Frédéric Rose lève le voile sur la stratégie de prévention de la délinquance et de la radicalisation
Auditionné par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, le secrétaire général du comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) a levé le voile sur la future stratégie nationale de prévention de la délinquance, attendue depuis avril 2017. Ce document "très opérationnel" devrait être publié ces prochains jours.
Tout vient à point à qui sait attendre. Auditionné par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat ce jeudi 30 janvier, le nouveau secrétaire général du comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), Frédéric Rose, a révélé que la signature de la tant attendue – depuis avril 2017 – stratégie nationale de prévention de la délinquance était "imminente", l’ensemble de ses dispositions ayant été validées par le gouvernement. Le secrétaire général a notamment expliqué cette "cassure dans le continuum" par la nécessité d’évaluer l’ancien dispositif, de définir les nouvelles orientations, après une large concertation, notamment des élus, mais aussi d’intégrer les "bonnes pratiques" issues des différentes expérimentations lancées par le Premier ministre et conduites localement – à Lille, Dijon, Toulouse et Strasbourg – pendant l’été.
Quatre priorités
Souhaitant la distinguer de les précédentes, qualifiées de "très indigestes", Frédéric Rose a dévoilé que la nouvelle stratégie (qui s'appuie sur une concertation des élus menée au printemps 2019), était volontairement "très opérationnelle" et qu'elle s’articulait autour de quatre axes prioritaires :
- les jeunes, "avec l’idée de commencer la prévention au plus tôt", compte tenu notamment du rajeunissement de l’âge d’entrée dans la délinquance "dans certains territoires au moins" ;
- les personnes dites vulnérables – entendre "les victimes, certains jeunes, les personnes plus âgées". Dans ce cadre, devraient notamment être recrutés de nouveaux intervenants sociaux dans les commissariats de police et de gendarmerie – au nombre de 291 à ce jour. L’objectif est d’en embaucher 80 supplémentaires en 2020 et autant en 2021. Le coût de ces intervenants étant réparti entre l’État et les collectivités territoriales, le CIPDR devrait prendre à sa charge, en fonction des territoires, entre 50 à 80% du financement de ces nouveaux postes, ayant déjà réservé une enveloppe supplémentaire de 4 millions d’euros environ à cette fin ;
- le renforcement des liens entre les forces de sécurité et la population, qui "fait écho à la fois à la police de sécurité du quotidien et aux travaux actuellement conduits dans le cadre du livre blanc sur la sécurité intérieure". En ce domaine, Frédéric Rose a insisté là encore sur la nécessité d’une approche "très opérationnelle" – mettant notamment en avant les groupes de partenariat opérationnels – et ce "jusqu’en bas de l’immeuble". Il a de même invité à ne pas ignorer le sentiment d’insécurité exprimé par les citoyens, "qui peut ne pas être justifié mais qui existe et qu’il faut prendre en compte", conviant l’Administration à adopter en la matière "une démarche clients" (pour une expression de ce sentiment, voir notre article) ;
- la gouvernance locale, en visant à mieux distinguer les compétences des différents intervenants. Aux préfets un rôle de pilotage, aux maires celui d’autorité de proximité, et aux métropoles et agglomérations celui d’instance de coordination et d’ingénierie. Le secrétaire général a en outre appelé à la clarification et la restructuration des différentes enceintes locales sous lesquelles "on croule", les égrenant à dessein avec leurs acronymes : "les CLSPD, les EMS, et ceux qui ont la chance d’avoir des EDSP, ont la CCOP, la CCOFS et de temps en temps sont invités à la Cepraf". S’il a souligné que les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) globalement "fonctionnent bien" et sont toujours en essor, avec en 2019 "une augmentation de 20% et une hausse des coordonnateurs", au nombre de 756 à l’heure actuelle, il relève que leur succès repose beaucoup sur l’engagement des élus et des référents et à la condition qu’ils soient réguliers et "très opérationnels". En revanche il juge que "le conseil départemental de prévention de la délinquance et de la radicalisation – la grand-messe organisée annuellement par les préfets – a un peu du plomb dans l’aile", constatant que seuls 39 départements l’ont réunie en 2019.
Ces quatre priorités feront chacun l’objet de fiches pratiques "très opérationnelles". Au cours de son audition, Frédéric Rose a d’ailleurs, à plusieurs reprises, fait part de sa volonté de faire du CIPDR "un outil" au service des administrations et collectivités, et non "une boîte à lettres qui envoie des circulaires". Une cellule d’appui aux territoires est en cours de création au sein du CIPDR, qui sera au service des préfets mais aussi des collectivités et associations, a-t-il dit, citant par exemple les contacts pris en ce sens avec l’Association des maires de France ou France urbaine. Il entend notamment relancer les actions de formation des élus, avec des modules déconcentrés ou en ligne, "pour une réelle appropriation de la stratégie". De même s’est-il montré soucieux de l’information aux élus locaux, à qui, a-t-il estimé, l’on ne peut pas demander d’être "des acteurs de la prévention" et leur dire en même temps "ça ne vous regarde pas". Un discours qui n’a pas manqué de séduire les membres de la délégation, certains regrettant toutefois que la stratégie de prévention n’ait pas été soumise au Parlement.