Fusion AFB/ONCFS : les contours du nouvel Office français de la biodiversité se dessinent
La commission du développement durable de l’Assemblée nationale a adopté, dans la soirée du 5 décembre, le projet de loi portant création d’un nouvel établissement public réunissant l'Agence française de la biodiversité (AFB) et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement, dont elle avait débuté l’examen la veille. Le projet de loi organique qui lui est associé - axé quant à lui sur les modalités de désignation du directeur général du futur établissement - a lui aussi été entériné dans la foulée.
En préambule aux travaux de la commission, la secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique, Emmanuelle Wargon, est revenue sur le "compromis historique" ayant permis l’aboutissement de ce projet de fusion, à travers un texte volontairement "synthétique", "peut-être trop aux yeux de certains", a-t-elle reconnu, en dévoilant l’identité du nouvel établissement baptisé "Office français de la biodiversité" (OFB), dont la vocation est d’être présent "à toutes les échelles territoriales". Un patronyme non pas sorti du chapeau mais d’une consultation menée auprès des agents des deux opérateurs actuels.
Champ des missions : la commission met les points sur les i
La définition des missions du nouvel établissement au sein de l’article 1er du projet de loi est beaucoup moins précise et exhaustive que ce que la loi Biodiversité de 2016 avait prévu pour l’AFB. Sur ce point, le passage en commission a notablement enrichi le texte en réintroduisant - à la faveur de nombreux amendements portés par la rapporteure Barbara Pompili - des notions ayant précédemment bénéficié d’un portage politique important, mais pourtant passées sous silence. À l’exemple de la lutte contre la biopiraterie, du dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages (APA), de la compensation écologique ou encore de la stratégie nationale pour la biodiversité, autre grande absente du texte.
Très sommairement, le projet de loi réaffirme que le futur établissement - qui devrait voir le jour en 2020 - embrassera intégralement les missions des opérateurs existants. La commission s’est donc attelée à en reprendre point par point les champs de compétence, en mentionnant tous les milieux (terrestres, aquatiques, marins), la préservation et la restauration de la biodiversité, ainsi que la gestion équilibrée et durable de l'eau. Le soutien aux collectivités territoriales a lui aussi fait l’objet d’une attention toute particulière de la commission, qui a également souhaité donner de la visibilité aux collectivités ultramarines.
Autre sujet d’interrogation : l’absence totale de mention des agences de régionales de la biodiversité, élément fort de l’organisation territoriale de l’établissement. Suivant le même raisonnement, la rapporteure a jugé indispensable leur réintroduction dans le projet de loi "compte tenu de la très belle dynamique engagée en seulement deux années", notamment en Île-de-France, où les choses fonctionnent plutôt bien. Le gouvernement s’est toutefois opposé par un sous-amendement à figer dans le texte la forme juridique des futurs "agences/offices régionaux de la biodiversité", de manière à "laisser le choix aux collectivités territoriales".
Gouvernance : un équilibre à trouver
L’exposé des motifs du projet de loi évoque une gouvernance " resserrée et équilibrée " autour d’un conseil d’administration d’une vingtaine de membres. Tout en confirmant cette orientation, le gouvernement a souhaité inscrire le principe d’une représentation des outremers en son sein. À travers les amendements défendus par la rapporteure se profile également la composition des différents collèges de façon à trouver une juste représentation des parties prenantes des deux opérateurs actuels. Mais la gouvernance ne se réduira pas au conseil d’administration. Il est notamment proposé de prévoir le maintien d’un conseil scientifique auprès du nouvel Office, tel qu’il existe actuellement à la fois au sein de l’AFB et au sein de l’ONCFS. Dans la même logique, un autre amendement permet d’inscrire dans la loi un comité d’orientation, comme c’est le cas pour l’AFB.
Un financement renvoyé aux calendes grecques
La problématique des moyens du futur opérateur n’est pas tranchée à ce stade. Pour la secrétaire d’État, cette question clef devra être réglée de façon pérenne "d’ici l’examen du projet de loi de finances pour 2020". Argument dont a tiré parti Martial Saddier (LR) pour soutenir un amendement demandant dans l’intervalle un rapport gouvernemental sur ce sujet : "tant la promesse de la baisse du prix du permis de chasse que celle d’abonder la protection de la biodiversité ne sont, pour l’heure, financées. Il y aurait ainsi un manque de financement de 31 millions d’euros", s’est inquiété le député de Haute-Savoie. Dans les six mois de promulgation de la loi, un rapport sur le financement de la politique de l’eau et de la biodiversité pour la période 2019 - 2022 sera donc remis au Parlement. Sachant que pour 2019, le budget des deux établissements sera maintenu grâce à un prélèvement exceptionnel sur le fonds de roulement de l’ONCFS.
Moyens accrus pour la police de l’environnement
L’article 2 dont l’objet est de renforcer les pouvoirs des inspecteurs de l’environnement dans le cadre de leurs missions de police judiciaire concerne les agents du futur établissement "mais aussi, plus largement, l’ensemble des inspecteurs de l’environnement", a insisté la rapporteure. Le texte prévoit ainsi une extension de certaines prérogatives actuellement réservées aux officiers de police judiciaire (OPJ) : pouvoir de réquisition et mise en œuvre des mesures alternatives aux poursuites. Sur ce point, la commission a aussi apporté quelques adaptations, en permettant notamment aux inspecteurs de l’environnement de se transporter, lorsque les nécessités de l’enquête l’exigent, "sur toute l’étendue du territoire national ", à l’effet d’y poursuivre leurs investigations et de procéder à des auditions, perquisitions et saisies. Les inspecteurs pourront par ailleurs accéder au fichier national d’immatriculation (FNI), ou encore vérifier, à l’occasion d’un contrôle, la conformité d’une arme et de son porteur avec la réglementation en vigueur.
La commission a en outre adopté un amendement de la rapporteure à l’article 8 permettant aux parcs nationaux d’exercer les droits reconnus à la partie civile lors de procès relatifs à l’environnement, comme c’est le cas pour l’Ademe, l’ONF, le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, le futur Office français de la biodiversité, les agences de l’eau, le Centre des monuments nationaux et l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.
Transfert des associations locales de chasse vers les fédérations
Le projet de loi (art. 3) prévoit par ailleurs plusieurs mesures relatives à la chasse en lien avec la création du nouvel organisme. Il instaure en particulier une obligation, pour la Fédération nationale et les fédérations départementales des chasseurs, de mener des actions concourant à la protection de la biodiversité. Le texte prévoit ainsi qu’elles y consacrent un montant minimum de cinq euros par chasseur ayant validé un permis de chasser. Par parallélisme, la commission a adopté un amendement soutenu par des élus corses (Libertés et territoires) de façon à permettre aux fédérations de participer financièrement à des actions de protection de la biodiversité menées, par des établissements publics ou des collectivités. Un amendement du gouvernement acte en outre le transfert de la gestion des associations locales de chasse agréées vers les fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs.
Le texte devrait être examiné en séance à partir du 18 décembre prochain.