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Industrie : un sursaut qui doit être "acompagné et soutenu"

Le regain de forme de l'industrie se confirme dans la dernière note de Trendeo, avec 16 usines de plus sur les trois premiers trimestres 2018. Le sursaut industriel doit être "accompagné, soutenu et attisé", a insisté la secrétaire d'Etat Delphine Gény-Stephann, le 3 octobre au Sénat.

De "l’usine extraordinaire" qui s’exposera au Grand Palais au mois de novembre à "l’usine du futur" chargée de promesses, il y a la réalité d’un secteur qui, après des décennies de souffrance, sort peu à peu la tête de l’eau. Dans une économie au ralenti, l’industrie poursuit en effet son dynamisme tant en termes d’emplois que de création d’usines, indique la dernière note de l’observatoire Trendeo publiée ce 4 octobre. La France a créé 16 usines de plus qu’elle n'en a fermé sur les trois premiers trimestres de 2018 (contre 19 sur l’ensemble de l’année 2017). Reste que depuis 2009, date à laquelle le cabinet a commencé son décompte, le solde reste fortement négatif avec 576 usines de moins. Pour ce qui est de l’emploi, 20 des 27 secteurs de l’industrie manufacturière ont recruté en 2018, avec un total de 14.746 emplois. Un résultat "d’autant plus impressionnant" qu’il est obtenu "alors que les deux secteurs principaux, l’automobile et les industries alimentaires, sont en repli par rapport à 2017, même s’ils sont encore positifs", souligne Trendeo. En revanche, l’aéronautique est en perte de vitesse, du fait des suppressions de postes chez Airbus annoncées au mois de mars (3.700 en Europe).

"Les régions sont indispensables"

"Le sursaut doit être accompagné, soutenu et attisé", a déclaré Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Economie et des Finances, le 3 octobre au Sénat, dans le cadre d’un débat organisé à l’initiative de la mission d’information des sénateurs Alain Chatillon (LR, Haute-Garonne) et Martial Bourquin (PS, Doubs), auteurs d'un rapport récent sur l'industrie française. Elle a ainsi défendu le plan industriel présenté par le Premier ministre le 20 septembre sur "la digitalisation et la robotisation de l'industrie" (comprenant un suramortissement de 40% sur deux ans pour les PME) couplé avec l'initiative "Terre d'industries", qui consistera à identifier une centaine de sites industriels en France. Une mission pluripartite qui comprend notamment deux représentants des collectivités (Harold Huwart, vice-président de la région Centre-Val de Loire, et Virginie Carolo, maire de la commune nouvelle de Port-Jérôme-sur-Seine) planche actuellement sur le sujet. "Les régions sont indispensables pour faire avancer les grandes projets industriels", a affirmé la secrétaire d’Etat.
Ce plan s’ajoute aux mesures déjà prises pour structurer 16 filières industrielles et pour renforcer la compétitivité des entreprises : suppression de l'ISF, prélèvement fiscal unique, loi Travail, transformation du CICE en baisses de charges... "Nous voulons faire de la France la première puissance d'innovation en Europe", a déclaré la secrétaire d’Etat, rappelant avoir relancé la politique de labellisation des pôles de compétitivité en juillet dernier, ainsi que la "phase 4 d’ambition européenne" de ces pôles.
Delphine Gény-Stephann a par ailleurs indiqué que la France s’attelait à la structuration d’une filière de recyclage des batteries électriques. "Les batteries de la mobilité sont notamment de ressources rares – le lithium, le cobalt, le nickel, les terres rares – peu ou pas produites en Europe", a-t-elle expliqué, en réponse à une inquiétude de Jean-François Longeot (Union centriste, Doubs). Ce dernier a indiqué que la part de marché du véhicule électrique allait "bondir de 1% à 30% d'ici à 2030", ce qui allait provoquer un "big bang", chez les constructeurs, les garagistes, les équipementiers et les pétroliers, et ainsi soulever un problème environnemental pour le recyclage des batteries.

Cession d'ADP

La secrétaire d’Etat a justifié la politique de cessions d’actifs de l’Etat dans le cadre du projet de loi Pacte (Française des jeux, ADP, Engie) dont le produit doit alimenter le fonds pour l’innovation et l’industrie doté de 10 milliards d’euros. Un fonds qui selon elle a commencé à fonctionner "avec deux premiers défis qui portent sur l'amélioration des diagnostics médicaux par l'intelligence artificielle et la sécurisation des systèmes ayant recours à l'intelligence artificielle". "Notre logique est de faire de l'État un État stratège, plutôt qu'un État gestionnaire ou rentier."
Alors que les députés autorisaient le même jour la privatisation d’ADP et de la FDJ dans le cadre de l’examen du projet de loi Pacte, les sénateurs ont été nombreux à manifester leur plus grande réserve. "Un mauvais choix, dont la performance sera médiocre pour financer le soutien de l'innovation de rupture qui fera l'économie de demain", a ainsi commenté le socialiste Franck Montaugé (Gers). Et de rappeler que "ce ne sont pas 10 milliards d'euros qui vont être affectés" à l’innovation de rupture, "mais le produit des dividendes engendrés par le placement" des actions vendues par l’Etat, soit un maximum, selon lui, de 250 millions d’euros par an quand les trois entreprises concernées ont rapporté entre 850 millions et 1,5 milliard d’euros ces dernières années.

Nouvelle réunion prévue pour Ascoval

Les sénateurs sont nombreux aussi à réclamer une reprise des discussions sur le projet Alstom-Siemens, dossier qui avait conduit à la constitution de cette mission d’information. "Nos joyaux industriels doivent rester sur le territoire français", a ainsi clamé Martial Bourquin, rappelant que le carnet de commande d’Alstom en France est rempli pour cinq ans. Delphine Gény-Stéphann a assuré que des garanties avaient été prises pour préserver les intérêts français : maintien du siège et de la cotation en bourse de la nouvelle société en France, maintien de l’emploi pendant quatre années en France…
Concernant l’avenir de l’aciérie d’Ascoval de Saint-Saulve (Nord), les parties prenantes seront à nouveau reçues à Bercy "la semaine prochaine", a-t-elle indiqué. Les deux candidats en lice "ne disposent pas pour l'heure des financements nécessaires", a-t-elle précisé. La semaine dernière, le TGI de Strasbourg avait reporté sa décision d’un mois pour donner le temps aux repreneurs potentiels d'affiner leurs projets.
Si quelques-unes de leurs 45 propositions ont trouvé un écho dans le projet de loi Pacte, les sénateurs de la mission d'information restent inquiets. "Nous avons cinq ans pour faire en sorte que l'industrie du futur prenne vraiment pied en France, car nous craignons que, après, il ne soit trop tard", a averti Martial Bourquin.

A noter que la Fondation Concorde organisera le 9 octobre un colloque sur le rôle des régions dans la reconquête industrielle.