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Mer - Fonds européen pour la pêche (Feamp) : la situation commence enfin à se débloquer

Les 588 millions d'euros du Feamp attribués à la France (dont 180 gérés directement par les régions) sont bloqués en raison d'imbroglios administratifs. Mais les crédits vont enfin pouvoir être écoulés progressivement à partir du début de l'année 2017.

Les pêcheurs français vont-ils enfin pouvoir attraper les crédits européens dans leurs filets ? La situation semble en tout cas s'améliorer. Bientôt trois ans après le début de la programmation européenne, une partie des 588 millions d'euros du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp) prévus pour la France entre 2014 et 2020 va enfin pouvoir être reversée. Des "avancées importantes ont été obtenues ces derniers mois", assurent le secrétariat d'Etat aux Transports, à la Mer et à la Pêche et l'association Régions de France, à l'issue d'un comité Etat/régions qui s'est tenu le 24 octobre. Car pour le Feamp, comme pour son cousin du développement rural le Feader, les responsabilités sont désormais partagées entre l'Etat et les régions. Ce fonctionnement "bicaméral" n'est apparemment pas une mince affaire. L'Etat est censé s'occuper des enjeux de dimension nationale ou régalienne (la conservation des ressources, la protection de la biodiversité, l'innovation, l'activité des patrouilleurs, la collecte des données de pêche, les organismes de recherche…). Les régions doivent pour leur part travailler aux plus près du terrain, financer l'investissement à bord des navires de pêche, l'aide à l'installation de jeunes pêcheurs… Ce que l'on appelle les mesures sectorielles ou totales. "Entre les ports de pêche et Marseille et de Lorient, on voit bien que les enjeux ne sont pas du tout les mêmes", explique Yvan Guiton, directeur de la mer, du développement maritime et du littoral de la région Bretagne, qui se réjouit de cette avancée de la programmation actuelle. L'un des gros défis à venir sera la modernisation d'une flotte vieillissante : plus de la moitié des 4.500 navires français ont plus de 26 ans.

180 millions d'euros dans les mains des régions

Sur le papier la France s'en tire bien. Au terme d'une bonne négociation menée par l'ancien ministre Frédéric Cuvillier, son enveloppe a largement augmenté, passant de 436 à 588 millions d'euros. L'augmentation est particulièrement sensible pour le développement durable de la pêche et de l'aquaculture : 369 contre 216 millions d'euros - soit une hausse de 70% - dont les 180 qui seront directement gérés par les régions. Première région productrice de France, la Bretagne reçoit la plus grosse enveloppe : 44 millions d'euros, auxquels viennent s'ajouter les 21 millions d'euros propres à la région. La Nouvelle-Aquitaine perçoit 29,3 millions d'euros, la Normandie 20 millions d'euros, les Hauts-de-France 15,9, les Pays de la Loire 14,4, l'Occitanie 12, Paca 5,8, la Corse 5,4. L'outre-mer bénéficie d'environ 10% de l'enveloppe.
Seulement, du côté des bénéficiaires, on commence à trouver le temps long. D'abord parce que la France n'a transmis son programme opérationnel (la trame qui détermine l'utilisation de ces fonds) qu'au mois de mars 2015 ; celui-ci n'a été validé par Bruxelles qu'à la fin 2015. Mais ce n'est pas tout. Pour que l'argent arrive aux destinataires, plusieurs écueils doivent être franchis : il faut au préalable que chaque région passe une convention de délégation avec l'Etat. L'un des enjeux est la validation par la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture du dispositif de gestion et de contrôle mis en place par la région. Sur ce point, les choses ont bien avancé puisque la quasi-totalité des conventions ont été signées au cours des derniers mois. Il faut ensuite que l'Etat débloque officiellement les mesures du programme opérationnel. Le président de la région Pays de la Loire Bruno Retailleau était monté au créneau le mois dernier pour dénoncer le fait qu'aucune des 11 mesures régionales n'avait été rendue "mobilisable".

Premiers paiements prévus "début 2017"

Dans leur communiqué commun, l'Etat et les régions se félicitent aujourd'hui de l'ouverture formelle de "la moitié des mesures du programme opérationnel français", aussi bien nationales que régionales. Ce qui signifie que "les bénéficiaires peuvent concrètement déjà prendre connaissance des conditions précises d'éligibilité et de sélection des demandes d'aides". Prendre connaissance, avant de remplir leur dossier de candidature et, s'ils sont retenus par le comité de sélection réginal ou national, être payés. Mais pour cela, l'Etat doit fournir aux régions un logiciel d'instruction des dossiers et de paiement baptisé Osiris. Une tâche qui incombe à l'Agence des services de paiement. Ce qu'elle n'a pas encore fait. Lors du comité du 24 octobre, l'Etat s'est cependant engagé à accélérer le calendrier. Les logiciels de paiement devraient être opérationnels "d'ici la fin du premier trimestre 2017". "Dans ce calendrier, les mesures dites prioritaires pourront être payées d'ici début 2017." Pour les régions, il en va de l'installation des jeunes pêcheurs, des investissements sur les navires ou dans l'aquaculture, des plans de compensation des surcoûts supportés par les régions d'outre-mer… Le secrétaire d'Etat Alain Vidalies a annoncé que le comité Etat/régions se réunirait chaque mois pour assurer le suivi de la mise en œuvre du programme.


Dans la réalité, de nombreux dossiers d'investissements ont été déposés par les porteurs de projets depuis 2014, certains ont même déjà été instruits. Heureusement, les crédits leur seront payables rétroactivement au 1er janvier 2014. Dans l'intervalle, plusieurs régions ont aussi prévu des avances, c'est le cas des Hauts-de-France qui a débloqué une enveloppe de 135.000 euros. Alors que le secteur traverse lui aussi une profonde crise, ces retards peuvent être vitaux pour certaines exploitations. Cependant, temporise Yvan Guiton, "les aides à l'investissement ont un caractère incitatif, il s'agit par exemple d'inciter à aller dans une direction définie collectivement, comme l'équipement en viviers réfrigérés pour les langoustines…" En d'autres termes, les investissements doivent pouvoir se faire sans subvention. Mais pour les marins qui ont entrepris des travaux depuis deux ans en anticipant la subvention, la situation peut s'avérer délicate. Autre risque : si les crédits ne sont pas consommés dans les deux ans, ils doivent en principe retourner à Bruxelles (règle du "dégagement d'office"). "La question se pose aussi bien pour l'agriculture avec le Feader qu'avec la pêche. Or quand on voit l'état de santé de ces filières, c'est un vrai problème", estime-t-on à Régions de France.
 

 

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