Guillaume Vogel (Atout France) : "Il faut se mobiliser collectivement pour accompagner les propriétaires en stations de montagne"

Au lendemain d'un colloque organisé le 17 avril à Grenoble par Atout France, en partenariat avec la Banque des Territoires, l'ANCT, l'Anem et l'ANMSM, sur le thème "Régénération montagnes : construire ensemble leurs avenirs et leurs transitions", Guillaume Vogel, chef de projet FTI (France tourisme ingénierie) chez Atout France, revient pour Localtis sur cet événement. 

Localtis - Quel tableau général peut-on dresser de la situation du parc immobilier des stations de montagne ?

Guillaume Vogel - Les stations ont été principalement construites pendant le plan Neige, mis en œuvre dans les années 1960 et 1970, et sont composées à 80% de résidences secondaires qui, elles-mêmes, sont en très grande majorité en copropriétés avec ce que cela implique en termes de décisions, de votes de travaux. C'est ce qui fait qu'au-delà des hébergements touristiques marchands professionnels, on se retrouve avec des hébergements touristiques sous forme de résidences secondaires potentiellement louées ou occupés par leurs propriétaires sous le régime de la propriété privée. Ces derniers sont invités à agir, ce qui nécessite un accompagnement.

Quels seraient les risques pour les stations si on ne faisait rien ?

Après le vote d'une loi sur la régulation des meublés de tourisme en novembre 2024 qui impose notamment aux meublés de tourisme des travaux de rénovation énergétique à horizon 2034, le risque est de se retrouver à cette date avec une interdiction locative des biens considérés comme des passoires thermiques (classés E, F, G). Sachant que ces meublés servent à loger les vacanciers, le risque est donc d'avoir une sortie très importante du nombre de meublés du circuit commercial, ce qui impacterait fortement l'écosystème des stations et d'autres secteurs liés à leur économie touristique. D'où l'intérêt et l'importance d'agir vite et de se mobiliser collectivement pour accompagner les propriétaires, mobiliser les acteurs et filières avec ambition, et trouver des solutions opérationnelles.

En quoi consiste le programme "Rénovation des stations de montagne" mené par Atout France, en partenariat avec la Banque des Territoires ?

Il s'agit de la suite d'une première expérimentation menée de 2018 à 2020 auprès de treize destinations, dont dix stations de montagne, qui avait démontré la nécessité de mettre en avant le sujet de l'accompagnement et de l'ingénierie. Nous avons lancé un appel à manifestation d'intérêt qui a recueilli plus de quarante candidatures. Nous avons retenu vingt-cinq lauréats, des communes et des communautés de communes, réparties entre les Alpes, les Pyrénées et le Jura, pour un accompagnement en ingénierie. Nous avons mis en moyenne cinquante jours d'ingénierie par destination, avec la possibilité de cofinancer des études en vue de porter des actions opérationnelles en faveur de la transition et de la rénovation des copropriétés. Cela représente un budget de 2,5 millions d'euros sur la durée du programme pour du temps d'ingénierie, des cofinancements d'études ou de l'assistance à maîtrise d'ouvrage. Nous avons aussi développé ou financé des boîtes à outils, des chartes de rénovation et d'architecture, des accompagnements sur des sujets d'urbanisme ou encore des approches innovantes sur le financement, en travaillant sur des simulations de retours sur investissements, pour permettre aux propriétaires de se projeter sur un plan de financement, ou sur des analyses relatives à la création de valeur et aux retombées économiques et fiscales en stations.

Vous avez présenté à Grenoble les facteurs-clés du succès du programme. Quels sont-ils ?

Un sujet essentiel est d'abord une gouvernance bien établie au niveau de la destination, un portage politique fort, le recrutement de chefs de projet qui ont vocation à créer du lien entre les acteurs du territoire, à porter et animer des actions, à communiquer auprès des copropriétaires, y compris en étant au plus près de ces copropriétaires, au cours d'assemblées générales de copropriété par exemple, et à leur apporter un accompagnement en ingénierie. Certains copropriétaires habitent loin et ne viennent pas souvent dans leur appartement, il n'est donc pas toujours simple de les mobiliser. Un accompagnement technique, l'organisation et la structuration de nouveaux modèles économiques, le développement et la consolidation d'outils de connaissance et de pilotage sont autant de facteurs-clés. Les maisons de propriétaires, les offices de tourisme et les socioprofessionnels ont également un rôle central à jouer. Il était aussi important dans le cadre de ce programme de créer un réseau entre les différents intervenants et les destinations lauréates, pour bénéficier des retours d'expérience et éviter certains écueils. Ce pair-à-pair entre les territoires est également une clé de succès. Sachant que le projet de rénovation global d'une copropriété s'étale sur quatre ou cinq ans, il faut prendre le sujet à bras-le-corps dès maintenant pour être prêt en 2034, en ayant également en tête les Jeux olympiques d'hiver de 2030 dans les Alpes, un autre jalon qui nécessite des actions fortes pour pouvoir accueillir les visiteurs dans de bonnes conditions.

Le colloque de Grenoble visait en particulier à organiser la massification de la rénovation de l'immobilier de montagne. Que faut-il pour toucher toutes les stations ?

Pour pouvoir massifier cette rénovation, il faut mobiliser tout le monde, les politiques, les outils et méthodologies sur les aspects techniques, mais aussi les outils financiers. Nous souhaitons donc mettre en place des groupes de travail thématiques en lien avec ces trois sujets – politique, technique et financier –, trouver rapidement des solutions collectives, mobiliser les écosystèmes, les différentes filières, dans le bâtiment, les banques, les sociétés qui proposent des montages financiers autour de la performance énergétique et/ou touristique. Si l'on a un soutien politique, des solutions financières et des outils techniques pour aborder ces questions de rénovation énergétique dans les meilleures conditions, on aura sûrement la possibilité de massifier cette rénovation. C'est le collectif qui le permettra.

Quel serait le coût total pour la rénovation de toutes les stations de montagne ?

Aux alentours de quinze milliards d'euros pour l'ensemble des stations.

Et cette somme serait à la charge des copropriétaires...

Oui, principalement, d'autant plus qu'il n'existe aujourd'hui aucune aide pour les résidences secondaires. MaPrimRénov', par exemple, ne fonctionne que pour les résidences principales. Mais on peut faire appel à des financements ainsi qu'à des solutions innovantes sur lesquelles nous travaillons, comme la possibilité de faire porter des travaux par une société tiers qui, en contrepartie, récupérerait la gestion locative du bien. Et bien sûr, la commercialisation et les revenus locatifs associés représentent une source de financement potentielle pour les quotes-parts de travaux de rénovation globale des copropriétés.

Quels sont les freins qui persistent face à cet objectif de rénovation massive des stations de montagne ?

Pour certaines stations, c'est d'abord l'éloignement des propriétaires, le fait qu'il s'agisse de résidences secondaires. Il y a la question de la copropriété, avec les règles de prise de décisions que cela implique. Si la majorité nécessaire n'est pas obtenue, les projets ne sortent pas. Il  faut trouver des sources de financement mais également des professionnels du bâtiment capables de répondre à la demande. Ce n'est pas toujours simple, en station, de pouvoir faire réaliser des travaux de rénovation quand on le souhaite. Parfois, les carnets de commandes sont déjà remplis dans un secteur du bâtiment en tension et qui manque de personnel pour répondre favorablement et massivement aux propriétaires de résidences secondaires désireux d'engager des travaux. Nous avons d'ailleurs, entre autres, évoqué ce point avec la Fédération française du bâtiment représentée lors des tables rondes de l'après-midi.

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis