Services locaux - Gestion de l'état civil : les maires ne veulent plus en supporter le coût
L'organisation des élections, la délivrance des documents d'état civil, ainsi que des cartes d'identité et des passeports pèsent de plus en plus lourd dans le budget des collectivités locales. Selon une étude que l'Association des maires de grandes villes de France vient de publier, les charges de fonctionnement liées à la gestion de l'état civil ont augmenté de 4% entre 2004 et 2006 pour un panel de vingt grandes villes françaises. Quant au coût moyen de la gestion d'une demande de passeport ou de carte d'identité, il est passé en deux ans de 12,50 euros en moyenne à plus de 14 euros. Seul le coût moyen de la gestion des élections a baissé, celui-ci étant passé de 4,25 euros en moyenne par électeur et par élection à moins de 3 euros.
L'augmentation du coût de ces compétences n'est pas sans poser question, car les communes exercent celles-ci au nom et pour le compte de l'Etat sans toucher aucune compensation financière. L'Etat qui ne veut pas payer, "avance que le maire est le responsable de l'état civil", explique Mohamed Tabit, chargé de mission à l'Association des maires de grandes de villes de France et auteur de l'étude. Il rappelle aussi que la dotation générale de fonctionnement (DGF) n'a pas vocation à couvrir les dépenses que les maires engagent en qualité d'agent de l'Etat, étant donné que cette dotation vise historiquement à compenser uniquement "la suppression de certains impôts".
Pour que les communes puissent continuer à faire face à leurs charges, l'association milite en faveur de la création d'une dotation spécifique sur le modèle de la dotation "ville centre" destinée à répondre aux problème des charges de centralité supportées par les villes situées au centre d'une agglomération. Elle prépare un amendement en vue de l'examen en fin d'année du projet de loi de finances rectificative pour 2007 et du projet de loi de finances pour 2008.
Indemnisation par la voie de la justice
En attendant une solution de nature législative qui tarde à venir, plusieurs communes ont tenté de se faire rembourser leurs dépenses en empruntant la voie de la justice.
La ville de Versailles a été la première à obtenir gain de cause, en janvier 2005. Dans l'affaire qui la concernait, le Conseil d'Etat a annulé le décret du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports au motif qu'aucune dépense à la charge de l'Etat ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu de la loi. C'est en utilisant le même argument que le Conseil d'Etat a confirmé le 6 avril dernier sa jurisprudence et qu'il l'a étendu à la gestion des cartes d'identité.
Les communes sont donc aujourd'hui en droit de demander l'indemnisation des dépenses qu'elles ont supportées sans contrepartie pour la délivrance des passeports et des cartes d'identité depuis que le pouvoir réglementaire leur a confié ces tâches en 1999 et 2001. La Haute Juridiction a précisé que la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée "à la condition que les communes établissent que l'application des dispositions (de 1999 et 2001) est directement à l'origine d'un préjudice, matérialisé par le supplément net des coûts qu'elles ont supportés".
Plusieurs villes, comme Villeurbanne, Poitiers, Besançon et Dijon, se sont engouffrées dans la brèche ouverte par la municipalité de Versailles. Le préjudice qu'elles ont connu est important. A Dijon et à Villeurbanne, il avoisine le million d'euros. La ville de Dijon devrait être intégralement dédommagée, après que le tribunal administratif lui a donné gain de cause début juillet. L'Etat a toutefois jusqu'au 24 juillet pour faire appel. A Villeurbanne, les élus sont engagés dans une procédure en cassation auprès du Conseil d'Etat.
Dans ces deux villes, les services municipaux poursuivront malgré tout l'instruction des demandes de cartes d'identité et de passeports. Les responsables invoquent "l'intérêt des usagers". Mais ils estiment urgent que le législateur se saisisse du dossier, sous peine que les recours en cascade n'enveniment vraiment les relations entre les maires et l'Etat.
Thomas Beurey / Projets publics