Gil Avérous met en cause la "nouvelle gouvernance" du sport
À l'occasion des discussions sur le projet de loi de finances, le ministre des Sports a annoncé sa volonté de revoir le modèle actuel des subventions en faveur des équipements sportifs. Les conférences régionales des financeurs, décriées par les élus locaux, pourraient disparaître.
La nouvelle gouvernance du sport aurait-elle du plomb dans l'aile ? Oui, à en croire Gil Avérous. Lors de deux auditions successives dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, le 29 octobre devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, puis le lendemain devant la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport du Sénat, le nouveau ministre des Sports a remis en cause l'organisation issue de la mise en place de l'Agence nationale du sport (ANS), créée en 2019 pour porter une gouvernance partagée du sport.
Le sujet a été amené par l'analyse du budget des sports issu du PLF. Le texte prévoit de reporter sur 2025 les 96 millions d'euros non utilisés en 2024 au titre du plan "5.000 Équipements-Génération 2024", porté par l'ANS pour subventionner des équipements sportifs cofinancés avec les collectivités (lire notre article du 21 octobre). Pour le ministre des Sports, ce report est rendu nécessaire "car le calendrier des appels à projets de ces investissements pluriannuels induit des décaissements sur plusieurs exercices".
Mais si Gil Avérous s'est montré rassurant – estimant que la trésorerie de l'ANS "est suffisante pour faire face au paiement des demandes d'acompte et au versement des soldes de subventions" et que "les niveaux d'engagement sont préservés" avec 100 millions d'euros en 2025 –, il a toutefois annoncé sa volonté de "lancer une réforme du modèle de subventions en faveur des équipements sportifs".
Donner la main aux préfets et sous-préfets
Cette réforme, qui se ferait en concertation avec les associations d'élus, viserait à "simplifier les procédures pour les porteurs de projets en instituant une plus grande cohérence avec les projets territoriaux et fédéraux et une meilleure articulation avec les autres crédits d'État", dont le fonds vert, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil).
Dans cette optique, le ministre des Sports se demande "s'il ne serait pas judicieux de déconcentrer à l'échelle départementale les crédits destinés aux collectivités et aux clubs". Autrement dit, il souhaiterait laisser préfets et sous-préfets "choisir des montages financiers opération par opération" afin d'obtenir "une plus grande complémentarité de la DETR et de la Dsil". Ce qui conduirait à décharger l'ANS du volet "financement" de ses missions, lequel serait, aux dires de Gil Avérous, "notablement décrié par les associations et les collectivités locales".
À l'Assemblée nationale, Joël Bruneau est allé dans le sens du ministre. Le rapporteur pour avis du budget des Sports a rappelé qu'après la création de l'ANS, des conférences régionales avaient été installées, lesquelles avaient à leur tour donné naissance à des conférences des financeurs chargées de gérer les crédits territoriaux de l'ANS. Et le député du Calvados, après avoir estimé que "les difficultés de pilotage de ces organes territoriaux sont manifestes", de s'interroger "sur l'efficacité de l'organisation actuelle, complexe".
Que l'ANS "s'efface un peu"
Comme Gil Avérous, Joël Bruneau partage l'idée que "la déconcentration des crédits alloués au développement du sport au niveau des préfets de département serait plus compréhensible et plus simple pour les collectivités et pour le monde sportif". Au Sénat, il a été plus précis encore : "Peut-être que la conférence des financeurs n'est pas utile, qu'il faut réintégrer au sein du ministère des sports toute cette partie financement."
Actuel maire de Châteauroux, le ministre a plaidé pour plus de clarté : "Il faut cependant que l’argent investi dans les clubs apparaisse clairement comme un soutien de l'État, et que les intermédiaires tels que l'ANS s’effacent un peu." Une telle réorientation irait dans le sens évoqué récemment par le Premier ministre, Michel Barnier, d'un rapprochement entre l'ANS et le ministère des Sports... L'ANS se recentrant alors sur le volet performance, développement du sport et accompagnement des clubs.
Il n'en reste pas moins que l'ANS était censée incarner une "nouvelle gouvernance" du sport dans laquelle l'État, les collectivités territoriales et le mouvement sportif bénéficieraient d'un poids égal, tout en étant appelé à mettre des moyens en commun. Cinq ans après, le préfet de région, en sa qualité de délégué territorial de l'ANS, concentre largement les pouvoirs entre ses mains. De leur côté, les élus locaux ont largement dénoncé une '"usine à gaz" (lire notre article du 25 novembre 2022) mais n'ont guère joué le jeu à l'heure d'apporter des ressources financières au pot commun. La mission d'inspection dont est actuellement l'objet l'ANS devrait apporter des pistes de réflexion pour une remise à plat devenue de plus en plus inévitable...