Travaux publics - Infrastructures : la FNTP souhaite le retour du Plan !
Une hirondelle ne fait pas le printemps : pour Bruno Cavagné, le président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), l'embellie observée dans le secteur en 2016 après neuf années de déclin reste bien fragile. "Depuis quelques années, il n'y a pas de politique cohérente sur l'ensemble des travaux publics et des infrastructures", a-t-il dénoncé, mercredi 9 novembre, lors d'une conférence de presse au cours de laquelle il a appelé à une véritable stratégie de relance des infrastructures, à l'approche de l'élection présidentielle.
L'activité du secteur a enregistré une progression de 3% cette année mettant fin à un dévissage de 25% du chiffre d'affaires depuis 2007 (passé de 47 à 38 milliards d'euros). Période au cours de laquelle 35.000 emplois ont été détruits. Seulement, les progrès de cette année sont essentiellement tirés par le carnet de commandes des grands opérateurs grâce au Grand Paris, au plan autoroutier ou au plan fibre. Dans le même temps, 187 entreprises auront encore disparu cette année alors que 5.600 postes d'ouvriers devraient avoir été supprimés. "La reprise, nos entreprises hésitent d'autant plus à y croire qu'elles n'ont aucune visibilité", s'insurge la fédération qui constate une baisse de 0,3% des appels d'offres publics sur les douze derniers mois. Résultat, elles "utilisent l'intérim pour répondre au surcroît de commandes et continuent à pratiquer des prix très insuffisants pour rétablir leurs marges".
Scénario noir
La fédération interpelle ainsi les candidats à l'élection présidentielle, les mettant en garde sur le fait que "les travaux qui ne sont pas faits aujourd'hui coûteront plus cher demain, car les infrastructures se seront dangereusement dégradés".
Cette absence de vision associée à une austérité budgétaire de 100 milliards d'euros d'économies comme le proposent certains candidats de droite conduirait à un "scenario noir" : une contraction de l'activité de 13% sur le quinquennat et la destruction de 35.000 emplois supplémentaires. Reconnaissant la nécessité de la baisse des dépenses publiques, Bruno Cavagné a invité les candidats à "ne pas mélanger fonctionnement et investissement". "Préservez l'investissement", a-t-il lancé. Pour la fédération, "une nouvelle baisse généralisée des dotations aux collectivités aurait un impact redoutable sur leur capacité à investir". Outre la détérioration des infrastructures, cette contraction de la dépense conduirait à "une incapacité à mener dans les délais les grands projets", tels que le plan fibre, le Grand Paris, le canal Seine Nord ou la ligne à grande vitesse Lyon-Turin…
12 propositions
La fédération ne se contente pas de ces mises en garde et formule une série de 12 propositions pour un scénario optimiste permettant de "réinvestir la France". Un surplus de 8 à 10 milliards par rapport au niveau d'investissement actuel générerait au contraire la création de 35.000 emplois sur la période.
Pour y parvenir, la FNTP veut réhabiliter le commissariat au plan en proposant la création d'un "conseil d'orientation des infrastructures". Elle facilite le travail des futurs candidats en détaillant même, dans une proposition de décret, le contenu de cette instance qui serait composée de parlementaires et des présidents des différents conseils intéressés (Cese, Conseil national des transports, Conseil national de l'eau…), de représentants des collectivités, des organisations professionnelles et des usagers. "Pas des gens de Bercy, des gens qui ont envie de faire", a taclé Bruno Catagné.
Pour ce qui est des priorités, elles s'inscriraient dans une loi d'orientation et de programmation des infrastructures. Bruno Cavagné a invité à s'appuyer sur le rapport Duron qui constitue "déjà une base".
Péages urbains
Une fois cette vision stratégique définie, ce sont les régions qui seraient aux commandes. "Quand on a une vision, on redescend à la région qui a le lead sur l'économie", a insisté le président. La fédération propose ainsi que le Sraddet (schéma d'aménagement et de développement durable du territoire) en cours d'élaboration dans les régions comporte "un chapitre regroupant toutes les orientations en matière d'infrastructures couvrant, d'une part, à l'attractivité et à la compétitivité du territoire régional et, d'autre part, à l'égalité des territoires". Ce chapitre préciserait les engagements financiers de la région qui établirait avec chaque territoire un "contrat régional d'aménagement du territoire". Elle préconise aussi d'ouvrir les nouvelles conférences territoriales de l'action publique (CATP) au monde économique.
Par ailleurs, la FNTP suggère de rénover l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) en la dotant d'une part de TICPE "pérenne" et d'une véritable capacité d'emprunt. Elle pourrait voir son budget en hausse pour atteindre 2,8 milliards d'euros en 2021 (contre 2,2 en 2015).
La FNTP veut donner la possibilité aux collectivités d'instaurer des péages, et aux intercommunalités qui exercent la compétence voirie, d'instaurer une taxe additionnelle à la TICPE. S'agissant des péages, Bruno Cavagné a précisé qu'il pourrait s'agir par exemple des grands contournements d'agglomérations. "Cela ouvrirait des voies à des collectivités qui aujourd'hui ne peuvent pas faire", a-t-il dit. La fédération propose encore de rendre éligible au FCTVA les dépenses d'entretien.
L'avenir des infrastructures sera débattu lors d'une grande journée que la FNTP organisera le 23 février au carrousel du Louvre. Elle proposera alors aux candidats à la présidentielle de signer une charte les engageant à lancer un plan d'investissement dans les réseaux et infrastructures (mobilité, eau, énergie, numérique) et à passer un pacte de confiance avec les collectivités - qui réalisent 70% de l'investissement public - reposant sur la stabilité des dotations en échange d'une réduction des dépenses de fonctionnement. L'absence de vision stratégique a, selon Bruno Cavagné, conduit à des fiascos comme celui de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui, s'il est abandonné, coûterait "entre 500 et 600 millions d'euros de dédommagement à Vinci", ou encore la "gare TGV fantôme" de Montpellier (135 millions d'euros). Sans parler de l'abandon de l'écotaxe qui aura coûté 800 millions d'euros de dédommagement et 1,2 milliard de manque à gagner…