Héritage des Jeux : Paris et la France cherchent leur forme olympique
Un rapport parlementaire fait un large point sur les retombées matérielles et immatérielles des Jeux olympiques de Paris. À un an de l'évènement, si certaines réussites sont déjà attendues, de nombreux points noirs subsistent.
Signe que l'organisation des Jeux olympiques dépasse de très loin la sphère sportive, les 53 recommandations de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les retombées des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 sur le tissu économique et associatif local, publiées le 6 juillet, portent sur des sujets aussi divers que le tourisme, l'économie, les transports, la justice, et bien entendu le sport dans ses multiples dimensions. Ce long document de 213 pages passe en revue l'héritage matériel, d'un côté, l'héritage immatériel, de l'autre, à travers la construction d'une nation sportive et inclusive.
Les meublés de tourisme dans le viseur
Côté matériel, constate d'abord l'"incertitude sur le surcroît d'activité touristique généré par les Jeux". Une incertitude qui s'appuie notamment sur l'effet d'éviction, qui décourage les visiteurs habituels en raison des désagréments liés aux Jeux. Par ailleurs, "si l'organisation des Jeux […] peut améliorer durablement l'image d'une ville et accroître son attractivité touristique, il n'en irait […] pas de même pour les villes déjà très touristiques, à l'instar de Paris". Pour les rapporteurs, les Jeux pourraient toutefois s'avérer être une "opportunité à saisir pour modifier le cadre juridique applicable aux meublés de tourisme", dont l'offre devrait s'accroître à cette occasion. Ils proposent de rendre obligatoire leur enregistrement sur l'ensemble du territoire national quelle que soit leur nature, d'abaisser le plafond de location autorisés de 120 jours à 90 ou 60 jours pour les résidences principales ou encore de tous les assujettir à la TVA.
Reprenant les chiffres du centre de droit et d'économie du sport de Limoges (CDES), qui a conduit une étude lors de la candidature de Paris en 2016, les rapportent estiment les retombées touristiques de l'événement entre 1,43 milliard et 3,52 milliards d'euros.
Héritage urbain
Autre aspect économique : l'héritage des infrastructures sportives. Ici, le rapport souligne que 95% des infrastructures sportives des Jeux existent déjà ou sont temporaires, avant de soulever, involontairement, un paradoxe : "Les Jeux de Paris 2024 devraient être sobres et l'héritage urbain réel." Paradoxe, car si l'essentiel existe déjà, peu de nouveautés devraient apparaître. Mais si seuls 5% des équipements sont à créer, "les chantiers sont nombreux", écrivent les rapporteurs. Soixante-quatre ouvrages olympiques sont en effet construits ou rénovés pour un coût estimé à 4,5 milliards d'euros. Autrement dit, les 95% d'équipements existants étaient loin d'être au niveau olympique…
Parmi les chantiers les plus notables – et l'héritage à venir –, notons l'aréna de la porte de la Chapelle à Paris (8.000 places), le village des médias, sur les communes de La Courneuve, du Bourget et de Dugny, qui offrira 340 logements à l'issue des Jeux, le village des athlètes, sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen et L'Île-Saint-Denis, qui sera reconverti en 2.807 logements et 100.000 m² de bureaux et services, et le centre aquatique olympique, à Saint-Denis, qui, à terme, accueillera le grand public, les scolaires et des compétitions nationales ou internationales.
Satisfecit pour la Solideo
Toujours à propos des chantiers de construction, les rapporteurs adressent un satisfecit à la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques), tant en termes d'insertion professionnelle, de recours aux TPE, PME et structures de l'économie sociale et solidaire (ESS) que de lutte contre le travail illégal, les pratiques anticoncurrentielles et les discriminations ou en faveur de conditions de travail de qualité. Toutefois, il reste "une incertitude sur les retombées locales et le suivi des personnes en insertion".
Le chapitre économique s'achève sur une note plus amère : les rapporteurs notent "une captation importante des retombées économiques par les partenaires du CIO (Comité international olympique)" dans les marchés publics du Cojop (comité d'organisation), dont le montant prévisionnel des achats s'élève à 2,372 milliards d'euros. Les achats auprès des partenaires "top" et des partenaires nationaux du CIO représentent 47,5% des achats. "Une part des retombées économiques échappera in fine aux entreprises françaises", regrettent les rapporteurs.
En matière économique et sociale, les recommandations portent essentiellement sur le suivi des engagements des organisateurs : renforcer le volume des heures d'apprentissage jusqu'à la tenue des Jeux, prêter une attention particulière à la limitation des marchés de sous-traitance dans la dernière phase du second œuvre et intensifier les contrôles de l'inspection du travail sur les chantiers.
Inquiétude sur la sécurité et les transports
Au chapitre consacré à la sécurité et aux transports, les rapporteurs s'alarment sur le fait qu'il s'agit de "deux sources majeures d'inquiétude pour le bon déroulement des Jeux" alors que 13,5 millions de visiteurs sont attendus sur une quarantaine de sites de compétition en Île-de-France. Ils s'interrogent aussi : la tenue des Jeux est-elle "une occasion manquée pour l'amélioration des transports franciliens ?" Ils constatent en effet que la liste des chantiers ou des projets lancés est "considérable" et déplorent que certains "ne pourront être réalisés" quand d'autres accusent "d'importants retards".
Côté transports, on remarque la demande de décalage de la date d'ouverture à la concurrence des bus parisiens, prévue au 1er janvier 2025. Pour ce qui relève de la sécurité, il est notamment demandé d'accroître la communication sur les besoins de recrutement d'agents de sécurité privée mais aussi d'impliquer davantage l'État en renforçant son contrôle de l'organisation de l'événement.
Mettre la France au sport dès l'école
Côté retombées immatérielles, les rapporteurs mettent d'entrée les pieds dans le plat : l'inactivité physique et la sédentarité sont "une épée de Damoclès au-dessus de la société française". Autrement dit, il faut mettre d'urgence les Français au sport. À leurs yeux, la revalorisation de l'éducation physique et sportive (EPS) à l'école apparaît "comme l'enjeu majeur de l'héritage olympique". Or, d'un côté, les horaires d'EPS sont "inégalement respectés sur le territoire", de l'autre, les fédérations sportives scolaires, à commencer par l'Usep (Union sportive de l'enseignement du premier degré), sont menacées de devenir "les laissées-pour-compte de l'héritage olympique". Toujours à l'école, les nouveaux dispositifs "30 minutes d'activités physiques et sportives" au primaire et "deux heures de sport supplémentaires" au collège affichent des bilans mitigés.
Le rapport s'achève sur deux constats. Le premier porte sur la prise en compte du handicap et fait état sur ce sujet d'une "indéniable prise de conscience", même si "des efforts louables [restent] à poursuivre". Le second concerne le sport-santé, où les progrès sont "conséquents".
Parmi les 33 recommandations touchant au sport, notons celles visant à passer à quatre heures hebdomadaires d'EPS pour les élèves de primaire et de collège et à trois heures pour les lycéens, à intégrer de façon pérenne les crédits du plan des 5.000 équipements sportifs de proximité et du programme de rénovation énergétique des équipements sportifs, actuellement gérés par l'Agence nationale du sport (ANS), au sein du programme budgétaire Sport, à accélérer le recensement des équipements sportifs afin d'identifier les lieux où leur développement doit être prioritaire, à clarifier les compétences des acteurs territoriaux et à procéder à une nouvelle évaluation de l'ANS en insistant sur sa déclinaison territoriale.
Un rapport de la Cour des comptes sur l'impact financier de Paris 2024 sur les finances publiques est prochainement attendu.