Environnement - Incinérateurs : une étude scientifique confirme une hausse du risque de cancers au cours des années 90
Dans son bulletin épidémiologique hebdomadaire du 17 février entièrement consacré aux effets de l'incinération des ordures ménagères sur la santé, l'Institut de veille sanitaire (InVS) publie les résultats d'une étude qui conclut à une hausse du risque de cancer à proximité de certains sites au cours de la décennie 90. L'étude, portant sur seize installations des années 70-80 et rassemblant 135.000 cas de cancers survenus entre 1990 et 1999 dans quatre départements (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Isère et Tarn), met en évidence "une relation statistique significative chez la femme entre l'exposition aux incinérateurs et l'incidence des cancers toutes localisations confondues, du cancer du sein et des lymphomes malins non-hodgkiniens". Tous sexes confondus, un lien significatif a également été trouvé avec les lymphomes malins non-hodgkiniens et, chez les hommes uniquement, avec les myélomes multiples. Pour les auteurs de l'étude, l'impact différencié selon le sexe s'explique par "une exposition des hommes plus intense et fréquente que les femmes à de puissants facteurs de risque de cancers (alcool, tabac, profession) ayant masqué l'effet des incinérateurs, une perturbation du système endocrinien entraînée par l'exposition et/ou une susceptibilité génétique particulière de la femme".
L'étude n'est "pas en mesure de démontrer le caractère causal des relations observées, mais elle en accroît la plausibilité", prévient l'InVS. Ses résultats, qui ne peuvent pas être transposés aux installations actuellement en activité, insistent les chercheurs, viennent confirmer ceux des études épidémiologiques menées à la fin des années 90 autour de l'usine de Besançon, qui avaient mis en évidence un nombre accru de certaines formes de cancer dans les zones de retombées de fumées autour de ce site.
Depuis, le parc d'incinérateurs d'ordures ménagères a considérablement diminué en France, même s'il reste encore le plus grand d'Europe : entre 1990 et 2006, on est passé de 300 à 128 installations. "Cette fonte est une bonne chose car les installations fermées étaient principalement de petite taille et/ou ne remplissaient pas les prescriptions de la directive européenne du 28 décembre 2000 fixant les valeurs limites d'émission des polluants actuellement en vigueur. Celles qui demeurent ou qui les ont remplacées sont tenues de se conformer à cette directive", souligne Denis Zmirou-Navier, de l'Inserm, dans l'éditorial du bulletin.
Les incinérateurs modernes mis hors de cause
Les études d'imprégnation biologique conduites au voisinage d'installations plus ou moins émettrices sont jugées "raisonnablement rassurantes ". Ainsi, les concentrations moyennes de dioxines, de plomb et de cadmium sont "similaires chez les personnes exposées et non-exposées aux émissions d'incinérateurs". En revanche, une "sur-imprégnation" est retrouvée chez les riverains d'installations anciennes fortement polluantes qui consomment beaucoup de produits locaux d'origine animale (oeufs, graisses animales et produits laitiers).
"Si les incinérateurs modernes sont ainsi hors de cause, il demeure que le meilleur déchet est encore celui que l'on n'a pas produit", conclut Denis Zmirou-Navier. La directive du 19 novembre 2008 confirme la nécessité d'établir une hiérarchie dans la gestion des déchets avec en priorité la réduction à la source de leur production, le recyclage et les autres formes de valorisation. Mais l'incinération, lorsqu'est récupérée l'énergie produite, s'inscrit aussi dans ce cadre. "A n'en pas douter, elle continuera à occuper une place importante et devra donc faire l'objet d'une surveillance rigoureuse tant par les administrations compétentes que par les parties locales intéressées (élus et associations)", met en garde le scientifique.
Anne Lenormand