Recherche et développement - Innovation : l'intervention des collectivités, appréciable mais source de complexité, juge l'OCDE
Dans un rapport publié le 27 juin, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) émet un certain nombre de critiques sur la politique de l'innovation de la France. "La France peut faire beaucoup pour mieux soutenir l'innovation dans le secteur privé et améliorer la répartition des financements publics, cela serait un grand pas vers le retour de la compétitivité en France", a ainsi déclaré le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, lors de la présentation du rapport.
Actuellement, la France se situe au onzième rang, sur les 27 pays membres de l'Union européenne, concernant l'indicateur synthétique d'innovation. Le montant de recherche et développement réalisé par les entreprises en France en 2011 était de 28,8 milliards d'euros, soit 1,44% seulement du PIB, contre 1,94% pour l'Allemagne, 2,34% en Suède, et 1,59% en moyenne dans l'OCDE. Parmi les critiques de l'OCDE : l'efficacité du crédit impôt recherche (CIR), mis en place en 1983 et réformé en 2008, qui bénéficie davantage aux très grosses entreprises qu'aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) et qui manque d'évaluation, le rôle insuffisant joué par les universités dans la recherche publique, et la fiscalité trop importante qui pèse sur les entreprises.
Le rapport fait également part de ses remarques concernant l'intervention des collectivités territoriales en matière d'innovation. "Traditionnellement absentes du domaine de l'innovation, les régions sont de plus en plus impliquées depuis une vingtaine d'années", souligne ainsi le rapport. D'après les données de la Cour des comptes de 2013, les dépenses en R&D des collectivités étaient d'environ 1,2 milliard d'euros en 2010, dont 69% pour les régions, 16% pour les départements et 15% pour le bloc local. L'OCDE relève les effets positifs de ces investissements, dont la plupart sont de nature immobilière : "L'émergence ou les renforcements de clusters régionaux centrés sur l'innovation et l'implication d'un nombre accru de petites et moyennes entreprises (plus accessibles aux régions qu'à l'Etat) dans les activités innovantes." Leur intervention prend place à différents niveaux, en complément de l'Etat : dans le cadre des contrats de projets Etat-régions ou des pôles de compétitivité, en matière de recherche universitaire ou de certains services d'activités industrielles et commerciales.
Des collectivités impliquées... qui compliquent les procédures
"Des collectivités locales et des villes ont multiplié les actions en faveur du développement de nouvelles entreprises innovantes sur leur territoire", relève l'OCDE, citant l'exemple de la ville de Paris. Depuis plusieurs années, la ville mène des actions en faveur de l'entrepreneuriat innovant. Une politique immobilière permet ainsi aux créateurs d'entreprises de disposer de locaux de qualité à des prix compétitifs, une politique de soutien financier, en partenariat avec Oseo, est en place et les "Grands Prix de l'Innovation de la ville de Paris" apportent une forte visibilité à une quarantaine de start-ups et aux huit entreprises finalistes…
Mais tout en mettant en avant les actions des collectivités, l'OCDE pointe le risque de complexité engendré par leur intervention, en plus de l'Etat et de l'Union européenne. Complexité des procédures, multiplication des dispositifs et manque de lisibilité du système par les acteurs concernés peuvent en découler. "Cette multiplicité, surtout si elle s'accompagne d'une absence de système d'information cohérents, induit aussi une impossibilité, ou du moins des difficultés, quant à la coordination et au pilotage des dispositifs pour atteindre les objectifs fixés par l'Etat, à savoir sa stratégie nationale de recherche et d'innovation avec des priorités sectorielles et thématiques", insiste le rapport. La participation des collectivités aux politiques d'innovation peut aussi amenuiser la cohérence des politiques nationales lorsque celles-ci "sont croisées avec les spécificités locales", juge aussi l'OCDE. Les critères de localisation peuvent en effet se substituer à des critères d'excellence dans la sélection de projets, notamment dans le cadre des pôles de compétitivité.
Emilie Zapalski
Des pôles de compétitivité efficaces… mais dans une moindre mesure
"Le rôle de la politique des pôles de compétitivité apparaît comme positif dans les domaines techniques et aires géographiques concernées." C'est la conclusion de l'OCDE dans son rapport sur la politique d'innovation de la France. D'après l'OCDE, cette politique permet en effet d'associer les régions, "avec leur dynamisme et leurs financements propres, à une politique nationale". En revanche, l'OCDE estime qu'il faut veiller à ce que les pôles ne génèrent pas de coûts de fonctionnement excessifs (au total plus de 800 postes sont employés pour la gestion directe des pôles) et qu'ils soient ouverts à des acteurs nouveaux. Elle insiste aussi sur l'impact limité des pôles de compétitivité en matière de chiffres d'affaires et de dépôts de brevets. "Entre 2008 et 2011, les projets de pôles ont généré un peu moins de 1.000 brevets, principalement dans les domaines des TIC, de la biotechnologie, de la santé et de l'énergie", détaille ainsi le rapport. Le financement privé de recherche et développement supplémentaire suscité par les pôles est positif (12.000 à 14.000 euros) mais "faible" et "les effets en terme d'efficacité de la R&D ou de volume de l'activité économique ne sont pas fortement significatifs". Le rapport soulève plusieurs questions concernant cette politique : la complexité des procédures de demande d'aide, la formation - qui serait absente de la plupart des pôles -, l'absence des petites entreprises dans la gouvernance des pôles ou encore l'ancrage géographique font partie des problématiques interrogées. "Il est fréquent que des entreprises trouvent leurs partenaires, publics ou privés, loin de leur propre lieu d'implantation. Le fait de fixer les pôles géographiquement est donc contestable."
E.Z.