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Hauts-de-France et Occitanie, vitrines de la revitalisation des bourgs centres ?

En partenariat avec l'association Centre-ville en mouvement, les présidents des régions Occitanie et Hauts-de-France veulent soutenir les initiatives de revitalisation des bourgs centres menées par les maires. Une démarche qui se veut complémentaire du plan national Action coeur de ville.

Le député de l’Hérault Patrick Vignal (LREM), président de l’association Centre-ville en mouvement, a de la suite dans les idées. Presque un an après avoir annoncé sa volonté de se rapprocher du président LR des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, et de la présidente PS de l’Occitanie, Carole Delga, pour expérimenter des idées nouvelles en matière de revitalisation des centres, le pacte est signé. Une "union sacrée" qui va au-delà "des appartenances politiques", se félicite Xavier Bertrand, lors de la présentation de cette initiative, dans les locaux de l’Assemblée, en présence de nombreux représentants de fédérations commerciales et artisanales (boulangerie, fromagerie, boucherie…), des chambres consulaires et de quelques parlementaires.

L’initiative de ces régions-vitrines serait d’ailleurs soutenue par 32 députés et sénateurs, selon Patrick Vignal, et pourrait donner lieu au dépôt d’amendements dans les textes à venir. "Il y a urgence. Derrière, c’est de l’emploi qui file. Derrière, il y a un sentiment de déclassement, de délaissement", souligne Xavier Bertrand, en allusion à la crise que traverse le pays. "S'il y a un déficit dans notre pays, c'est le déficit de confiance", estime Carole Delga.

Avoir un "maillage plus important" qu'Action coeur de ville

Si le choix du député s’est porté sur ces deux pôles géographiques du nord et du sud du pays, les résultats électoraux qui y ont été enregistrés ces dernières années, notamment lors des élections régionales de 2015 (le Front national est arrivé largement en tête au premier tour) n’y sont sans doute pas étrangers. Les deux présidents de régions passent pour des élus actifs dans ce domaine, mais ils ne sont cependant pas les seuls, la région Bretagne a été l’une des premières à se pencher sur le sort de ses centres.
Les Hauts-de-France et l’Occitanie ont toutes deux une vingtaine de communes retenues dans le plan gouvernemental Action cœur de villes (sur un total de 222 villes moyennes). Elles ont décidé d’aller plus loin et aussi toucher une strate de communes plus petite. "Pour avoir un maillage plus important", explique Xavier Bertrand, insistant sur le besoin de s’appuyer sur les maires (à noter toutefois que le gouvernement travaille lui aussi à un programme spécifique aux bourgs, dans la continuité d’Action cœur de ville).

140 communes ont répondu à l’appel à projets lancé par les Hauts-de-France pour revitaliser les centres-villes et les centres-bourgs, avec une enveloppe de 60 millions d’euros sur trois ans. La région entend ainsi soutenir l’acquisition ou l’aménagement de locaux vacants, la création de halles couvertes, l’aménagement de boutiques éphémères ou à l’essai, des projets d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, des unions commerciales. Elle financera partiellement des postes de managers de centres-villes.

L’Occitanie elle vise les "bourgs-centres" : 650 communes ont répondu à son appel à projets sur 4.500 communes ; des communes qui, quelle que soit leur taille, joue un rôle de "pôle de services de proximité". "Il faut ramener de la population dans nos communes ; également créer un cadre de vie qui soit à la hauteur de ce vivre-ensemble", souligne Carole Delga qui entend faire du "sur mesure", "un dispositif à la carte". La région a aussi lancé un appel à projets sur la réhabilitation de friches urbaines ou industrielles en centre-ville.

"Territoires financiers solidaires"

"Avec ces deux présidents, nous pouvons avancer, on a de vraies possibilités de faire un travail d’ensemblier, se réjouit Patrick Vignal. Il est navrant de voir que les politiques nationales ne donnent pas le pouvoir aux maires." Et le député de recenser deux moyens d’actions : les territoires zéro chômeurs en cours d’expérimentation, ou les territoires financiers solidaires, sortes de "zones franches" améliorées. L’idée serait d’exonérer de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de taxe foncière les artisans, commerçants et professions libérales dans des zones prédéterminées par les collectivités, avec l’appui des préfectures et des chambres consulaires. Le tout serait lissé à l’échelle d’une intercommunalité de manière à répartir le manque à gagner.

Les deux élus l’assurent : hors de question de financer des projets périphériques. Patrick Vignal qui, avec Centre-ville en mouvement, portait l’idée de "moratoire" sur les grandes surfaces (reprise de manière édulcorée dans la loi Elan) s’en délecte. "Si un maire prend de l’argent de l’appel à projets centre-ville ou centre-bourg, il ne doit plus développer les zones périphériques. C’est clair", martèle Xavier Bertrand, accusant au passage la Cnac (Commission nationale d’aménagement commercial) d’être une "boîte à lobbies". "Cela fait trente ou quarante ans qu’on a laissé filer les choses, les professionnels alertaient mais les élus n’ont pas vu ce qui se passait", fustige l’ancien ministre. "Aujourd’hui, on assiste à une prise de conscience, il n’est pas trop tard pour inverser les tendances", dit-il. Un constat qui colle de près au discours d’Édouard Philippe prononcé le jour même au Sénat :  "Nos choix publics (…) y compris des choix parfois pris localement, ont contribué à l’étalement urbain, à la dédensification des centres-villes, à la désertification commerciale des centres-villes", a déclaré le Premier ministre devant les sénateurs, en clôture du Grand Débat. "Reconnaissons tout de même que dans la façon dont l'urbanisme commercial a été pensé en France, nous avons créé nous-mêmes les conséquences que nous vivons aujourd'hui", a-t-il insisté.

Marketplaces du Made in France

L’un des mots qui revient souvent dans la bouche des trois élus, c’est l’idée de "marketplaces du Made in France", capables de concurrencer Amazon… Xavier Bertrand a d’ailleurs été un fervent défenseur de la taxe sur les Gafa que le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, entend instaurer. Mais il avait aussi applaudi des deux mains l’ouverture du plus grand centre de distribution d’Amazon dans sa région en 2017. Que dire alors des dégâts que la stratégie agressive du géant américain cause au commerce de proximité ? Pour Patrick Vignal, il faut s’emparer des "datas" afin de mieux connaître les habitudes des clientèles, "regarder la révolution numérique, les yeux dans les yeux".
Les trois élus ont prévu de se retrouver lors d’un colloque au mois de septembre.