Economie sociale et solidaire - Financement de l'ESS : un rapport propose des "obligations à impact social"
Augmentation des créations d'entreprises sociales, éclosion de chaires dédiées à cette thématique dans les écoles de commerce, multiplication des incubateurs d'entreprises sociales… Si l'entrepreneuriat social monte en puissance, comme semble le dire le Centre d'analyse stratégique (remplacé depuis hier par le commissariat général à la stratégie et à la prospective), ses contours restent flous. Dans un rapport publié le 18 avril 2013, il apporte une définition de l'entrepreneuriat social et détaille les conditions de son développement, à quelques semaines de la loi-cadre préparée par Benoît Hamon.
A l'heure actuelle, l'économie sociale et solidaire (ESS), qui regroupe les coopératives, mutuelles, associations et fondations, représente 2,3 millions de salariés au sein de 215.000 structures. Elle gère notamment 90% des établissements pour personnes handicapées, 45% des maisons de retraite, et plus de 60% des services à la personne. Un poids important mais des lacunes côté définition. "Si l'on semble se diriger vers un dépassement de la définition purement statutaire de l'entrepreneuriat social, il n'existe pas encore de terminologie unique permettant de désigner l'ensemble du secteur dont le périmètre est toujours en cours de délimitation", explique ainsi Caroline Lensing-Hebben, chargée de mission au CAS, dans le rapport. Un référentiel est en cours d'élaboration par le Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire (CSESS). Parmi les critères qui devraient être retenus : la finalité sociale, la lucrativité limitée, la gouvernance démocratique favorisant la participation des parties prenantes et l'ancrage territorial de la démarche.
Des obligations à impact social
Au delà de ce problème de définition, le rapport aborde la question du financement. Il faut "fournir un financement durable via un marché du capital social", assure Antonella Noya, analyste senior des politiques à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avec des incitations fiscales pour attirer les investisseurs. Pour Caroline Lensing-Hebben, il faut aussi "diversifier les sources de financement", par l'intermédiaire de partenariats avec des entreprises traditionnelles, de bourses sociales, permettant l'achat et la vente en bourse d'actions d'entreprises sociales, de l'épargne solidaire ou des "obligations à impact social". Dans le cas de ces obligations, la puissance publique qui repère un besoin social non ou mal satisfait contractualise avec un opérateur sans pour autant le subventionner ou le financer directement. L'opérateur lève à son tour de l'argent auprès de différents partenaires. Ensuite, si l'entreprise sociale obtient des résultats positifs en termes d'impact social ou environnemental, l'Etat propose des retours sur investissement financier de 7,5% à 13%. A l'inverse, si les résultats sociaux ne sont pas au rendez-vous, l'investisseur ne touche pas de rémunération.
D'après les auteurs du rapport, pour que l'entrepreneuriat social puisse encore prendre de l'ampleur, il faut renforcer l'accompagnement au développement. "Cinq ans après leur création, seules 46% des nouvelles entreprises subsistent contre 70% des entreprises accompagnées", précise le rapport, qui souligne que "l'accompagnement des entrepreneurs sociaux est essentiel pour pérenniser les innovations sociales et favoriser l'accès au financement". Parmi les propositions : élargir la cible du dispositif local d'accompagnement (DLA) pour permettre de toucher davantage d'entreprises sociales. Ce dispositif, qui a été créé en 2003 par l'Etat et la Caisse des Dépôts, avec le soutien du Fonds social européen, et dont 370 collectivités territoriales sont partenaires, soutient actuellement les associations du secteur de l'ESS. D'après une étude récente, les structures accompagnées par le DLA créent deux fois plus d'emplois que les structures non accompagnées. L'idée est de faire profiter de cet accompagnement les entreprises sociales, au delà des associations.
Se doter d'outils pour rendre compte du poids de l'ESS
Par ailleurs, le rapport souligne que "le système de soutien à l'ESS manquant aujourd'hui de lisibilité pour l'Etat, les collectivités et les acteurs eux-mêmes, on gagnerait à coordonner les moyens et les ressources qui y sont consacrés". Des agences partenariales de développement de l'ESS ont été expérimentées, mais à l'heure actuelle, il n'y a pas d'offre de service unique… Le rapport propose deux pistes : une démarche intégrée de promotion sur les offres et services aux entreprises de l'ESS (soutien à l'entrepreneuriat, financement, recherche-développement…) et une réflexion sur une identification visuelle du système d'acteurs, une marque commune pour les structures qui interviennent dans le soutien aux entreprises sociales.
Le rapport préconise également une meilleure prise en compte de l'ESS dans les marchés publics. "L'enjeu réside plus spécifiquement dans une place accrue et plus systématique des critères sociaux au sein du mieux disant économique." Actuellement la mise en œuvre des clauses sociales, qui permettent à l'Etat et aux collectivités locales de favoriser la prise en compte de la dimension sociale, ne concerne que 1,9% des marchés, soit 1.419 marchés sur 72.823 ! Enfin, le rapport estime qu'il faut davantage développer les mesures d'impact social de ces entreprises. "Le secteur doit aujourd'hui se doter, à grande échelle, d'outils pour mieux rendre compte de son poids et de son efficacité économique, indiquent ainsi les auteurs, de la qualité de ses emplois, de son utilité sociale, de son impact environnemental, notamment à l'échelle des territoires."