Environnement - Installations classées : FNE attaque le décret relatif au nouveau régime d'enregistrement devant le Conseil d'Etat
Dans un communiqué du 20 avril 2010, l'association France nature environnement (FNE) fait part de son intention d'attaquer le décret 2010-368 du 13 avril 2010 pris en application de l'ordonnance du 11 juin 2009 et fixant la procédure d'enregistrement applicable à certaines installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Ce recours administratif apparaît comme une suite logique, FNE s'étant déclarée fortement opposée à cette réforme des installations classées dès le début du processus. FNE a en effet d'ores et déjà attaqué, devant le juge administratif, l'ordonnance du 11 juin 2009 qui instaure un régime d'autorisation simplifiée, dénommé "enregistrement", intermédiaire entre les régimes d'autorisation et de déclaration prévus par la législation sur les ICPE, et "fera de même avec l'ensemble des décrets pris pour sa mise en œuvre", a déclaré Raymond Léost, responsable du réseau juridique de FNE.
Pour Marc Sénant, chargé de mission du réseau Risques industriels de FNE, cette réforme "accroît largement le risque de dérapages en terme de pollutions industrielles et d'information des populations (…) ". En outre, elle apparaît d'autant plus incohérente et paradoxale que l'on envisage d'un autre côté de classer les éoliennes en installations classées soumises à autorisation. "Faut-il rappeler que l'encadrement des installations classées a pour unique raison d'être, la maîtrise des dangers ou inconvénients pour la protection de la nature, la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques...(art. L. 511-1 du Code de l'environnement) ? En quoi cinq éoliennes sont-elles plus dangereuses qu'un entrepôt de 200.000 m3 de stockage de matières ou produits combustibles ou qu'une station-service qui présente des risques évidents de pollution des eaux ? Où est la cohérence ?", poursuit Marc Sénant.
Un décret également en date du 13 avril 2010 (n° 2010-367) vient en effet de modifier la nomenclature des ICPE et d'ouvrir certaines rubriques au régime de l'enregistrement. Sont notamment concernés le stockage des matières ou produits combustibles en quantité supérieure à 500 tonnes dans certains entrepôts couverts (rubrique 1510 - seuil d'enregistrement de 50.000 m3), les entrepôts de papiers, cartons ou matériaux combustibles analogues (nouvelle rubrique 1530 - seuil d'enregistrement de 20.000 m3), les stations-services (nouvelle rubrique 1435 - seuil d'enregistrement de 3.500 m3). Le régime de l'enregistrement est également introduit pour les rubriques 2662 (polymères) et 2663 (pneumatiques). Ces installations seront mises en place sans possibilité pour le public de formuler ses observations, déplore FNE. La principale critique de FNE à l'encontre du régime d'enregistrement réside en effet dans l'absence de procédure d'enquête publique et par conséquent dans le défaut de consultation des riverains, qui disposeront principalement des informations mises en ligne sur internet.
Le recours de FNE devant le Conseil d'Etat est fondé sur la Charte de l'environnement, introduite dans la Constitution par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, et soulève deux questions de constitutionnalité, conformément à la procédure de l'exception d'inconstitutionnalité. FNE fait ainsi valoir d'une part, la violation du principe de prévention posé par l'article 3 de la Charte. Pour FNE, aucun élément objectif ne permet dans le cadre de la procédure d'enregistrement d'apprécier l'impact environnemental de l'installation (du fait de l'absence d'étude d'impact et d'étude de dangers). Certes, il appartient le cas échéant au préfet de basculer vers la procédure d'autorisation quand les impacts potentiels le justifient. Toutefois, là encore, Marc Sénant s'interroge sur les éléments objectifs à disposition de l'autorité préfectorale pour fonder une telle décision de reclassement, dans la mesure où l'évaluation environnementale est réduite à sa plus simple expression. FNE fait valoir d'autre part, dans son recours, la violation de l'article 7 de la Charte qui pose le principe d'information et de participation du public et de l'article 8 de la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement. FNE considère ainsi que le régime d'enregistrement "laisse entrevoir une défiance vis-à-vis du public et des élus, consultés sur la base d'un dossier pouvant dissimuler les véritables enjeux environnementaux et sanitaires".
Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions