Transports - Grand Paris : un concert de louanges en attendant les vraies questions
Faire de Paris une "ville monde" capable de rivaliser avec les mégapoles internationales. Les ambitions portées par Nicolas Sarkozy lors de son discours du 29 avril sur le Grand Paris font l'unanimité. En particulier les transports, la clé de voute de ce chantier pharaonique qui prévoit un investissement de 35 milliards d'euros sur dix ans pour leur développement. Symbole de ce chantier : le métro rocade rapide de 130 kilomètres, sans conducteur et fonctionnant 24 heures sur 24, qui desservira les grands pôles d'activité de la région. Qu'on l'appelle "Métrophérique" ou "Arc Express", le but est le même : désengorger la capitale, en évitant au passage à 160.000 véhicules d'emprunter le centre. Ce sera une "référence mondiale dans douze ans", s'est félicité Christian Blanc, le secrétaire d'Etat à la région capitale, lors d'un débat organisé par d'anciens élèves de l'ENA et de Polytechnique (Agro-Ena-X), à Paris, le 14 mai, autour du "Grand Paris : pour une nouvelle conception de l'action publique". De quoi attiser déjà bien des convoitises chez les transporteurs. Pour Pierre Mongin, le PDG de la RATP, le parallèle avec le faste du Paris des années 1900 s'impose. "En 1900, on a mis trente ans pour réaliser 100 km de lignes, avec les moyens modernes, on pourra réaliser 130 km en dix ans", a-t-il assuré.
Même les élus de gauche reconnaissent ce changement d'échelle, au moins dans le discours du chef de l'Etat. "Ce que j'accueille favorablement, c'est un changement de pied de l'Etat qui n'investissait plus dans les transports locaux", a convenu Anne Hidalgo. Pour l'adjointe au maire de Paris chargée de l'urbanisme et de l'architecture, "les mentalités ont changé" depuis les dernières négociations sur le contrat de projets Etat-région (CPER) 2007-2013. Et après des mois de tension, la hache de guerre semble enterrée avec la région. Mireille Ferri, la vice-présidente du conseil régional en charge de l'aménagement du territoire, a en effet indiqué qu'il n'y avait pas de concurrence entre le Grand Paris et le Sdrif qui est "un outil de planification", mais elle a pressé le gouvernement de transmettre le document au Conseil d'Etat. Selon elle, ce n'est pas le Sdrif qui doit être modifié, mais le CPER, "outil de projets". "A quand une revoyure du CPER avec un nouveau calendrier ?", a-t-elle demandé.
Avant les premiers coups de pioche prévus pour 2012, il va d'abord falloir entamer la concertation avec les collectivités et demander leur avis aux habitants. Des états généraux sont prévus au premier semestre 2010. La question du tracé du Métrophérique, qui se veut aérien et donc visible, risque de coûter cher en termes d'expropriations et de contentieux. Mais au-delà des transports, tout le monde a en tête la question de la gouvernance du futur ensemble. Qui va présider aux destinées de cette ville monde qui aura des ramifications jusqu'au Havre ou Rouen ? Pour l'heure, le président de la République a pris soin de reporter cette question et salué le travail accompli par la ville de Paris autour de Paris Métropole. "Le concept de métropole urbaine est très intéressant, la réflexion sur l'urbanisme prend un tour tout à fait nouveau. Il ne faut pas mettre la gouvernance avant les projets", a lui aussi insisté Christian Blanc, jeudi. De la souplesse donc, c'est ce que demande Mireille Ferri, plaidant pour une "conduite de projets" : "une forme de gouvernances éphémères, de huit, douze, quinze ans, selon la durée des projets". "Il ne faut pas laisser polluer le débat en raisonnant toujours en termes d'institutions pérennes", a-t-elle mis en garde.
Michel Tendil