Insertion par l'activité économique : un appel à ouvrir le dispositif aux entreprises classiques
Comment créer 100.000 postes supplémentaires en parcours d'insertion par l'activité économique d'ici 2022 ? En vue de la prochaine réforme du secteur, la Fédération des entreprises d'insertion propose notamment de simplifier le pilotage du dispositif et les procédures de conventionnement et d'agrément, de s'appuyer davantage sur l'achat public et d'ouvrir l'IAE aux entreprises classiques désireuses de s'engager dans une politique de recrutement inclusive.
Passer d'une responsabilité sociale des entreprises (RSE) "cosmétique et volontariste" à une inclusion indissociable de l’entreprise, "pour faire société". C'est le message de la Fédération des entreprises d'insertion, qui remettait le 17 avril ses propositions pour relancer l'insertion par l'activité économique (IAE) à Thibaut Guilluy, président du Conseil de l’inclusion dans l’emploi. 28 mesures, avec l'idée particulièrement mise en avant de faire de l'IAE l'affaire de tous, en intégrant le dispositif dans les politiques de responsabilité sociale des entreprises. Une approche qui semble en phase avec ce qui est actuellement porté par le haut-commissaire à l'économie sociale et solidaire (voir ci-dessous notre article du 3 avril 2019), dont Thibaut Guilluy, également président de l'association French impact, est proche.
À l'issue de six mois de concertation auprès de son réseau de 550 entreprises d'insertion, la fédération préconise ainsi la mise en place d'un "bonus inclusion" destiné à "ouvrir l’IAE aux entreprises 'classiques'". Une évolution jugée indispensable pour donner un coup d'accélérateur à l'insertion et atteindre l'objectif fixé par le président de la République en septembre 2018 dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté (voir notamment notre article du 21 février 2019 sur la mise en œuvre de cette stratégie) de 100.000 personnes supplémentaires - soit 240.000 au total - en parcours d'IAE d'ici 2022.
"Passer de 140.000 à 240.000 postes ne va pas se faire naturellement. La croissance actuellement tourne autour de 6% par an. Même cumulé sur quatre ans, on en est loin ", a estimé Olivier Dupuis, secrétaire général de la Fédération des entreprises d’insertion, lors de la remise du rapport, selon l'agence AEF.
Un "bonus inclusion" pour les entreprises et un "droit d'option" pour les demandeurs d'emploi
"Une nouvelle politique d’inclusion par l’emploi" est donc jugée nécessaire, la fédération insistant sur la notion de "responsabilités partagées et établies par la loi" entre les structures de l'IAE (SIAE) et les entreprises classiques.
Plusieurs pistes sont énumérées pour la mise en œuvre de ce "bonus inclusion" : la modulation du bonus/malus dans le cadre de la future taxation des contrats courts, la désignation au sein de chaque entreprise d'un "référent inclusion", la possibilité pour une entreprise d'accéder au bonus en valorisant les marchés confiés à des SIAE ou en créant avec une entreprise d'insertion (EI) une joint venture sociale, l'appui au recrutement des entreprises classiques et l'accompagnement des salariés qui constitueraient de nouvelles missions pour les EI et entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTi)…
Autre proposition destinée cette fois à élargir le champ du public cible : expérimenter un "droit d'option" pour des demandeurs d'emploi de longue durée qui pourraient ainsi choisir d'"activer" leur allocation chômage pour entrer dans un parcours d'insertion. Cela permettrait pour la fédération d'élargir l'accès à l'IAE à "des personnes qui en sont aujourd’hui exclues, en particulier en raison jusqu’alors du contingentement du nombre de parcours financés par l’Etat".
Se saisir d'un outil "souple" en commande publique : les "achats innovants"
Comment "mettre la commande publique au service d'une société plus inclusive" ? Plusieurs pistes sont formulées, dont "l’élaboration d’un label certifiant" pouvant "être exigé par les acheteurs publics dans les spécifications techniques, les critères d’attribution ou les conditions d’exécution du marché public".
La Fédération des entreprises d'insertion appelle également les acheteurs publics à se saisir de la notion d'"achats innovants" figurant dans le décret du 24 décembre 2018. Expérimenté pendant trois ans, cet "outil particulièrement souple", permettant la passation de marchés négociés pour des montants inférieurs à 100.000 euros, "peut être une bonne porte d’entrée pour les acheteurs souhaitant développer des achats responsables mais qui ne sont pas familiers des clauses d’insertion".
Permettre aux SIAE de recruter plus directement
Parmi les 28 mesures, on trouve également une série de propositions visant à "simplifier" et "rénover" le dispositif. La Fédération des entreprises d'insertion appelle notamment à refondre le pilotage en s'appuyant sur trois instances, régionale, départementale et locale, selon un principe de subsidiarité. La conférence régionale du financement serait co-pilotée par le conseil régional et l'Etat.
Le conventionnement pourrait également être simplifié ; la Fédération propose un conventionnement de trois ans centré sur le projet social des SIAE. Ces dernières veulent aussi se voir reconnaître un rôle en matière de repérage des personnes éloignées de l'emploi et de diagnostic de leur situation, avec la possibilité d'agréer et de recruter ainsi directement des personnes répondant à certains critères, avec un contrôle a posteriori de Pôle emploi. Concernant l'évaluation, la Fédération préconise une "mesure de l'éloignement à l'emploi simple" permettant "d’évaluer l’ensemble des parcours de la SIAE a posteriori et s’assurer qu’elle est bien dans sa cible".
D'autres mesures sont destinées à renforcer l'attractivité du secteur, tant pour les candidats au dispositif – avec l'idée d'un "Pass'inclusion" permettant de faire valoir des droits - que pour les entreprises – accompagnement à la création et à la croissance, accès aux fonds de l'alternance, appui à l'ingénierie de la formation, ou encore bonification de l'aide au poste pour les entreprises situées en territoire rural ou en quartier politique de la ville.
Thibaut Guilluy, lui-même directeur général du groupe d'insertion Ares, doit remettre ses recommandations fin mai à la ministre du Travail.