Fonds européens : les collectivités ne doivent pas négliger les prêts !

Au cours d’un webinaire de "L’Europe des communes", la représentation de la Commission européenne en France a attiré l’attention des collectivités sur les différents instruments financiers dont elles peuvent bénéficier. Une option jugée encore insuffisamment exploitée. 

"L’Europe, ce ne sont pas que des subventions !", rappelait naguère Philippe Laurent, président de l’Association française du conseil des communes et régions d’Europe (AFCCRE), en soulignant que c’est d’abord "un projet politique" (voir notre article du 24 novembre 2022). L’Europe, c’est aussi des prêts, souligne de son côté Pierre Loaëc, chef de la représentation de la Commission européenne à Marseille, lors d’un webinaire organisé par le service "L’Europe des communes" de la Commission, précisément consacré aux "instruments financiers au service des projets des communes".

Des instruments qui ne bénéficient encore que trop peu aux collectivités

Des instruments précieux "à l’heure où un mur d’investissements se dresse devant les communes et où les finances publiques sont particulièrement contraintes, y compris au niveau de l’Union européenne", pointe Sophie Barbier, directrice du département Europe au sein de la direction des relations institutionnelles, internationales et européennes de la Caisse des Dépôts. "Dans le cadre de la transition écologique, les collectivités doivent doubler leurs investissements", rappelle-t-elle (v. notre article du 17 octobre 2022).

Côté Union, "cela permet de réutiliser les fonds, offrant ainsi un plus grand levier avec une même somme initiale", vante Pierre Loaëc. À condition d’y avoir recours. Pierre Loaëc déplore que les autorités de gestion françaises ne se soient jusqu’ici "pas vraiment saisies de ces instruments au bénéfice des collectivités", leur usage restant selon lui "plutôt circonscrit au soutien aux PME et à l’innovation". Des instruments financiers qui peuvent prendre différentes formes : "principalement celle d’un prêt classique, d’une garantie permettant de négocier de meilleures conditions auprès d’un prêteur ou encore d’une prise de participation dans le capital", égrène-t-il, en insistant sur le fait que dans tous les cas, ils "ne s’adressent pas qu’aux grandes collectivités".

Différentes modalités

Concrètement, ces instruments sont déployés par différents intermédiaires – singulièrement la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Banque des Territoires, précise Pierre Loaëc. Et Sophie Barbier de détailler les quatre modalités dont dispose la Banque des Territoires pour relayer les financements de l’Union.

• D’abord, la diffusion de ressources européennes, notamment dans le cadre d’un partenariat avec la BEI dont on a récemment célébré le dixième anniversaire (voir notre article du 13 novembre 2023). Soit via des financements intermédiés (prêts au secteur public, au secteur du logement social, contrats de rénovation thermique de logements sociaux), soit via des co-financements (verdissement des flottes de bus, programme d’aménagement urbain…). L’experte souligne elle aussi que ces divers outils sont accessibles à tous, ou presque : "Deux tiers des projets reçoivent des prêts de moins de 1 million d’euros." 36% des prêts accordés l’ont d’ailleurs été à des communes et 28% à des EPCI (15% à des hôpitaux, 11% à des départements et 2% à des régions). Et de prendre l’exemple de l’aménagement d’un cabinet médical à Neulliac (Morbihan) ou de l’interconnexion de trois réseaux d’eau potable, dont celui de Carentan (Manche), tous deux financés dans ce cadre.

• Ensuite, l’amplification de programmes européens (ou "blending"). C’est notamment le cas avec le mécanisme Afif (pour "Alternative fuels infrastructure facility"), qui vise au déploiement de bornes de recharge électrique et de stations hydrogène. "L’avantage est un fort effet démultiplicateur, en permettant d’aller chercher d’autres financeurs, puisque les appels à projets de la Commission comportent des critères de maturité financière à satisfaire", explique Sophie Barbier. Parmi les récents bénéficiaires, figurent les projets d’électrification des opérations aéroportuaires au sol des aéroports de Roissy (porté par Aéroports de Paris) et de Nice Côte-d’Azur (porté par Aéroports de la Côte d’Azur) et le projet de déploiement de sept stations de ravitaillement en hydrogène renouvelable et d’une unité de production dans l’ouest de la France, le long du réseau routier RTE-T. Mais d’autres dispositifs similaires existent, notamment celui du mécanisme pour une transition juste (voir notre article du 26 avril 2021).

• Autre modalité, l’accompagnement des porteurs de projet. C’est notamment le cas avec le déploiement de "PVD+", dans le cadre du programme InvestEU. Un dispositif réservé aux collectivités "labellisées Petites villes de demain", qui vise à aider ces dernières à identifier et solliciter les sources de financements mobilisables et à "faciliter le passage à l’opérationnel". "L’ambition est d’accélérer la concrétisation des projets de Petites villes de demain, d’améliorer la performance environnementale de leurs projets et de contribuer au renforcement des capacités d’ingénierie locale", indique Sophie Barbier. Et d’ajouter que "l’objectif est de conduire 450 missions d’ingénierie technique et financière dans ce cadre d’ici 2026". 

• Enfin, le déploiement d’une offre grâce à la garantie communautaire, comme c’est le cas avec les prêts Renouvellement urbain et Relance tourisme que la BdT déploie dans le cadre du programme InvestEU (voir notre article du 24 mai 2023).

La preuve par l’exemple

Marc Rovigo, directeur général du syndicat mixte des transports en commun du Territoire de Belfort, souligne que c’est grâce à ces différentes modalités que peut être conduit le projet de décarbonation de la flotte de bus "Hydrogène Belfort" – via l’achat de 7, puis de 20 bus à hydrogène –, et "plus largement de développement d’une nouvelle filière – l’hydrogène – créatrice d’emplois dans un territoire centré sur l’automobile". "Un bus hydrogène, c’est 700.000 euros environ, contre 280.000 euros pour un bus diesel. Grâce au Programme d’investissement d’avenir (PIA), dont la Banque des Territoires est opérateur, au CEF blending, dont la Banque des Territoires cautionne la viabilité du projet, et à un prêt de la Banque des Territoires, ainsi qu’à des aides de l’Ademe et du plan de relance, on a pu réduire la différence à un peu plus de 100.000 euros et rendre ainsi le projet possible."