Irrigation : quatre "bassines", dont celle de Sainte-Soline, déclarées illégales
La réserve d'irrigation contestée de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) fait partie des quatre "bassines" déclarées illégales 18 décembre par la cour administrative d'appel de Bordeaux du fait de l'absence de dérogation "Espèces protégées". Pour la cour, les quatre réserves concernées sont "de nature à détruire tout ou une partie de l'habitat" d'une espèce d'oiseaux de plaine protégée : l'outarde canepetière, devenue la mascotte des opposants.
L'autorisation accordée à ces quatre retenues d'eau est suspendue "jusqu'à la délivrance éventuelle" d'une dérogation à la législation sur les espèces protégées, précise la cour, qui estime en revanche que le projet, portant au total sur la construction de 16 "bassines", comme les dénomment leurs opposants, ne nuit pas à l'équilibre de la ressource en eau dans le Marais poitevin. Dans l'attente de "la délivrance éventuelle de cette dérogation", la cour a suspendu les mises en chantier et les futurs remplissages en eau des quatre ouvrages. "L'eau stockée" à la date de décision dans la réserve de Sainte-Soline, la seule des quatre dont la construction est achevée, pourra néanmoins être utilisée cet été "par les agriculteurs raccordés", sans toutefois "donner lieu à un nouveau remplissage", a-t-elle précisé.
Elle estime en revanche que le projet "ne méconnaît pas le principe d'une gestion équilibrée et durable de l'eau", le remplissage des réserves étant conditionné "au respect de seuils pertinents", balayant ainsi les critiques des associations sur le principe même des réserves de substitution, que l'on remplit l'hiver en pompant dans les nappes afin de pouvoir irriguer en été.
C'est "une victoire de la biodiversité contre les méga-bassines", ont estimé la dizaine d'associations environnementales qui avaient attaqué les autorisations délivrées par l'État pour construire et exploiter ces 16 réserves. Les ministères de la Transition écologique et de l'Agriculture ont, pour leur part, pris acte de cette décision de justice dans un communiqué.
Thierry Boudaud, président de la Coop de l'eau, groupement de 450 agriculteurs irrigants qui porte ce projet, souvent présenté comme "vital" par les exploitants face aux menaces de sécheresses à répétition liées au changement climatique, se félicite, lui, que cet arrêt vienne "confirmer les effets positifs du principe de substitution et l'intérêt du projet". "Il n'y a aucune retenue annulée, c'est positif et important pour les agriculteurs, notamment ceux de Sainte-Soline qui pourront travailler cet été. On va compléter ce qu'il manque sur la dérogation, ça va demander quelques mois", a-t-il réagi auprès de l'AFP.
Aujourd'hui, sur les 16 réserves que compte le projet financé à 70% par de l'argent public, une seule fonctionne, à Mauzé-sur-le-Mignon. Le remplissage de celle de Sainte-Soline a commencé cet hiver et deux chantiers sont en cours à Épannes et Priaires. Un autre est prévu à Saint-Sauvant (Vienne).
Les associations à l'origine du recours "s'interrogent" pour leur part dans un communiqué "sur l'obstination de l'État et de la Coopérative de l'eau à poursuivre ce projet délétère, jugé surdimensionné et attentatoire à la biodiversité par deux juridictions". Au-delà de ce projet, elles rappellent en effet que le tribunal administratif de Poitiers avait réduit d'un quart avec exécution immédiate, début juillet, le volume maximal autorisé - jugé excessif - pour l'ensemble des prélèvements d'eau destinés à l'irrigation dans le Marais poitevin. L'État, à son tour, a fait appel dans l'un de ces nombreux litiges judiciaires liés à ces réserves.