Forte progression de la commande publique en 2019
Tirée par les collectivités territoriales, la commande publique - qui s'est établie à 87,5 milliards d'euros - a connu, en 2019, le plus important rebond de ces dernières années. Mais les marchés de travaux peinent à redécoller, comme le révèlent les derniers résultats du baromètre de l'Assemblée des communautés de France et de la Banque des Territoires.
Amorcée en 2017, la reprise de la commande publique s'est poursuivie à bon train en 2019. Le volume des commandes passées par le secteur public (État, collectivités, hôpitaux, bailleurs sociaux, etc.) a atteint 87,5 milliards d'euros l'an dernier. Soit 9,3 milliards de plus qu'en 2018 (+11%). C'est ce qu'indique la dernière édition du baromètre de la commande publique, que l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et la Banque des Territoires ont présentée ce 6 mars.
Selon les résultats, qui ont été établis à partir de l’analyse des quelque 250.000 appels d’offres organisés l’an dernier, la hausse des achats publics entre 2018 et 2019 s'approche même de 15% en Bretagne et dépasse ce seuil en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Bourgogne-Franche-Comté.
Locomotives
Comme en 2018, les collectivités et leurs groupements ont été, l'an dernier, les locomotives : avec des marchés en hausse de 6,6 milliards d'euros, elles ont été à l'origine de plus des deux-tiers du rebond qu'a connu la commande publique en 2019. Ce qui leur a permis d'asseoir leur place de leader de ce domaine, devançant très largement l'État. Désormais, 60% du total de la commande publique relève des collectivités territoriales. Un secteur où les communes et leurs groupements continuent à jouer un rôle prépondérant : ces acteurs pilotent près de 70% de la commande du secteur public local. À l’inverse, la part des régions demeure réduite (4%). "Elles sont de grands financeurs des politiques publiques, mais par maîtres d’ouvrage interposés, notamment via les contrats de territoires", observe Nicolas Portier, délégué général de l’ADCF.
L'an dernier, plus du quart (26%) des dépenses engagées dans le cadre des marchés publics ont servi à créer ou entretenir des bâtiments publics (contre un peu plus de 15% en 2012). Cela résulte des efforts faits par les pouvoirs publics, notamment les collectivités, pour en particulier accroître l’efficacité énergétique et l’accessibilité du bâti, analyse Charles-Éric Lemaignen. Le premier vice-président de l’ADCF estime que ce chantier va se poursuivre sur le long terme.
Ce poste a creusé l'écart avec les trois autres priorités des pouvoirs publics, qui sont les transports et la voirie, le logement et l'environnement. Dans tous ces domaines, la commande publique a été en recul entre 2012 et 2019, parfois de manière très nette. Ainsi, en matière de logement, on est passé d'un volume de commandes de 13,8 milliards d'euros en 2012 à 9,6 milliards en 2019, et ce malgré la reprise entamée en 2017. D'un montant certes beaucoup plus modeste, la commande publique en matière de communication s'est contractée de manière encore plus forte sur la période (passant de 1,5 milliard d'euros à 0,8 milliard).
Les marchés de services ont le vent en poupe
Suivant les régions, les priorités ne semblent pas être les mêmes. Avec des biais possibles, le baromètre fournit en la matière de grandes tendances. L'Île-de-France se caractérise, par exemple, à la fois par d'importants volumes de commandes en matière de bâtiments publics et d'aménagement (413 euros par habitant en moyenne annuelle sur la période 2017-2019, soit l'un des montants les plus élevés) et la plus faible dépense consacrée à l'environnement (84 euros). Pour sa part, la Bretagne, une région qui se hisse au deuxième rang (derrière la Corse) en termes de commande publique (1.317 euros par habitant en moyenne annuelle sur 2017-2019) se singularise par des niveaux élevés dans tous les principaux domaines. Mais l'investissement des acteurs publics bretons dans le logement est très supérieur à celui des organismes publics des autres régions.
Autre phénomène qui a marqué ces dernières années : le succès des marchés de services. Ce sont eux qui, pour l'essentiel, ont permis à la commande publique d'accélérer à partir de 2017. L'an dernier, ils ont représenté 37% du total de la commande publique, devançant nettement les marchés de travaux (un peu moins de 32% du total). Les collectivités locales ont eu une responsabilité importante dans cette évolution, puisque leurs marchés de services ont atteint 17,4 milliards d'euros en 2019 (contre 14,8 milliards l'année précédente).
L'an dernier, les marchés de fournitures et d'ingénierie ont également tiré leur épingle du jeu. Ils ont représenté des montants respectifs de 12,8 milliards et 9,5 milliards d’euros. S’agissant de l’ingénierie, les besoins des collectivités sont accrus par la complexité des projets liés notamment à la transition écologique et énergétique, et par la nécessité de compenser le désengagement de l’État, observe Charles-Éric Lemaignen. En la matière, les intercommunalités à fiscalité propre ont d’ailleurs pris une place majeure : l’an dernier, leurs marchés d’ingénierie (1,6 milliard d’euros) ont dépassé en volume ceux qui ont été passés par les communes.
"Un levier essentiel de développement économique"
Un tel dynamisme contraste avec le surplace des marchés de travaux. Ces derniers peinent à redécoller après le plongeon intervenu en 2013-2014. À 27,8 milliards d'euros en 2019, ils sont demeurés très en deçà du niveau de 2012 (47,6 milliards d'euros). Les travaux neufs - qui se sont élevés à 10,6 milliards d'euros l'an dernier - ont été particulièrement affectés, puisqu'ils ont été réduits de moitié en six ans. Et cela pourrait durer. En effet, la tendance est moins au lancement de grands projets qu’aux travaux du quotidien, ainsi qu’à l’optimisation des équipements existants. Mais l’impression d’atonie des marchés de travaux est sans doute aussi à mettre à l’actif des évolutions des modes d’organisation du service public, comme le pressentent les experts de l’ADCF et de la Banque des Territoires. Par exemple, lorsqu’un service fait l’objet d’une concession, la réalisation des investissements relève de l’exploitant, et non pas du concédant. De même, il est relevé que nombre de logements sociaux sont créés désormais par des promoteurs dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (Vefa), donc hors du champ de la commande publique.
Grâce à l’accélération de l’année 2019, les prestataires du secteur public ont rempli leurs carnets de commande pour les 12 à 18 mois qui viennent. Par ailleurs, la progression des marchés d’ingénierie laisse présager la mise en chantier de projets, selon les équipes de l’ADCF et de la Banque des territoires. Ce sont autant de signaux positifs, comme le note Gisèle Rossat-Mignod, directrice du Réseau de la Banque des Territoires. "La commande publique est un levier essentiel de développement économique territorial : elle contribue à la vitalité de l’activité économique des territoires et s’inscrit dans l’objectif de lutter contre les fractures territoriales", souligne-t-elle. Reste que la commande publique devrait quand même ralentir avec le renouvellement électoral de ce mois de mars. L’essoufflement sera d’ailleurs sans doute raccourci si les maires sortants sont reconduits, observe Charles-Éric Lemaignen. Les résultats du scrutin seront donc à surveiller. Quoi qu’il en soit, la commande publique demeurera sans doute en deçà du niveau record de 2012 (96 milliards d'euros).