Haut-commissariat au plan : un rapport sénatorial dénonce une "planification embryonnaire"
Dans un rapport publié le 18 septembre 2024, le sénateur du Pas-de-Calais Christopher Szczurek critique la portée limitée de la réflexion du haut-commissariat au plan incarné par François Bayrou. Centrée sur le moyen terme, moins approfondie et moins précise que les notes des autres organismes de ce type… le rapport étrille la production du HCP et fait part de lacunes en matière de numérique et de problématiques liées à la jeunesse.
Des ressources modestes, des notes à valeur ajoutée mitigée, une planification embryonnaire… Dans un rapport publié le 18 septembre 2024, le sénateur RN du Pas-de-Calais Christopher Szczurek, rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits de la mission "direction de l'action du gouvernement", tire un bilan sévère du haut-commissariat au plan (HCP). Il "n'a pas pleinement répondu aux attentes importantes qui avaient été placées en lui à sa création", indique ainsi le document en guise de constat principal. Dirigé par François Bayrou, ce HCP a été mis en place en septembre 2020 après la première vague de l'épidémie de Covid pour aider l'État à s'inscrire dans une réflexion de plus long terme, notamment en matière de gestion des risques. Cette instance était censée renouer avec le commissariat général au plan (CGP) créé en 1946 par le général de Gaulle et transformé en 2006 en centre d'analyse stratégique devennu depuis France stratégie. Elle avait déjà été fortement critiquée lors d'un débat organisé au Sénat le 10 avril 2024 à l'initiative du groupe écologiste (voir notre article).
Une action limitée par la multiplicité des organes administratifs existants
"En dépit d'une mission très étendue en théorie (il est censé intervenir sur des aspects sanitaires, économiques, démographiques, sociaux, technologiques et culturels, ndlr), l'action du HCP est significativement limitée par la multiplicité des organes administratifs existants" comme France stratégie, le Conseil d'analyse économique (CAE), le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) ou encore le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI), à qui la mise en œuvre et le suivi du plan France 2030 ont été confiés. Le HCP, qui ne dispose d'aucun levier financier, n'a quant à lui été associé ni à l'élaboration, ni à l'évaluation de ce plan, insiste le rapport.
Ses moyens budgétaires (1,9 million d'euros en 2023 et 2024) et humains (14 équivalents temps plein travaillés en 2023) sont modestes par rapport aux autres organismes. À titre d'exemple, France stratégie compte 135 ETP à fin 2023 et bénéficie d'une dotation de 23,1 millions d'euros pour 2024. Le haut-commissaire lui-même assure son rôle bénévolement, comme l'a souhaité François Bayrou. Mais le Sénat critique les responsabilités politiques que l'homme continue à exercer en parallèle de son mandat, et questionne les bienfaits de la personnalisation de la fonction.
"Une planification embryonnaire"
Plus important encore, la contribution du HCP aux politiques publiques est très limitée et centrée sur le moyen terme. Les notes stratégiques du HCP (18 publiées depuis la création de l'instance, un rapport corédigé avec un think tank et deux rapports rédigés par des tiers sur commande) sont "moins précises et approfondies" que les productions des autres organismes administratifs chargés d'expertise et de conseil auprès des décideurs publics, critique le sénateur qui qualifie la planification proposée "d'embryonnaire". Autres lacunes : l'absence de publication sur les enjeux du numérique, qui figurait pourtant dans la lettre de mission, un intérêt limité pour les problématiques spécifiques à la jeunesse, à l'inverse des enjeux du vieillissement et des recommandations peu opérationnelles.
Pour corriger le tir, le rapport sénatorial avance plusieurs pistes, dont le changement de nom du HCP, pour haut-commissariat à la prospective, traduisant une clarification dans la répartition des compétences des différents organismes : le domaine de la prospective lui serait réservé, alors que la planification des ressources physiques et financières serait assumée par le SGPE et l'évaluation des politiques publiques relèverait de France stratégie.
Christopher Szczurek propose aussi d'inscrire la réflexion dans un temps plus long (au moins 30 ans) et de s'inspirer du modèle de l'initiative "Red Team" développée par l'Agence de l'innovation de défense (AID) qui associe des auteurs de science-fiction, des universitaires et des professionnels. Enfin, le sénateur propose de fixer à six ans renouvelables la durée du mandat et de prévoir la remise au Parlement d'un rapport annuel d'activité.