Coopération décentralisée - 1% déchets : le lent démarrage d'un nouveau dispositif de solidarité
Selon la Banque Mondiale, la production de déchets devrait croître de 1,3 à 2,2 milliards de tonnes dans les dix prochaines années. En particulier dans les pays en voie de développement. Conséquences : augmentation des maladies respiratoires et digestives, contamination des sols et des nappes phréatiques mais aussi plus d'émissions de gaz à effet de serre et de particules. Pour aider ces pays, la loi du 7 juillet 2014 relative à la politique de développement et de solidarité internationale autorise les collectivités compétentes en matière de collecte et de traitement des déchets ménagers à affecter jusqu'à 1% des ressources de ces services à des actions de coopération internationale. C'est le 1% déchets, dispositif calqué sur le 1% eau (loi Oudin-Santini de 2005) et de ce qui existe déjà pour l'énergie (amendement du sénateur de la Gironde Xavier Pintat, instituant en 2007 le "1% énergies"). Le premier a permis un effet levier, le second est bien moins utilisé. Son champ d'application dédié à l'énergie électrique et au gaz laisse de côté la biomasse, pourtant largement utilisée dans les pays du Sud.
Un démarrage lent
La Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD) recense à peine trente projets côté déchets (le chiffre date de fin 2012). Les montants engagés varient de 15.000 à 700.000 euros. Autre donnée : la mise en œuvre du 1% déchets générerait un financement potentiel de l'ordre de 67,11 millions d'euros. Suite au vote du dispositif, la CNCD a créé un groupe de travail, que le réseau de collectivités et d'entreprises Amorce coordonne sur le plan technique. "Ce dispositif 1% déchets apporte une marge de manœuvre supplémentaire aux collectivités afin de manifester leur solidarité sans se substituer aux autres modes de financement. La loi du 6 février 1992, renforcée par la loi Thiollière de 2007, permet déjà aux collectivités compétentes de porter ces actions sur leur budget général", rappelle Anna Bacardit Caro, chargée de mission déchets à Amorce. "Il démarre doucement. Contrairement au 1% eau, il n'est pas appuyé par une structure équivalente aux agences de l'eau", ajoute-elle.
Une collectivité pionnière
La ville de Paris, déjà en tête pour le 1% eau (1 million d'euros collectés par an), a été la première à voter le 1% déchets, au profit de Brazzaville (Congo). Le dispositif a été lancé cette année avec 120.000 euros, 500.000 sont prévus pour 2016, avec comme objectif d'atteindre 1 million d'euros en 2020. La ville qui a en charge la collecte des déchets vient donc d'être suivie par le Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères de la région parisienne (Syctom), qui en gère le traitement. "Logique car une partie des élus siègent dans les deux instances. Nous n'avions pas développé de coopération décentralisée. C'est une première pour nous. Le cadre légal ouvert nous permet de sécuriser ces actions par rapport aux règles de la comptabilité publique", explique Nejma Monkachi, directrice générale adjointe du Syctom. Avec un budget de 700 millions d'euros, le syndicat prévoit d'engager 600.000 euros sur 2016 soit 0,15% de ses ressources. "Nous travaillerons avec la ville de Paris sur des projets identiques ou qui s'épaulent. Une dizaine d'autres projets seront examinés par le comité syndical en décembre", précise la directrice. Le premier projet validé est celui d'une unité de valorisation de la matière organique d'un coût total de 926.000 euros à Mahajanga (Madagascar). Le Syctom subventionnera le projet à hauteur de 80.000 euros en 2016 et s'engage à fournir 25.000 euros en 2017. Objectif : production de charbon vert à usage des ménages (capacité 40 tonnes/an) et de briquettes combustibles à usage industriel (300 t/an). Ce projet de quatre ans (2016-2018) s'intègre dans le projet Africompost mené par le consortium GoodPlanet-Gevalor-ETC Terra.
Accord-cadre entre les grands syndicats parisiens
Plus original par son montage financier, le second projet s'effectue en partenariat avec le Sedif, mais aussi l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, la fondation EDF, le département de l'Hérault. Son objet ne porte pas sur les déchets, mais sur l'accès à l'eau potable et l'assainissement. Nom de code : Dapaong au Togo. "Nous intervenons sur la partie collecte des déchets solides autour des points d'eau", explique Nejma Monkachi. Dans ce domaine, il s'agira principalement de "sensibiliser les habitants au paiement du service de gestion des ordures ". Le Syctom apporte une aide de 15.000 euros et le Sedif devrait participer à hauteur de 113.000 euros sur un budget total de 221.500 euros. A noter que depuis avril 2015, un accord cadre de partenariat dans le domaine de la coopération internationale a été signé entre les grands syndicats d'Ile-de-France : Sedif, Siaap, Sigeif, Sipperec, EPTB Seine Grands Lacs et Syctom. Le projet de Dapaong se déroule dans ce cadre. Suresnes souhaite inscrire son action d'accompagnement du Cap Haïtien dans le cadre du 1% déchets. Toutefois, à l'échelle du territoire, c'est le Syctom et non la commune qui le mettra en œuvre.
Et ailleurs ?
Ailleurs en France, le nouveau dispositif ne semble pas faire beaucoup d'émules. Nantes par exemple poursuit ses actions de coopération dans le domaine des déchets avec Dschang (Cameroun), mais les finance toujours sur son budget général. Sans recourir au 1% déchets. "Nous avons été sollicité par 5 ou 6 collectivités qui s'interrogent sur la manière de mobiliser ce fonds, sur quelle assiette, sur quel type de projets. Mais aucune ne l'a voté à ma connaissance. Après la publication en septembre d'une plaquette en ligne, nous allons développer la communication en organisant notamment des réunions", conclut Anna Bacardit Caro. Car pour l'instant, en région, c'est le calme plat !