Grasse regagne des zones agricoles dans son nouveau PLU pour cultiver des roses et du jasmin (06)
Le plan local d'urbanisme (PLU) de Grasse mis en œuvre début 2019 acte une inflexion dans la politique d’urbanisation au profit de l’agriculture, et notamment de la culture de plantes à parfum.
"Un plan local d'urbanisme (PLU) est un outil de planification (…) mais c'est aussi la première pierre à poser pour protéger et développer l'agriculture", remarque la directrice générale adjointe de l'aménagement et cadre de vie de Grasse, Nathalie Campana. Cette commune de 51.000 habitants des Alpes-Maritimes a voté en novembre 2018 un nouveau PLU remplaçant celui de 2007. Objectif : limiter l’urbanisation, maintenir la biodiversité et les espaces boisés classés et développer l'activité agricole, en particulier pour l'industrie du parfum. La surface des zones agricoles (ZA) a ainsi été multipliée par plus de cinq, passant de 178 ha à 928 ha, soit 20% du territoire de la commune.
Des zones urbaines transformées en zones agricoles
La plupart des nouvelles ZA étaient auparavant des zones naturelles qu’il convenait de redonner à l’agriculture et qui représentaient dans le PLU précédent près de 670 ha. Sur ces terres, notamment des collines plantées d'oliviers, il est désormais possible d’installer et de créer une exploitation agricole, de construire certains bâtiments agricoles, ou encore d'agrandir des bâtiments existants. Mais 81 ha de zones urbaines ou à urbaniser, dont une partie étaient auparavant cultivées, ont également été transformés en ZA, en cœur de ville et sur des zones d'aménagement futures, un demi-tour assez rare dans les communes françaises.
Demande de plantes aromatiques
"Après des décennies de recul face à l'urbanisation avec les incidences négatives de l'étalement urbain sur la solidité des exploitations et leur rationalité économique, le projet d'aménagement et de développement durable de Grasse a inscrit la protection des terres agricoles comme un objectif majeur. (…) Le PLU définit précisément les zones A sur le territoire, afin de garantir le maintien de l’activité en empêchant toute spéculation sur le foncier agricole", précise le rapport de présentation du PLU. Cette nouvelle politique portée par l'équipe municipale répond notamment à la demande croissante de plantes aromatiques locales, comme le jasmin ou la rose, en lien avec l'inscription des "savoir-faire liés au parfum en Pays de Grasse" sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité, obtenue fin 2018.
Composer avec les propriétaires
Le travail de révision des documents d'urbanisme entamé en juillet 2014 a donné lieu à plusieurs études, montrant qu’une grande partie des espaces agricoles de la ville étaient enserrés dans un tissu urbain et menacés car constructibles. Il a également initié des réunions publiques et des concertations. Une partie des terrains des zones à urbaniser ou urbaines devenues agricoles appartiennent à la communauté d'agglomération du Pays de Grasse. Mais d'autres sont détenues par d’anciens exploitants, notamment de plantes à parfum. Le classement en ZA de leurs terres peut signifier une baisse de leur valeur ou de nouvelles contraintes pour les constructions. "Cela a été compliqué car les propriétaires avaient intégré que leurs terrains allaient devenir constructibles" explique la directrice adjointe. Avec un prix du foncier agricole qui peut dépasser les 300.000 euros l'hectare, les enjeux financiers sont conséquents. Mais les promesses de développement de la culture du parfum, à très forte valeur ajoutée, ont rassuré les propriétaires.
Société coopérative pour faciliter l'installation d'agriculteurs
Ainsi, la ferme de la Colle Blanche, un domaine de 1,5 ha dédié à la culture du jasmin, acquis par la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) lors d'une succession, a été cédé en février 2020 à Terre Adonis, une société coopérative d'intérêt collectif (Scic), pour 650.000 euros. Cette société, développée par la Safer Paca et la Coopération Agricole Sud, a pour objectif de faciliter l’installation de nouveaux agriculteurs en portant le foncier nécessaire à leur projet pendant 7 à 15 ans. Pendant cette phase transitoire, l’exploitant dispose d’un bail rural dont le loyer est encadré par la loi et peut réaliser les autres investissements nécessaires au développement de son activité. A l’échéance, il a la possibilité de racheter le foncier à un prix convenu au départ, sans coût supplémentaire. Pour ce faire, Terre Adonis va fédérer des partenariats publics et privés autour de chaque projet dans le but de réunir les fonds nécessaires, le temps du portage.
Travail avec la chambre d'agriculture
La transformation de zones urbaines en zone agricoles sur le papier ne suffit pas à développer l'agriculture. Le prix des terres freine l'installation de jeunes agriculteurs qui souhaitent acheter et l'encadrement des montants des baux ruraux incite les propriétaires à ne pas louer... Un travail est en cours avec la chambre d'agriculture ou des structures comme Terre Adonis pour faciliter les installations. "L’équipe municipale a aussi comme objectif de reconquérir des terres et des friches pour développer le maraîchage", ajoute la directrice générale adjointe de l'urbanisme.
Rester vigilant
"Ce nouveau PLU a permis de sanctuariser des zones agricoles et enclenché une dynamique, mais il faut être vigilant", ajoute la directrice générale adjointe. La commune est engagée dans un bilan de ce nouveau zonage et surveille l'évolution des constructions et projets afin d'adapter les zonages et droits à bâtir associés. "Ce qui est sûr, c'est qu'il sera maintenant beaucoup plus compliqué, voire impossible, de repasser ces zones agricoles en zones à urbaniser", conclut la directrice générale adjointe.
Commune de Grasse
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Edouard Geoffray
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