Finances locales : presque tous les indicateurs virent au vert
Après une année 2020 plutôt morose, les finances publiques locales connaîtraient en 2021 un "fort rebond", selon la note de conjoncture de la Banque postale Collectivités locales qui leur est consacrée. L'"explosion" des droits de mutation à titre onéreux (+20%) permettrait au secteur de retrouver des marges de manoeuvre. De quoi doper l'investissement public local, qui est attendu en hausse de près de 4 milliards d'euros (+6,9%). Mais les intercommunalités doivent toujours faire face aux conséquences de la crise et certaines ont tendance à appuyer sur le levier fiscal.
Le "fort rebond" dont bénéficient les finances des collectivités territoriales en 2021 "pourrait donner l'impression que la crise est presque effacée", a déclaré ce 1er octobre le directeur des études de la Banque postale Collectivités locales (LBPCL). Luc-Alain Vervisch présentait à la presse, au siège parisien de l'établissement bancaire, la note de conjoncture des finances locales pour 2021. Une étude teintée d'optimisme.
L'an dernier, les budgets locaux avaient fait preuve de résilience, mais le solde de la section de fonctionnement, qui sert à financer les investissements, avait malgré tout reculé de plus de 10%, les régions étant les plus affectées. Même si la pandémie de Covid-19 se prolonge, rien de tel ne devrait toutefois se produire cette année, l'épargne brute étant attendue en nette hausse (+9,4%). A 38,5 milliards d'euros, elle serait néanmoins plus faible qu'en 2019 (39,3 milliards d'euros). La croissance de l'épargne brute des collectivités territoriales résulterait surtout de la progression (+3,3%) des recettes de fonctionnement. Le rebond des produits des services contribuerait à cette dynamique. A 17,2 milliards d'euros, ils seraient proches de leur niveau de 2019 (17,6 milliards d'euros). De leur côté, les recettes fiscales (154,4 milliards d'euros) augmenteraient de 2,2%, ceci à la faveur d'une "explosion" (environ +20%) des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Bénéficiaires de la manne attendue : les communes et plus encore les départements.
La crise pèse encore sur les finances intercommunales
Du coup, ces collectivités devraient accroître sensiblement leurs marges de manoeuvre financières en 2021 : l'épargne brute des communes croîtrait de 10,6% et celle des départements de 18,5%. Des chiffres qui se situent "dans la lignée des précédents mandats". Ils sont d'autant plus élevés qu'ils interviennent dans un contexte de nette reprise des dépenses de fonctionnement (+2,2%), jamais vue depuis 2014. L'objectif de croissance des dépenses de fonctionnement du secteur public local, fixé par la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018 (+1,2%), est donc dépassé de très loin cette année. Les dépenses de personnels (+1,5%) - accrues notamment par la hausse du Smic au 1er octobre et les mesures du Ségur de la santé - de même que les charges à caractère général - qui sont soutenues par la réouverture des services publics locaux et la reprise de l'inflation - tirent vers le haut les charges des collectivités.
Le tableau ne devrait toutefois pas être aussi rose pour les régions et les collectivités territoriales uniques, dont l'épargne brute ne progresserait que de 2,6% et resterait donc très en-deçà de son niveau de 2019. De même, les intercommunalités à fiscalité propre n'ont pas encore sorti la tête de l'eau : leur épargne brute devrait stagner en 2021. Leurs budgets en matière de transports publics continuent d'être affectés par la crise sanitaire. De plus, leurs recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE, 5,1 milliards d'euros) devraient reculer cette année, et plus encore l'année prochaine. Et ce alors que les intercommunalités ont à faire face à de nouvelles responsabilités et prévoient de nouveaux investissements durant le mandat. "La période d'absorption des effets de la crise est plus longue pour les intercommunalités", constate Luc-Alain Vervisch, qui anticipe une reconstitution "à moyen terme" de leur autofinancement.
Hausse de la pression fiscale
Pour boucler leurs budgets en 2021, un certain nombre d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ont augmenté la pression fiscale, d'abord en utilisant leurs marges de manoeuvre sur la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Un choix qui, au passage, contraste avec la sagesse fiscale dont les communes font preuve cette année. Sur un échantillon - quasi-exhaustif - de 1.142 EPCI à fiscalité propre étudiés par la Banque postale, 198 ont décidé de relever leur taux sur le foncier bâti. Parmi eux, 21 avaient auparavant un taux nul. Les hausses sont parfois sensibles : le taux moyen des intercommunalités augmente en moyenne de 12% cette année. A la clé : un produit de 200 à 230 millions d'euros supplémentaires venant abonder des recettes de taxe foncière représentant cette année 1,6 milliard d'euros au total. En complément, les intercommunalités font monter en puissance la taxe "Gemapi" (170 millions d'euros en 2020) - qui est attendue en hausse de 40% - et la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom). En 2022 et 2023, les intercommunalités pourraient également relever leur taux de cotisation foncière des entreprises (CFE), estime Luc-Alain Vervisch. Pour qui "le phénomène interroge". Cette stratégie fiscale pourrait en effet "limiter la capacité des communes à tirer" sur le levier fiscal, singulièrement la taxe sur le foncier bâti.
L'embellie des finances locales - qui n'est donc pas générale - est propice au redécollage de l'investissement public local, dans le contexte de relance : celui-ci devrait croître de près de 4 milliards d'euros cette année, pour atteindre 59,8 milliards d'euros et ainsi s'approcher du montant de 2019 (60,4 milliards d'euros). "Sous cet angle, la crise ne sera, assez rapidement, plus qu'un mauvais souvenir", considère le directeur des études de LBPCL.
Menaces sur l'investissement
Mais il y a plusieurs ombres au tableau : les difficultés d'approvisionnement en matières premières, la hausse du prix de l'énergie, ou encore la croissance rapide des prix dans le bâtiment et les travaux publics (+4,9% et +5,5% sur un an). De ce fait, des chantiers pourraient être retardés et d'autres tout simplement annulés avant leur lancement.
D'autant que les collectivités abordent l'avenir avec prudence, le niveau record de leur trésorerie - qui pourrait atteindre 56 milliards d'euros à la fin de l'année - en témoignant. En effet, nul ne sait pour l'heure si les collectivités locales seront mises à contribution pour le redressement des comptes publics et dans quelles proportions. En outre, les options prises dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale ne manquent pas de susciter des questionnements. "Le choix fait par l'Etat d'une répartition nationale figée de la part individuelle de TVA [une ressource attribuée aux départements et aux intercommunalités] pourrait ne pas être valide indéfiniment", pointe Luc-Alain Vervisch. Qui interroge : "Comment imaginer que dans quelques années les parts de TVA puissent négliger la dynamique des territoires ?" Des questions épineuses qui augurent de futures réformes fiscales et, donc, de nouvelles incertitudes pour les collectivités.