les conditions de vie plus rudes qu'ailleurs… Encore faut-il leur en donner la possibilité. "On veut faire monter le son sur les territoires de montagne au niveau national", a affirmé Jean-Pierre Vigier. Selon lui, la première priorité est le tourisme dans un contexte de "changement climatique". "On est pour maintenir quand on peut les stations de ski" mais pour les stations de basse altitude, "il faut anticiper pour éviter une fermeture comme on le voit". "Là où il n'y a plus de neige, il faut s'organiser pour faire un tourisme à l'année", souligne le député. En revanche, l'Anem n'est pas pour séparer les stations en trois grandes catégories comme le préconisait Joël Giraud dans son rapport intitulé "Vers une montagne à vivre en 2030" remis au gouvernement en septembre 2023 mais dévoilé des mois plus tard... L'ancien secrétaire d'État chargé de la ruralité, à l'origine du lancement du plan Avenir montagnes, préconisait ainsi de classer les stations en fonction de leurs perspectives d'enneigement à horizon 2050, calculées à partir de l'outil ClimSnow. Il allait jusqu'à proposer un effacement de dette pour les stations qui seront contraintes d'abandonner le ski. Une idée qui part d'une bonne intention. Mais "ce serait stigmatisant et couperait toute dynamique pour les stations concernées, ce qui n'empêche qu'elles vont devoir être soutenues", explique-t-on. En revanche, l'Anem soutient de longue date l'idée avancée par Joël Giraud d'une "Anru de l'immobilier de tourisme" pour s'attaquer aux grands ensembles aujourd'hui en désuétude.

50% de passoires énergétiques

L'Anem réclame aussi un deuxième plan Avenir montagnes qui s'intéresserait un peu plus au logement, sachant que "50% des logements en montagne sont des passoires énergétiques", a fait remarquer Xavier Roseren. L'ancien maire des Houches alerte aussi sur l'importance prise par les locations "Airbnb" dans certaines communes de montagne. Un outil "génial" qui a permis de réchauffer des lits froids, souligne-t-il. Mais trop c'est trop. "On perd de l'habitat à l'année pour favoriser de la location de très court terme." "Si on ne loge pas [les permanents ou les saisonniers], c'est un frein principal au développement économique de nos stations." Le député suggère de transférer "3 à 4%" des logements Airbnb vers de la location permanente.

Les élus de montagne font aussi valoir le "droit à la différenciation", notamment dans l'application du zéro artificialisation nette (ZAN). Ils se réjouissent de la position de Michel Barnier qui, lors de sa déclaration de politique générale, le 1er octobre, s'est engagé à " faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la réglementation 'zéro artificialisation nette' pour répondre aux besoins essentiels de l’industrie et du logement" (voir notre article du 1er octobre). "Le ZAN, c'est la double peine pour les élus de montagne", affirme Jean-Pierre Vigier, alors que la loi Montagne de 1985 interdisait déjà de construire en discontinuité du bâti. L'Anem demande que les communes au RNU (règlement national d'urbanisme) puissent avoir droit à la garantie d'1 hectare constructible sur dix ans prévue par la loi du 20 juillet 2023 et que cet hectare soit "réservé aux zones résidentielles" afin d'en extraire les maisons de santé, les zones d'activité, les zones agricoles…

Quelques urgences

À présent, les parlementaires vont s'atteler à quelques urgences.  S'assurer de l'adoption à l'Assemblée de la proposition de loi sénatoriale votée le 17 octobre supprimant l'obligation de transfert des compétences eau et assainissement aux intercommunalités, qui devait intervenir au 1er janvier 2026 (voir notre article du 18 octobre). S'assurer aussi que la réforme des zones de revitalisation rurale devenues France ruralité revitalisation soit bien stabilisée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 (un chantier sur lequel Frédérique Espagnac s'est fortement mobilisée aux côtés du sénateur du Cantal Bernard Delcros), avant de travailler avec Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat, à la carte des zones dites "FRR+".

Plus généralement, les élus sont vent debout contre l'effort de 5 milliards d'euros demandé aux collectivités dans ce même budget. Ils alertent aussi sur les risques que la suppression de 4.000 postes dans l'Éducation nationale pourrait faire peser sur les territoires de montagne. "L'inspection académique peut ne pas tenir compte des seuils de classe. On va faire monter le son", annonce Jean-Pierre Vigier.