Fonction publique territoriale : les syndicats "satisfaits" après des gestes de l'exécutif sur le dialogue social
Après le boycott de plusieurs réunions par les syndicats, les choses rentrent dans l'ordre au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). C'est le résultat d'ouvertures réalisées par le ministre chargé de la Fonction publique. Selon plusieurs responsables syndicaux joints par Localtis, Stanislas Guerini s'est dit prêt à la création d'un "agenda social" de la fonction publique territoriale et à une amélioration du fonctionnement du CSFPT.
Mercredi 15 novembre, la séance plénière du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) est allée jusqu'à son terme. A l'issue de la réunion, la fédération Interco-Cfdt a même salué dans un communiqué un "dialogue social qui semble renaître".
Le constat tranche avec l'amertume et la colère exprimées ces derniers mois par les organisations syndicales de la fonction publique territoriale (FPT). Un "ras-le-bol" qui ne devait plus continuer selon elles. En l'absence de rencontre avec le ministre en charge de la Fonction publique, Stanislas Guerini, elles continueraient à boycotter les travaux du CSFPT, comme lors des précédentes séances plénières (voir nos articles ci-dessous).
Avoir voix au chapitre
Pour rappel, les représentants syndicaux sont vent debout contre les modalités de la prime de pouvoir d'achat exceptionnelle dans la fonction publique territoriale (FPT). A la discrétion des collectivités territoriales, son versement peut être étalé jusque fin juin 2024 et les montants forfaitaires qui s'appliquent dans les autres versants sont des plafonds pour les agents territoriaux éligibles. Autant de caractéristiques qui prennent en compte des demandes exprimées au printemps par les employeurs territoriaux. Car ceux-ci ont eu voix au chapitre. Les organisations syndicales estiment qu'elles n'ont pas eu droit à la même écoute de la part du gouvernement. Et selon elles, le sujet est symptomatique d'un déficit plus général de prise en compte de la parole syndicale sur les projets de textes que le gouvernement prépare dans le domaine de la FPT. Les représentants syndicaux estiment que le dialogue social avec les employeurs publics doit avoir lieu en amont des instances officielles et, donc, de la présentation des projets de textes. "On gagnerait du temps lors de l'examen des textes au CSFPT, car on déposerait moins d'amendements", fait valoir Laurent Mateu, secrétaire fédéral de FO services publics territoriaux.
Le gouvernement et les administrations se sont employés, ces derniers jours, à apaiser la colère syndicale. Stanislas Guerini a reçu lundi 13 novembre à son ministère les représentants syndicaux et ceux des employeurs, en présence de la ministre déléguée aux Collectivités territoriales, Dominique Faure. Une réunion de "plus de deux heures", au cours de laquelle les acteurs locaux ont pu déposer leurs doléances. "Le ministre a estimé qu'il fallait construire des leviers pour l'amélioration du dialogue social et il a donc mandaté la DGCL [direction générale des collectivités locales] pour engager le processus, relate Damien Martinez (CGT), qui se dit "plutôt satisfait" de la rencontre.
