Le scénario d'une fusion Agence française de la biodiversité-Office national de la chasse se précise
Un nouvel établissement public né du rapprochement entre l'Agence française de la biodiversité (AFB) et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) devrait voir le jour d’ici 2020. Objectif : fusionner les expertises complémentaires des deux établissements au service de la reconquête de la biodiversité et renforcer l’exercice de la police de l’environnement en la répartissant mieux sur le terrain.
Le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, a présenté, lors du dernier conseil des ministres, ce 14 novembre, un projet de loi portant création d’un nouvel établissement public réunissant l'Agence française de la biodiversité (AFB) et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), dont le dépôt vient d’être enregistré par le bureau de l’Assemblée. L’idée était déjà en germe dans la loi Biodiversité de 2016 mais l’ONCFS s’était montré particulièrement rétif. Le rapport de l’IGF et du CGEDD sur l’avenir des opérateurs de l’eau et de la biodiversité a fait resurgir le scénario d’une fusion en avril dernier. Au lendemain du tsunami médiatique provoqué par la démission de Nicolas Hulot, la validation de l’hypothèse d’un nouvel établissement par Sébastien Lecornu (alors secrétaire d'État), par voie de presse, le 28 août, était presque passée inaperçue. Dénommé à titre provisoire et "neutre" AFB-ONCFS, ce nouvel établissement devrait voir le jour au 1er janvier 2020. Le choix a été fait d’en confier la préfiguration au directeur général délégué du Muséum national d’histoire naturelle, Pierre Dubreuil, pour ne pas perturber dans l’intervalle le fonctionnement des deux établissements.
Décloisonnement des compétences
L’objectif est clair : faire du nouvel établissement le bras armé du gouvernement dans la mise en œuvre du plan Biodiversité présenté en juillet, notamment en renforçant les pouvoirs des inspecteurs de l’environnement (art. 2). Des ajustements procéduraux sont d'ailleurs attendus sur ce point par la voie d’une ordonnance (art. 9). L’AFB-ONCFS devrait donc logiquement se construire autour de cinq missions piliers - dont la police administrative et judiciaire de l’environnement- à partir d’une reprise a priori intégrale des périmètres de compétence des établissements fusionnés. C’est le cas notamment s’agissant de la police de la chasse, à l’exception de la mission de délivrance des autorisations de chasser accompagné, transférée aux fédérations de chasseurs avec lesquelles une synergie est recherchée. A titre de contrepartie financière, ces dernières consacreront également une contribution d’un montant de cinq euros par permis validé à des actions de protection de la biodiversité.
France Nature Environnement (FNE), qui plaide de longue date pour la création d’une agence unique de la biodiversité, accueille favorablement le regroupement des deux établissements qui "pourrait signer la fin d’une partie des privilèges des chasseurs et des dérives des pratiques cynégétiques". D’autant que le projet de loi confie au nouvel établissement la gestion du fichier national des permis délivrés et impose aux fédérations de chasseurs de transmettre des données de prélèvements de certaines espèces (art. 3). Nettement plus critique, la LPO - Ligue pour la protection des oiseaux - estime que le gouvernement "a fait trop de concessions aux chasseurs pour parvenir à ces fins" faisant écho aux récents arbitrages rendus par le Chef de l'Etat sur la réforme de la chasse. De son côté la Fédération nationale des chasseurs (FNC) se déclare satisfaite des garanties apportées sur le renforcement "de la police de la ruralité redéployée sur l'ensemble du territoire national".
Gouvernance et financement : des inquiétudes sur les garanties
Reste que sans un budget à la hauteur, le nouvel établissement ne sera pas en mesure de remplir ses missions. "Comment sera compensée la baisse du prix du permis de chasser, qui ampute dès 2019 le budget de l’ONCFS de vingt millions d’euros de recettes ?", s’inquiète en particulier FNE. Si le projet de loi reprend la liste exhaustive des sources de financement des opérateurs intégrés (soit, sur la base des chiffres constatés en 2018, un total de 343 millions d'euros environ), ce sont les lois de finances ultérieures qui détermineront les modalités précises et les montants afférents.
Autre point de crispation, la composition du conseil d’administration dont la structuration exacte en cinq collèges sera fixée ultérieurement par décret. On s’achemine vers une instance plus resserrée (une vingtaine de membres) que celle de l’AFB (qui en comptabilise 46), compliquant d’autant la tâche de satisfaire l’exigence d’une représentation équilibrée des parties prenantes (à ce sujet lire notre article sur la modification de la composition du conseil d'administration de l'ONCFS). Le décret d’application devrait maintenir, comme pour l’actuel AFB, un conseil scientifique et des conseils d’orientation par milieux.
Quant aux modalités de désignation du directeur général du nouvel établissement - nommé par décret du président de la République après avis des commissions compétentes des deux chambres parlementaires -, elles sont traitées séparément par un projet de loi organique déposé conjointement.
Maillage territorial
Parmi les autres points de vigilance, la cohérence et l’équilibre du maillage territorial seront très certainement au cœur des préoccupations du préfigurateur. Le projet de loi table sur un rapprochement des équipes des deux établissements pour redonner aux services, notamment dans les territoires ruraux, "une taille suffisante pour renforcer la présence de terrain, dans l’espace et dans le temps, et apporter un appui technique efficace aux services de l’État". "Il s’agit de replacer les enjeux des politiques environnementales à un niveau territorial en vue de traiter les sources diffuses de pression sur les écosystèmes et de recentrer les actions sur des approches préventives plutôt que curatives", insiste l’exposé des motifs. Selon l’étude d’impact, on estime que le nouvel établissement disposerait, à sa création, en moyenne de 16,4 agents dans chaque département. Seuls 26 services départementaux (soit 28% du total) disposeraient d’un effectif inférieur à 15 agents, et seulement 5 départements auraient un effectif inférieur à 10 agents. L’opérateur aura par ailleurs vocation à poursuivre les partenariats développés sur la base du volontariat avec les régions, au travers des agences régionales de biodiversité (ARB), et les collectivités d’outre-mer. Ce concept d’ARB n’est toutefois pas explicitement repris par le projet de loi, de même que le principe de conventionnement avec les collectivités qui est lui aussi simplement mentionné dans l’exposé des motifs.