Archives

Frédéric Chéreau : "Un centre-ville peuplé permet de résoudre les problèmes des commerces"

Pour le maire (PS) de Douai dans le Nord, qui a perdu plus de 10.000 habitants en 50 ans, la revitalisation du centre-ville passe d’abord par son repeuplement. Pour ce faire, il compte attirer les cadres et réhabiliter les quelque 2.000 logements vacants et dégradés. Action Cœur de ville offre non seulement de la notoriété, mais aussi de l’ingénierie et des financements. 

Localtis : Pourquoi avoir fait de la question de l’habitat une priorité dans le programme Action Cœur de ville ?

Frédéric Chéreau : Depuis 1968, Douai a perdu un cinquième de sa population. La ville ne compte plus que 39.000 habitants contre 50.000. Les raisons tiennent à la fois à la baisse générale de population dans le bassin minier et au départ des familles des centralités urbaines au profit de leur périphérie à la recherche d’habitat individuel plus récent avec jardins et garages. Dès lors, de plus en plus de logements restent inoccupés. La vacance dans certains endroits du centre-ville de Douai atteint 20%, ce qui me préoccupe autant voire plus que la fermeture des commerces qui n’est à mon sens que la face visible de l’iceberg. Je suis convaincu qu’un centre-ville peuplé et de manière mixte, y compris avec des ménages à pouvoir d’achat, permet de résoudre une grande partie des problèmes des commerces.

 

Quelle est votre stratégie pour repeupler le centre de Douai ?

Elle repose sur deux axes. Le premier consiste à changer l’image de la ville afin d’attirer des cadres de la métropole lilloise, pour qu’ils achètent à Douai où l’immobilier est 4 fois moins cher qu’à Lille. Le deuxième axe concerne la rénovation du bâti existant constitué pour la plupart de petits collectifs anciens, afin de pouvoir accueillir des jeunes en début de parcours résidentiel. Nous estimons la proportion de logements dégradés vacants à environ 10% du parc du centre-ville, soit près de 2.000 logements. L’objectif est d’en remettre sur le marché une centaine par an. Tout l’enjeu va notamment consister à faire adhérer les propriétaires privés à ce projet.

 

Comment comptez-vous procéder ?

Nous allons proposer aux propriétaires des aides dont des exonérations fiscales afin qu’ils s’engagent dans une démarche de rénovation. On peut aussi leur proposer de conventionner leur logement qui deviendra juridiquement un logement social. Douai étant confronté à un problème de marchands de sommeil, nous comptons sur le dispositif du "permis de louer" que l’agglomération du Douaisis compte mettre en œuvre, pour distinguer les propriétaires honnêtes susceptibles d’être aidés. Quant aux promoteurs, ils commencent déjà à nous solliciter grâce notamment à Action Cœur de ville.

 

Que vous apporte Action Cœur de ville dans cette stratégie de reconquête ?

Etre conventionné Action Cœur de ville est comme un message passé aux partenaires que nous avons un projet de fond et une stratégie d’ensemble validée par l’Etat et soutenue par la région et l’agglomération. Cela donne confiance et conforte l’image de la ville. Par exemple, Action Coeur de ville a permis de donner une visibilité nationale à l’acquisition et la transformation d’un très beau bâtiment en cœur de ville pour réinstaller une librairie, Le Furet du Nord. De plus, nous avons accès à des outils importants comme ceux de la Banque des Territoires, d’Action logement, de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

 

D’autres projets sont-ils déjà engagés ou prévus ?

Certainement, à commencer par la réhabilitation d’une ancienne caserne que nous avons réussi à inscrire au titre des "Monuments historiques", ce qui ouvre droit à défiscalisation. Le programme mené avec Histoire et Patrimoine porte sur la création de 120 logements dont une centaine a été commercialisée en quelques mois et d’une résidence services pour seniors. Nous prévoyons aussi de relocaliser la médiathèque vieillissante dans le centre-ville. Nous sommes en négociation avec un propriétaire qui possède plusieurs beaux immeubles avec des cellules commerciales en rez-de-chaussée. L’acquisition de ces 6 bâtiments pourrait être l’occasion d’apprendre à travailler avec les partenaires de la foncière que nous allons créer, sur un programme mixte : logements, commerces gérés par la foncière et reconfiguration du cœur d’ilot.

 

En quoi consiste cette foncière ?

Cet outil qui pourrait voir le jour au cours du premier semestre de 2021 aurait vocation à assurer la gestion des commerces et peut-être la maitrise d’ouvrage déléguée d’opérations de rénovation. La Banque des Territoires en serait l’actionnaire majoritaire aux côtés du bailleur Maisons et Cités, et peut-être la SEM départementale, ainsi que plusieurs collectivités territoriales. Par ailleurs, le service urbanisme de la ville va être renforcé pour mettre en vente sur appel à projets un certain nombre de bâtiments vides que possède la ville.

Les villes moyennes face à la crise : l'atout Action coeur de ville

En prévision, notamment, des "Rencontres coeur de ville" organisées en visioconférence le 15 décembre par la Banque des Territoires, Localtis a interrogé plusieurs maires concernés par le programme Action coeur de ville et membres de Villes de France. Dont Caroline Cayeux, présidente de l'association. Ainsi que le directeur du département "Opinion" de l'Ifop, pour revenir sur le baromètre 2020 de Villes de France. Une façon de décliner les divers enjeux de ce programme, en fonction des spécificités et priorités propres à chaque ville. Et de donner à voir la façon dont la crise a frappé les villes moyennes... mais a aussi mis en lumière leurs atouts, à l'heure où il se dit que nombre d'habitants des plus grandes métropoles aspirent aujourd'hui à un autre lieu de vie.

 

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis