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Finances des grandes intercommunalités et de leurs communes : un nouvel état des lieux des effets de la crise

On savait les territoires urbains plus durement touchés financièrement par la crise sanitaire que les communes et groupements dans leur ensemble. Une étude que la Banque postale a réalisée pour France urbaine donne à voir une photographie précise des conséquences de cette crise sur le monde urbain. Certaines intercommunalités sont plus affectées que d'autres : un territoire urbain sur six a vu ses marges financières (épargne brute) reculer de plus de 20%.

Comme l'avaient déjà montré un focus de la direction générale des finances publiques et le premier fascicule du rapport annuel de la Cour des comptes sur les finances publiques locales - deux documents publiés au premier semestre -, une étude de la Banque postale Collectivités locales confirme que les budgets des grandes villes et de leurs agglomérations ont été dans leur ensemble, en 2020, assez sérieusement affectés par la crise liée au Covid-19.

Selon ce "portrait financier" réalisé à partir de comptes consolidés (budgets primitifs et annexes), l'épargne brute (différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement) des 80 territoires (communes et leur intercommunalité) les plus urbanisés de métropole a reculé de 13,7% en moyenne, l'an dernier. En réduction d'1,6 milliard d'euros par rapport à 2019, cette épargne brute est tombée sous les 10 milliards d'euros. Les évolutions ont toutefois été très contrastées selon les territoires. 14 d'entre eux ont enregistré un repli de l'épargne brute supérieur à 20%, tandis que 13 ont connu une baisse limitée à moins de 5%. 20 territoires (soit un sur quatre) sont même arrivés à accroître leurs marges de manoeuvre.

Forte contraction des produits des services

Cette étude que France urbaine - son commanditaire - et la Banque postale Collectivités locales ont présentée à la presse ce 15 septembre révèle aussi des différences notables entre les communes et les intercommunalités. Les premières ont vu leur épargne brute se contracter de 15,6%. Il s'agit du taux moyen pour l'ensemble des communes composant les territoires urbains analysés. Un total de 2.875 communes, dont 46% ont moins de 2.000 habitants. Selon France urbaine, la prise en compte des budgets de ces petites communes aurait pour conséquence d'atténuer les conséquences financières de la crise du Covid-19. En s'appuyant notamment sur de récentes analyses de la Cour des comptes, l'association estime que les finances des 40 villes de métropole comportant plus de 100.000 habitants ont été davantage affectées. Toutefois, l'étude ne précise pas quelle est l'évolution de l'épargne brute de ces villes-là.

La mauvaise passe dans laquelle se trouvent les budgets des territoires urbains dans leur ensemble résulte du reflux (- 1,3%) de leurs recettes de fonctionnement (70,7 milliards d'euros). Les communes ont pâti en particulier de la forte contraction des produits des services (de 4,2 milliards d'euros en 2019 à 3,2 milliards en 2020, soit - 25%). De leur côté, les dépenses de fonctionnement des territoires urbains, qui se sont élevées à 60,7 milliards d'euros, ont connu l'an dernier une hausse de 1,1% au total.

Investissement en baisse de près de 16%

Un tel rétrécissement des marges de manoeuvre n'a pas favorisé l'investissement des territoires urbains. Son ralentissement était attendu, du fait du début des nouveaux mandats municipaux. Mais en 2020, le phénomène a atteint des proportions inédites : l'investissement des seuls territoires urbains a reculé de 15,9% l'an dernier, pour s'élever à 17 milliards d'euros (hors remboursement du capital de la dette). Là encore, les choses n'ont toutefois pas été homogènes. "Dans 8 territoires urbains, principalement dans l'ouest de la France (dans les agglomérations de Rouen, du Mans, d'Angers, de La Rochelle), les dépenses d'équipement, portées principalement par les intercommunalités, ont continué de progresser ou ont été pratiquement stables", fait remarquer l'étude. À l'opposé, certains territoires ont accusé de très fortes baisses. 6 territoires situés dans le Nord, la Somme, le Calvados, les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône ont vu leurs dépenses d'équipement diminuer de plus de 28%.

Le financement des investissements a été réalisé notamment en sollicitant davantage l'emprunt. Cette solution a été privilégiée par les groupements de communes : leur encours de dette (29,7 milliards d'euros) a progressé de plus de 6%, quand celui des communes (35 milliards) n'a augmenté que de 0,8%. Malgré cette dégradation, la dette des territoires urbains reste "sous contrôle", relativise Luc-Alain Vervisch, directeur des études de la Banque postale Collectivités locales. Seuls deux d'entre eux présentent un délai de désendettement supérieur à 12 ans, seuil considéré comme préoccupant par l'État.

Moindres recettes des transports publics

Mais cet optimisme n'est pas partagé par tous. "Nous aurons quelques choix à faire en termes d'investissements dans nos PPI [programmation pluriannuelles d'investissement] pour garder une trajectoire cohérente, notamment un endettement sous la barre des 12 ou 15 ans", a estimé Arnaud Robinet, maire de Reims et co-président de la commission "Finances" de France urbaine.

À l'image des collectivités dont elles relèvent, les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) des territoires urbains ont été amoindries financièrement par la crise. Les 53 AOM de province dont les comptes sont examinées dans l'étude ont accusé une perte de versement mobilité de 191 millions d'euros (- 5,1%) l'an dernier. La réduction de leurs recettes tarifaires a chuté quant à elle de 415 millions d'euros (- 32%). La situation est particulièrement compliquée pour les 13 AOM desservant les territoires de plus de 450.000 habitants. Préservant davantage l'offre de transports que les autres AOM, elles ont enregistré des coûts supérieurs, alors même que la fréquentation de leurs moyens de transports a sensiblement reculé.