Action internationale - Jean-Marc Ayrault annonce un "livre blanc" sur la diplomatie des territoires
La COP 21 du mois de décembre aura été une des premières grandes occasions de mettre en pratique la "diplomatie des territoires". Terme apparu il y a trois ans en remplacement de la "coopération décentralisée". L'idée sous-jacente est de mieux coordonner les actions diverses et variées des collectivités à l'international avec celle du Quai d'Orsay. La Semaine des ambassadeurs a permis aux élus, préfets et ambassadeurs de faire un point, le 31 août, sur cette toute jeune diplomatie des territoires dans un contexte mouvant, avec la réforme territoriale qui a donné de nouvelles compétences aux régions, aux métropoles et intercommunalités, les difficultés financières rencontrées par les collectivités et une insécurité plus grande sur la scène internationale… "Ces dernières années, la contribution de nos territoires à l'action internationale de la France n'a cessé de prendre de l'importance", a souligné le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, en ouverture de cette journée. Pour celui a qui a été 35 ans maire de Nantes, il faut aujourd'hui "chercher la cohérence, l'efficacité entre l'action de l'Etat et celle des élus de nos territoires". Le chef de la diplomatie a ainsi indiqué qu'un "livre blanc" était en cours de finalisation. Son but : garantir un meilleur accès des collectivités au réseau diplomatique et aussi apporter une nouvelle offre de services aux territoires. Ce livre blanc sera accompagné d'un guide pratique pour les élus. "On a pu préserver l'essentiel des soutiens à la coopération décentralisée. N'abandonnez pas l'ambition", a lancé Jean-Marc Ayrault aux élus. Une mise en garde contre un retour au cartiérisme des années 1950 - "La Corrèze avant le Zambèze" - alors que la situation financière des collectivités amène nombre d'entre elles à envisager de réduire la voilure. A ce titre, Rémy Rioux, le nouveau directeur de l'Agence française de développement (AFD) s'est félicité du rapprochement de cette institution avec la Caisse des Dépôts, comme il l'avait lui-même préconisé dans son rapport de janvier. "Les contraintes sur les budgets locaux appellent un point d'appui. L'AFD devra devenir ce point d'appui", a-t-il avancé.
Un milliard d'euros de projets
Malgré ces restrictions budgétaires, François Rebsamen, le vice-président de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), a rappelé que plus de 4.800 collectivités françaises mènent des actions dans 146 pays avec environ 9.000 collectivités étrangères. C'est un total de 12.700 projets pour un coût d'un milliard d'euros, a-t-il précisé. Cette commission créée en 2009 tient à jour sur son site un atlas des projets en cours. Il en va des traditionnels jumelages nés après-guerre à toutes les formes de coopérations, de plus en plus techniques, en matière culturelle, de développement durable, de développement urbain et rural, d'éducation, de développement économique et même institutionnelles. La CNCD réunit en son sein des représentants des collectivités, des associations et des ministères. Elle devrait bientôt s'étoffer en accueillant l'association France urbaine, a fait savoir Jean-Michel Baylet, le ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales. Au-delà de ces actions bilatérales, la diplomatie des territoires passe aussi par l'attractivité des collectivités, la promotion du tourisme (en partenariat avec Atout France), le développement économique, le déploiement des entreprises à l'étranger… "Faire fonctionner de manière optimale la chaîne de promotion de la France (…) suppose une bonne collaboration entre les acteurs étatiques, les établissements publics à l'étranger, mais aussi les acteurs dans les territoires", a insisté Jean-Michel Baylet listant les référents de Business France en régions, les Sgar, les référents uniques à l'investissement, et les nouveaux conseillers diplomatiques auprès des préfets de région. Selon François Rebsamen, 9 de ces conseillers sur les 13 sont aujourd'hui en poste en préfecture. "Il en faut en Outre-mer", a-t-il plaidé. Le maire de Dijon a également repris à son compte l'une des préconisations du rapport Laignel visant à faciliter l'obtention des visas des élus amenés à se déplacer dans le cadre de ces échanges. Pour rappel, ce rapport remis à Laurent Fabius en janvier 2013 est aussi à l'origine de nombre des améliorations apportées à la coopération décentralisée ces dernières années, à commencer par la création des conseillers diplomatiques en régions et du "1% déchets" introduit dans la loi du 7 juillet 2014 relative à la politique de développement et de solidarité internationale. L'objectif de ce dispositif calqué sur le "1% eau" et le "1% énergies" : permettre à une collectivité compétente en matière de déchets de consacrer 1% de ses ressources liées à ces services à des actions de coopération internationale.
La Charente-Maritime en Chine, un exemple
En attendant la publication de ce livre blanc, Maurice Gourdault-Montagne, ambassadeur de France en Chine, a livré quelques recommandations aux élus. Il faut tout d'abord adapter son offre à la demande et se recentrer sur sa vraie valeur ajoutée, a-t-il développé, ne pas se disperser et cibler un seul site tout en s'inscrivant dans la durée. C'est le cas "exemplaire" de la Charente-Maritime qui a noué un partenariat avec la province du Liaoning dans le nord-est de la Chine autour de trois secteurs : le thermalisme, les sports équestres et le nautisme. "L'action extérieure en Chine est encadrée par l'Etat", a-t-il souligné, précisant que 55 coopérations étaient actuellement actives dans l'Empire du milieu, d'autres étant "dormantes". L'ambassadeur a aussi appelé les collectivités à "travailler groupées", à l'instar de la "Maison France-Chine" inaugurée fin 2015 à Pékin. "Les collectivités territoriales sont animées d'une flamme, ces flammes doivent former un grand feu, visible", a-t-il imagé.
"Les régions s'impliquent beaucoup plus"
La préparation actuelle des schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) en donne l'occasion. "Business France participe à l'élaboration de tous les schémas régionaux", a ainsi assuré Muriel Pénicaud, la directrice générale de cette agence née en 2015 de la fusion entre Ubifrance et l'Agence française pour les investissements internationaux. Cela passe par une convention avec chaque région. Dans quelques semaines "une convention globale" sera signée avec l'Association des régions de France (ARF). Des discussions similaires sont en cours avec l'Association des maires de France (AMF) et France urbaine. "Notre seul moyen d'être visible et efficace est d'être en équipe", a-t-elle lancé. Les régions, qui auparavant déléguaient l'action internationale à leur agence régionale, "sont en train de s'impliquer beaucoup plus", constate-t-elle.
Dans les évolutions à venir, on notera enfin le rapprochement envisagé par Cité unies France et l'Afccre (Association française du Conseil des Communes et Régions d'Europe).