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Transports - Grand Paris Express : les scénarios du rapport Auzannet pour faire face au surcoût

Plus cher que prévu de près de 50%, le projet de supermétro automatique Grand Paris Express va devoir revoir ses ambitions selon le rapport commandé par la ministre de l'Egalité des territoires Cécile Duflot à Pascal Auzannet, ancien directeur des RER de la RATP. Remis ce 13 décembre, le rapport chiffre le projet à 30 milliards d'euros en valeur 2012 alors qu'il était estimé à 20,5 milliards d'euros dans l'accord Etat-région de janvier 2011.
Cette nouvelle estimation prend en compte la dérive monétaire (3 milliards d'euros), ainsi qu'un réajustement des coûts au regard de l'évolution du projet et de son examen plus approfondi (1,4 milliard pour les projets portés par la Société du Grand Paris, et 500 millions d'euros pour la ligne 14 du métro). Trois autres milliards sont à imputer à la "ligne orange", pour laquelle seuls deux milliards - correspondant à la contribution de la Société du Grand Paris - avaient été inscrits dans l'accord du 26 janvier 2011. Enfin, 1,8 milliard correspond au coût des interconnexions avec le réseau existant, qui n'avait pas fait l'objet d'évaluation.
Pour Pascal Auzannet, cette hausse spectaculaire du coût du projet "ne remet nullement en cause le principe de réaliser la totalité du Grand Paris Express". Mais il contraint soit à augmenter considérablement la contribution des pouvoirs publics, soit à revoir le calendrier des travaux. "Pendant toute la période du débat public et celle qui a suivi, il a été expliqué que la totalité du Grand Paris Express serait réalisée sans phasage, donc de façon simultanée et en totalité avant 2025. Les contraintes économiques et financières ont été totalement ignorées (...) Les contraintes techniques (...) ont été sous-évaluées", accuse-t-il.
Pascal Auzannet envisage trois scénarios. Le premier, qui permettrait de respecter l'échéance de 2025, nécessiterait de porter la contribution de l'Etat et des collectivités locales à 12 milliards d'euros, "au lieu de 4,9 initialement envisagés, ce qui dans le contexte budgétaire actuel n'est de toute évidence pas envisageable". Il semble de plus techniquement difficile à tenir. Le troisième, le mieux disant pour les finances publiques, repousserait à 2040 la fin des travaux - ce qui est a priori inacceptable pour les usagers des transports et les élus.
Le scénario intermédiaire, qui a visiblement la préférence de Pascal Auzannet, prévoit de repousser la fin des travaux à 2030. Il envisage cinq phases pour leur réalisation, dont les trois premières pouvant être réalisées en respectant l'enveloppe de 4,9 milliards d'euros d'ici à 2026. Seraient ainsi retardées la phase 4 (liaisons Champigny centre-Noisy-Champs, Pont de Sèvres-Nanterre et Saclay-Versailles) et la phase 5, soit le tronçon Le Bourget-Roissy. Pascal Auzannet exprime à son sujet les plus grandes réserves, au regard de son coût (2,17 milliards d'euros) et du fait qu'il doublonnerait avec le projet Charles-de-Gaulle Express. Le haut fonctionnaire prévoit en outre dans ce scénario de privilégier l'option d'un "métro léger" pour la ligne verte.

Les élus dépités

Le sénateur PS des Hauts-de-Seine Philippe Kaltenbach a salué un rapport qui "montre que le projet du Grand Paris Express est réalisable, en dépit des piètres calculs du tandem Sarkozy-Santini". Mais de nombreux élus du nord et de l'est de l'Ile-de-France ont exprimé "colère" et "inquiétudes". La députée communiste Marie-George Buffet a regretté que le rapport soit empreint des "contraintes financières qui sont désormais la nouvelle règle d'or du gouvernement concernant les dépenses publiques". "Nos inquiétudes sont très fortes", a résumé le maire PS d'Aulnay-sous-Bois Gérard Segura, dont la commune compte énormément sur sa nouvelle gare pour rebondir après la fermeture de l'usine PSA en 2014. "Comment attirer (aujourd'hui) un investisseur industriel à forte valeur ajoutée sur le site de PSA à l'horizon 2025-2026 ? Ca n'est pas raisonnable (...) Il ne faut pas revenir sur ce qui a été acté", a-t-il insisté lors d'une conférence de presse avec d'autres maires concernés. Il a aussi demandé que la promesse d'une construction "concomitante" de la ligne rouge (arc nord-est) et de la ligne orange (arc sud) soit respectée.
"On ne fait pas un réseau bouclé en le coupant en tronçons", a pour sa part commenté pour l'AFP Vincent Eblé, président PS du conseil général de Seine-et-Marne car sinon, "on continue de renforcer les déséquilibres régionaux, ce qui est inacceptable".
La ligne rouge devait ainsi permettre au Mesnil-Amelot "d'être enfin désenclavé" tout en attirant de nouvelles entreprises, a témoigné son maire UMP Alain Aubry. Le projet d'une gare avait entraîné le dépôt de huit demandes de permis de construire pour des hôtels, a-t-il souligné lors du point presse. Elle doit aussi desservir des communes très enclavées de Seine-Saint-Denis aujourd'hui seulement reliées à Paris par bus, comme Clichy-sous-Bois ou Montfermeil. "On ne peut pas continuer à verser des larmes de crocodile sur l'égalité territoriale et ne pas maintenir ce projet", a jugé Olivier Klein, maire PS de Clichy, tandis que le maire UMP de Montfermeil, Xavier Lemoine, a dit sa "colère": "Il faut rompre avec la mentalité d'épicier qui prévaut ces derniers temps. Qui a calculé ce que coûterait l'asphyxie de notre région ?" La ligne rouge doit desservir des quartiers d'où sont parties les émeutes urbaines en 2005 -Les Tilleuls au Blanc-Mesnil, Les Beaudottes à Sevran, Les 3.000 à Aulnay, Le Chêne-Pointu à Clichy -, a rappelé le maire communiste du Blanc-Mesnil Didier Mignot. "Nous sommes toujours sur une poudrière, nous ne pouvons décevoir une fois de plus ces populations", a-t-il lancé.
Le député PS Daniel Goldberg a lui demandé que la ligne rouge soit construite dans "des délais fermes et acceptables". "Des marges de manoeuvre existent pour le financement de ce projet", a assuré Stéphane Troussel, le président PS du conseil général de Seine-Saint-Denis, dès le 12 décembre, dans un communiqué. Il a plaidé pour un emprunt "sur des durées supérieures à 40 ans", rappelant que le métro parisien "n'a été payé que dans les années 1970 !".
Le gouvernement rendra ses arbitrages en février 2013, selon un communiqué de Cécile Duflot. "Ces décisions concerneront le calendrier de réalisation et de financement du futur réseau de métro automatique, mais aussi les mesures de développement et d'amélioration des réseaux de transport publics de voyageurs existants en Ile-de-France en liaison avec le Stif (Syndicat des transports d'Ile-de-France, NDLR), ainsi que les dispositions nécessaires à l'organisation efficace des projets", précise le communiqué.
 

 

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