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Tourisme - Grâce au retour des Européens, la France a accueilli 87 millions de touristes étrangers en 2017, mais...

Selon le ministère de l'Economie, la fréquentation des touristes étrangers en France en 2017 est en hausse de 5,1%, ce qui représente près de 87 millions de touristes. Parmi eux pourtant, nombreux sont ceux qui ne font que passer, sans beaucoup dépenser...

Comme chaque année, la direction générale des entreprises (DGE, ministère de l'Economie et des Finances) publie, dans sa lettre d'information, les résultats de la fréquentation de la France par les touristes étrangers. Et, comme attendu dans un contexte plus favorable à l'activité touristique après une période marquée par les conséquences des attentats de 2015 et 2016, ces résultats de 2017 sont bons, avec une fréquentation en hausse de 5,1%, permettant de frôler les 87 millions de touristes. Mais, comme d'habitude, ces bons chiffres cachent toujours un certain nombre de faiblesses structurelles de l'industrie touristique française.

Un bon résultat de +5,1%, mais à relativiser

Selon les résultats de l'enquête auprès des visiteurs venant de l'étranger (EVE), réalisée par la DGE et la Banque de France, 86,9 millions de touristes étrangers ont fréquenté l'Hexagone l'an dernier, permettant ainsi à la France de conserver le rang de première destination touristique mondiale, devant l'Espagne (81,8 millions de touristes étrangers), en pleine expansion et qui passe devant les Etats-Unis (73 millions).
Ce bon résultat de la France doit toutefois être quelque peu relativisé. Tout d'abord, la progression de 5,1% enregistré l'an dernier intervient après une année marquée par un recul prononcé de la fréquentation consécutif aux attentats (seulement 82,7 millions d'arrivées en 2016). Au final, le résultat de 2017 est supérieur de 2,9% à celui de l'année record de 2015.
Ensuite, parmi les dix premières destinations du tourisme international, six ont connu l'an dernier une progression plus rapide que la France : la Turquie (+24,1%), le Mexique (+12,0%), l'Italie (+9,8%), l'Espagne (+8,6%), la Thaïlande (+8,6%) et l'Allemagne (+5,2%). Seuls trois pays ont fait moins bien que la France : le Royaume-Uni (+3,4%), la Chine (+2,5%) et surtout les Etats-Unis (-3,8%).
Enfin, le chiffre de 86,9 millions d'arrivées internationales est inférieur aux prévisions du gouvernement, il y a un an. En juillet 2017, Jean-Yves Le Drian prévoyait en effet un chiffre de l'ordre de 88 ou 89 millions de touristes internationaux, en tablant notamment sur un fort retour des clientèles extra-européennes, comme les Japonais, les Russes, les Brésiliens ou les Indiens (voir notre article ci-dessous du 11 juillet 2017).

Les Européens fidèles au poste, les autres nationalités plus timides

En fait - et contrairement aux anticipations - c'est le rebond des arrivées de touristes européens qui explique le bon résultat de 2017. Ces dernières ont en effet progressé de 3,6 millions l'an dernier, soit une hausse de 5,6%. Il est vrai que les touristes européens représentent 79% des arrivées internationales en France et apportent ainsi 4,4 points sur la progression globale de 5,1%.
Le Royaume-Uni reste le premier pays d'origine (12,7 millions et +6%) et creuse l'écart avec l'Allemagne (11,8 millions, stable). Les principales progressions concernent les clientèles espagnole (+17,3%), suisse (+10,7%), belge et luxembourgeoise (+9,6%) et néerlandaise (+7,4%). En revanche, les touristes italiens reculent de 4,6%, après déjà -7,9% en 2016. Enfin, la clientèle russe, bien que marginale, retrouve son niveau record de 2013 (0,8 million), avec une hausse de 43% après trois années consécutives de baisse. Contrairement aux attentes, les clientèles extra-européennes progressent de façon plus modeste (0,6 millions de visiteurs supplémentaires et +3,1%). Seuls le Brésil et le Japon affichent une croissance à deux chiffres des arrivées (17,9% et 17,8%), alors que les progressions sont plus modestes pour la Chine (+4,9%) et les Etats-Unis (+4,6%). Pour leur part, les arrivées en provenance du Canada et de l'Inde sont en net recul (-11,5% et -5,6%).