Agenda social de la FPT
La DGCL va d'abord œuvrer à la mise en place d'un "agenda social" pour la FPT, qui "serait la déclinaison dans le versant territorial de l'agenda social inter-versant", indique le syndicaliste. Selon lequel le ministre en charge de la Fonction publique a donné son feu vert à la création d'un groupe de travail spécifique à la FPT sur la question des rémunérations. Les spécificités du versant territorial sur le dossier seraient ainsi mieux prises en compte. Plusieurs thématiques qui donneront lieu à des discussions dans le cadre de la concertation sur l'accès, les parcours et les rémunérations (APR) dans la fonction publique, pourraient aussi faire l'objet de discussions propres à la fonction publique territoriale. La DGCL aurait cité à titre d'exemple "l'égalité professionnelle", "les concours", ou encore "la formation initiale et continue". Seraient également prévues des discussions sur la mise en place du fonds de prévention de l'usure professionnelle dans la FPT – puisque les propositions de la mission conduite par Michel Hiriart, président de la Fédération nationale des centres de gestion ont été remises ce 16 novembre au ministre – et sur les textes réglementaires découlant de la proposition de loi visant à revaloriser les secrétaires de mairie, dont l'adoption finale est en vue (voir notre article du 15 novembre). "La DGCL nous a dit qu'elle inclurait la PSC [protection sociale complémentaire] dans l'agenda social", précise Marie Mennella, secrétaire nationale d'Interco-Cfdt. Un point important pour les syndicats de la FPT, qui souhaitent que les garanties statutaires en matière de prévoyance (invalidité et de décès) actées par l'accord passé récemment entre le gouvernement et les syndicats pour les agents de l'Etat soient étendues aux agents des deux autres versants. Cet agenda social de la FPT, de même que le dossier de la protection sociale complémentaire feront l’objet de discussions lors de la prochaine séance plénière que le CSFPT tiendra le 20 décembre, précise Laurent Mateu.
Modalités du dialogue au sein du CSFPT
La DGCL va par ailleurs travailler avec les représentants des syndicats et des élus locaux à l'amélioration des conditions du dialogue social au sein du CSFPT. Ce chantier a donné lieu à de premières discussions, lors d'une réunion de "plus de deux heures" mardi 14 novembre, entre les représentants syndicaux et la directrice générale des collectivités locales, Cécile Raquin. Concrètement, des évolutions du règlement intérieur pourraient être décidées, notamment pour retoucher les délais de convocation des membres de l'instance et de dépôt des amendements. Les syndicats considèrent que ces délais sont aujourd'hui trop courts. Mais l'entourage du président du CSFPT, Philippe Laurent, s'interroge sur les marges de manœuvre de la DGCL. "Le règlement intérieur du CSFPT est aligné sur celui du conseil commun [de la fonction publique], les deux instances ont les mêmes délais", fait-on savoir. Les syndicats souhaitent aussi une meilleure prise en compte des rapports que le CSFPT réalise en auto-saisine.
Les représentants syndicaux sont d'autant plus satisfaits que les "bonnes intentions" exprimées du côté du gouvernement se sont traduites concrètement au cours de la séance plénière de ce 15 novembre. Sa représentante, la directrice générale des collectivités locales, a ainsi accepté un amendement permettant la prise en compte des agents permanents en CDI dans la base de calcul des possibilités de promotion interne. Pour rappel, le CSFPT examinait un projet de décret assouplissant les quotas de promotion interne au 1er janvier 2024 (voir notre article du 5 octobre). La DGCL a aussi donné son feu vert à une prise en compte des "agents recrutés sous le statut de travailleurs handicapés", indique FO. L'adoption de ces "avancées" a été permise, car "tout le monde a joué le jeu : là, c'était du vrai dialogue social", se félicite Marie Mennella. "C'était constructif", abonde Laurent Mateu.
Tensions sur les salaires
Autre signe d'ouverture envoyé par le gouvernement : son accord pour qu'une réunion de l'agenda social de la fonction publique consacrée à l'accès, aux parcours et aux rémunérations soit décalée du 15 au 22 novembre. A l'origine, elle était programmée au moment où le CSFPT se réunissait en séance plénière, empêchant élus locaux et représentants syndicaux de la FPT d'y participer.
Il reste que les tensions restent vives entre les syndicats et le gouvernement, en particulier sur la question des rémunérations. Les huit syndicats représentatifs du secteur public ont ainsi claqué la porte de la séance plénière du conseil commun de la fonction publique se déroulant avec Stanislas Guerini. Histoire de bien signifier leur mécontentement face au refus du ministre de s'engager sur de nouvelles mesures salariales générales pour les 5,7 millions d'agents publics en 2024. De leur côté, les représentants syndicaux de la FPT soulignent qu'ils ne se contenteront pas de paroles, mais qu'ils attendent des actes de la part du gouvernement, afin d'améliorer le dialogue social dans la FPT