"Il n'est pas interdit de distribuer des tracts aux abords d'un établissement scolaire", tranche la cour administrative d'appel de Versailles

Le maire de la commune de Magnanville, dans les Yvelines, a interdit la distribution de tracts autour des établissements scolaires de la commune. Son arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Versailles à la demande de la Ligue des droits de l'Homme. La commune a fait appel. La cour administrative d'appel a confirmé la décision du TA.

Le maire de la commune de Magnanville a, par un arrêté du 2 février 2018, interdit la distribution de tracts autour des établissements scolaires de la commune. La commune a fait appel du jugement du 14 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté sur demande de l'association "Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen" (LDH). La commune faisait notamment valoir que la LDH n'avait pas d'intérêt pour agir. La cour administrative d'appel (CAA) de Versailles a considéré au contraire "que l'arrêté contesté, ayant des implications relatives notamment à la liberté d'expression, soulève des questions susceptibles de se poser dans toute commune, et a donc une portée qui excède le seul territoire de la commune de Magnanville". La CAA en a conclu que la LDH, qui a pour objet de "concourir au fonctionnement de la démocratie", a donc qualité pour agir.

Encadrer la distribution de tracts politiques

La CAA a ajouté que "les atteintes portées, pour des exigences d'ordre public, à l'exercice de la liberté d'expression doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées". Or l'arrêté attaqué fait mention de préoccupations liées à l'hygiène et la salubrité publiques, ainsi que de difficultés hypothétiques pour la circulation automobile. La commune de Magnanville se prévaut également dans sa requête d'appel des dispositions de l'article L. 511-2 du code de l'éducation garantissant "le respect du pluralisme et du principe de neutralité de la liberté d'information et de la liberté d'expression" dans les collèges et les lycées et précise que des agents de la commune ont relevé que des tracts distribués à proximité d'établissements scolaires avaient un caractère politique. Il ressort ainsi des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a en réalité pour objet d'encadrer la distribution de tracts politiques et donc de restreindre la liberté d'expression sur le territoire de la commune de Magnanville.

Atteinte à la liberté d'expression

Or, "ni l'arrêté attaqué, ni les écritures de la commune requérante en première instance comme en appel, ne font état de difficulté spécifique, ni d'aucun incident particulier, liés à la distribution de tracts".  En outre, si le maire de la commune de Magnanville a circonscrit de manière précise les limites de l'interdiction édictée, à savoir dans un rayon de "cent mètres aux entrées et sorties des établissements scolaires" de la commune, il n'a apporté aucune restriction temporelle à cette interdiction, applicable en conséquence, sans aucune justification, de manière continue et pour une durée indéterminée. Ainsi, "en l'absence d'éléments de nature à circonstancier l'atteinte alléguée à la propreté et à l'hygiène publique, énoncée dans l'arrêté attaqué en des termes aussi laconiques que généraux, de même qu'en l'absence d'un quelconque désordre ou risque de trouble à l'ordre public avérés", cette interdiction litigieuse par la commune de Magnanville porte atteinte à la liberté d'expression, sans être ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée.

Réference : CAA de Versailles, 2e chambre, 25 janvier 2024, inédit au recueil Lebon