La France, pays de transit ?

Comme chaque année, les chiffres de la DGE mettent également en évidence un certain nombre de faiblesses structurelles. Pays de transit pour les Européens du nord en partance pour l'Europe du sud, la France compte, parmi ses 87 millions d'arrivées internationales, une forte proportion de courts séjours. Ainsi, en 2017, 37 millions de touristes internationaux sont venus en France pour un séjour d'une, deux ou trois nuits, représentant 43% du total.
Une partie de ces courts séjours correspond à des touristes hors UE faisant une "tournée européenne". Mais l'essentiel provient de touristes européens qui se contentent de traverser la France pour rejoindre une autre destination. La part des séjours de un à trois jours est en effet de 44% parmi les visiteurs européens, et même de 50% parmi les touristes espagnols, italiens et suisses.
Une bonne nouvelle toutefois : en 2017, 50 millions de touristes étrangers sont venus en France pour un séjour de plus de trois nuits, soit 57% des séjours. Le nombre de longs séjours (14 jours et plus) a ainsi progressé de 13% par rapport à 2016, porté par les clientèles en provenance d'Europe, d'Amérique, d'Asie et d'Océanie.

L'hébergement collectif marchand à la peine

Malgré cette progression de la part des longs séjours (de 53% à 57% du total), la durée moyenne de séjour des touristes étrangers s'est légèrement réduite l'an dernier (-1,1%), sous l'effet d'une baisse sensible des séjours les plus longs. Conséquence : les nuitées des touristes étrangers progressent moins vite (+3,9%) que les arrivées (+5,1%). Elles représentent néanmoins un total de 583 millions de nuitées en 2017.
Cette hausse des nuitées bénéficie à l'hébergement marchand en général (+8% après -3,7% en 2007), celui-ci représentant près de 70% des nuitées passées par les étrangers en France. Mais, malgré ce rebond en 2017, les nuitées des touristes en hébergement collectif marchand (hôtels, campings, résidences de tourisme...) stagnent depuis plusieurs année. Le niveau de 2017 (132,7 millions de nuitées étrangères en hébergement collectif marchand) reste ainsi légèrement inférieur à celui de 2013 (133,1 millions).
Or ce mode d'hébergement est le plus bénéfique en termes de recettes touristiques et d'emplois induits. Le développement très rapide de l'hébergement chez les particuliers (via les plateformes comme Airbnb) - qui n'est pas créateur d'emplois - n'est évidemment pas étranger à cette stagnation.

Une difficulté à "faire dépenser les touristes étrangers"

Il reste encore une autre faiblesse structurelle du tourisme international en France que l'étude de la DGE, centrée sur les flux physiques, n'évoque pas. Il s'agit en l'occurrence de la difficulté à traduire ces arrivées internationales en recettes touristiques, autrement dit à "faire dépenser les touristes étrangers". Une difficulté liée pour partie à l'importance du tourisme de transit. Si les chiffres 2017 ne sont pas encore connus, ceux de 2016 sont très éclairants.
Si les Etats-Unis sont complètement intouchables sur ce point, avec des recettes touristiques internationales de 186 milliards de dollars, l'Espagne, qui compte moins d'arrivées que notre pays, atteint 55 milliards de dollars, alors que la France n'en réalise "que" 38 milliards.
Ou plutôt "n'en réalisait", car une révision des calculs effectués par la Banque de France, révélée au début de cette année, a permis de porter ce total de 2016 à 49 milliards de dollars, soit un écart assez stupéfiant de 11 milliards et de +29% (voir notre article ci-dessous du 1er février 2018). Cette révision "miraculeuse" a permis à la France de repasser devant la Thaïlande (45 milliards de dollars) et la Chine (42 milliards), mais ces deux pays progressent rapidement et pourraient rattraper à nouveau la France, tandis que l'Espagne semble désormais très difficile à rejoindre.

 

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