Intermittents : Roselyne Bachelot lance une mission pour anticiper la fin de l'année blanche au 31 août
André Gauron, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, est chargé d'une mission sur la situation des intermittents du spectacle au-delà du 31 août afin, "en différenciant l'analyse selon le secteur d'activité", de "proposer des ajustements du dispositif". Ses conclusions sont attendues fin mars.
En présentant lui-même, le 6 mai dernier, le plan en faveur du secteur de la culture paralysé par le premier confinement, Emmanuel Macron avait demandé au gouvernement "que l'on s'engage à ce que les artistes et techniciens intermittents soient prolongés d'une année, au-delà des six mois où leur activité aura été impossible ou très dégradée, c'est-à-dire jusqu'à fin août 2021" (voir notre article du 6 mai 2020). Cette annonce s'était ensuite concrétisée par un décret et un arrêté en juillet dernier (voir notre article du 26 août 2020). Depuis lors, sont intervenus le second confinement, le couvre-feu et la menace d'un troisième confinement. À ce jour, les salles de spectacle sont toujours fermées depuis le 29 octobre dernier, malgré les recours – infructueux – devant le Conseil d'État. Et aucune date n'est avancée pour leur réouverture.
Dans ces conditions – et même si la date du 31 août peut sembler encore lointaine –, le gouvernement a choisi d'anticiper. Le 2 février, Roselyne Bachelot et Élisabeth Borne, la ministre du Travail, ont ainsi annoncé qu'elles lançaient "une mission de diagnostic sur la situation des intermittents". Celle-ci est confiée à André Gauron, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, qui a travaillé à l'Insee et au Commissariat général au plan, avant d'être conseiller au cabinet de Pierre Bérégovoy, d'abord aux affaires sociales, puis à l'économie et aux finances. André Gauron est par ailleurs un spécialistes des questions de relations sociales, puisqu'il participe aux travaux du Lasaire (Laboratoire social d'actions, d'innovations, de réflexions et d'échanges). Une compétence utile dans le domaine hautement inflammable des intermittents du spectacle. Pour mener à bien sa mission, André Gauron sera assisté de deux inspectrices, issues respectivement de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des affaires culturelles (Igac).
Dans leur communiqué, les deux ministres indiquent qu'André Gauron devra procéder à "une analyse de la situation des intermittents après le 31 août 2021". Il sera notamment chargé "d'évaluer la situation des intermittents, en différenciant l'analyse selon le secteur d'activité concerné, le métier exercé et la date anniversaire des droits des intéressés, et de proposer des ajustements du dispositif en fonction de cette analyse". Ces précisions ont leur importance, dans la mesure où la situation des intermittents est très variable selon les secteurs. Si le spectacle vivant (théâtre, musique...) est très pénalisé par la fermeture des salles, l'activité a en revanche repris à plein régime dans la production audiovisuelle, notamment pour les techniciens. Contrairement aux mesures prises lors du premier confinement, des solutions différenciées pourraient donc être envisagées.
Bien que le communiqué des ministres n'en fasse pas mention, la mission pourrait également se pencher sur la notion même d'"année blanche". Lors de la présentation du plan en faveur de la culture en mai dernier, Emmanuel Macron avait d'ailleurs réfuté cette expression, même si elle s'est imposée dans les faits. Le chef de l'État et Franck Riester, alors ministre de la Culture, avaient en effet souhaité que les intermittents du spectacle, et plus largement les artistes, s'impliquent davantage dans l'éducation artistique et culturelle, qui devait être "réinventée". Une plateforme de mise en contact des acteurs culturels porteurs de projets avec les établissements d'enseignement avait d'ailleurs été mise en place dès le mois de juin, autour du dispositif de "l'été culturel et apprenant" (voir notre article du 17 juin 2020). Dix mois plus tard, il serait intéressant d'avoir un retour sur la nature et l'ampleur de cette implication. Enfin – et malgré la doctrine du "quoi qu'il en coûte" –, l'aspect budgétaire pourra difficilement être ignoré. À l'époque, le coût de "l'année blanche" pour les intermittents avait en effet été évalué à 849 millions d'euros.
Les conclusions de la mission d'André Gauron sont attendues pour la fin du mois de mars 2021. Les deux ministres précisent que "les pistes identifiées seront ensuite concertées par l'État avec les organisations représentatives du secteur".