Archives

Fin du marathon budgétaire : l'Assemblée se résout à prolonger le "filet de sécurité" du bloc communal

L'Assemblée nationale a voté au petit matin, mercredi 16 décembre, le projet de budget 2021 en nouvelle lecture. En matière de finances locales, elle a pour l'essentiel rétabli les dispositions qu'elle avait votées en première lecture. Exit, donc, les nombreuses mesures votées par le Sénat pour compenser les pertes financières enregistrées par les collectivités du fait de la crise. Les députés ont toutefois décidé, avec l'aval du gouvernement, de reconduire en 2021 – en le modifiant – le dispositif de garantie des recettes des communes et de leurs groupements.

A l'occasion de l'examen en nouvelle lecture, dans l'hémicycle, du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, les 15 et 16 décembre, l'Assemblée nationale est revenue sur la plupart des dispositions très favorables aux finances des collectivités locales que le Sénat avaient mises en place lors de la discussion en première lecture.

Les sénateurs avaient choyé les collectivités. Ils avaient ainsi instauré plusieurs mesures visant à soutenir leurs finances face aux conséquences de la crise sanitaire (voir notre article du 25 novembre 2020). Tel que l'élargissement à certaines pertes tarifaires du dispositif de compensation des pertes de recettes fiscales et domaniales du bloc communal, la compensation en 2020 des pertes de revenus forestiers aux communes concernées et la compensation intégrale des pertes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) que les communes, les intercommunalités et les départements subiront l'an prochain. Les députés ont rejeté toutes ces dispositions.

En revanche, c'est une surprise, ils ont donné leur feu vert à la reconduction en 2021 du "filet de sécurité" des finances des communes et de leurs groupements. Le dispositif mis en place par la loi de finances rectificative du 30 juillet – qui concerne quelque 2.500 communes et une centaine d'EPCI cette année – ne devait être effectif qu'en 2020. Jusqu'à présent, le gouvernement et la majorité à l'Assemblée nationale avaient refusé sa prolongation l'an prochain, en dépit des demandes répétées des associations nationales d'élus locaux et de l'avis favorable de Jean-René Cazeneuve, le député (LaREM) qui avait été chargé par le Premier ministre d'évaluer l'impact de la crise sur les finances locales. Mais ce dernier n'a pas jeté l'éponge et a finalement obtenu sur le fil une réponse positive de l'exécutif. Lors de la séance des questions au gouvernement, le 15 décembre, le Premier ministre a exprimé son "entier soutien" à la mesure.

Dispositif adapté

C'est par un amendement du rapporteur général, Laurent Saint-Martin, cosigné par Jean-René Cazeneuve et Christophe Jerretie (Modem), que la mesure voit le jour. Elle reprend globalement le dispositif de la troisième loi de finances rectificative. Ainsi, les communes et les EPCI disposeront en 2021 d’une ressource fiscale globale au moins égale à la moyenne de leurs recettes fiscales de 2017 à 2019. Mais le dispositif est adapté au contexte de l'année 2021 : il prendra en compte l'évolution en 2021 des recettes de CVAE, mais pas celle des recettes domaniales. Son coût pour l'Etat pourrait atteindre 200 millions d'euros, a indiqué en séance le ministre délégué en charge des comptes publics. Afin que les collectivités contribuent activement à la relance, elles "doivent être rassurées sur leurs ressources futures et leur capacité d’autofinancement en 2021", expliquent les députés. C'est exactement le message que les associations de maires et présidents d'intercommunalité faisaient passer ces dernières semaines auprès des parlementaires et de l'exécutif. Leur opiniâtreté semble avoir payé.

Il faut rappeler que l'amendement adopté par l'Assemblée ne préjuge pas de mesures supplémentaires qui pourraient être prises ultérieurement. La question de la situation financière du bloc communal et des éventuelles compensations est en effet étudiée par un groupe de travail réunissant les représentants du gouvernement et des associations d'élus (voir notre article du 7 décembre 2020).

Par ailleurs, les députés ont validé l'application en 2021 du "filet de sécurité" au produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) des communes de moins de 5.000 habitants qui ne sont pas classées stations de tourisme (dont le coût ne doit pas dépasser 50 millions d'euros) et la prise en charge pour moitié par l'Etat des abandons de loyers consentis à des entreprises par les collectivités en tant que bailleurs (10 millions d'euros). Ces deux mesures avaient été introduites au Sénat, à l'initiative du gouvernement.

Taxe sur l'électricité, dotations, péréquation régionale…

Mais les largesses des députés se sont arrêtées là. D'autres mesures sénatoriales favorables aux collectivités ont été retoquées : le versement anticipé du fonds de compensation pour la TVA (dont le coût était estimé à 5 milliards d'euros), la compensation intégrale des pertes de recettes supportées par les collectivités au titre des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties en matière de logement social (1 milliard d'euros), ou encore l'attribution aux régions d'une fraction de taxe intérieure sur la consommation pour les produits pétroliers pour financer les plans climat-air-énergie territoriaux…

En procédant à ces multiples suppressions, les députés ont réduit de 7,4 milliards d'euros le déficit du budget de l'Etat

Pour ce qui concerne les autres mesures touchant aux finances locales, l'Assemblée nationale a pour l'essentiel rétabli les dispositions qu'elle avait adoptées en première lecture. Elle a ainsi réintroduit la réforme des taxes locales sur l'électricité telle qu'elle l'avait votée, la suppression de la taxe sur les opérations funéraires, ou encore les dispositions sur la péréquation des ressources régionales.

Les nombreuses modifications votées par les sénateurs concernant l'attribution de la dotation d'équipement des territoires ruraux – notamment pour que celle-ci bénéficie davantage aux petites communes – sont passées à la trappe. Tout comme la modification du calcul déterminant la répartition de la dotation forfaitaire des communes ("coefficient logarithmique") pour aller dans le sens d'une plus grande égalité entre les territoires ruraux et urbains.

Ce 16 décembre, le Sénat devait examiner le PLF 2021 à son tour, en nouvelle lecture. Mais on sait que l'Assemblée nationale aura le dernier mot. L'examen définitif du texte dans l'hémicycle du Palais Bourbon est prévu dès ce jeudi 17 décembre.