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Déchets ménagers - Fermeture des décharges non-conformes : les départements restent mobilisés

Le 16 juillet, la Commission européenne a rappelé à l'ordre les Etats membres en exigeant qu'ils ferment les décharges de déchets ménagers jugées non-conformes. "Ceux qui sont en infraction avec la législation pourront faire l'objet d'une action en justice." Le point sur la situation française.

Les Etats membres avaient huit ans pour mettre leurs décharges en conformité avec la réglementation communautaire. La France, qui a transcrit la directive en 2001, a un certain passif en la matière : la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) l'a condamnée pour défaut d'application en 2007, avant que la situation ne soit régularisée par les autorités, qui ont notamment joué sur le levier d'augmentation de la taxe de mise en décharge. A raison d'une vingtaine de fermetures par mois, les préfets de l'époque n'avaient pas chômé. De plus, d'un millier de sites non-autorisés recensés il y a dix ans, on est passé à moins de 400 il y a trois ans, à 40 fin 2007 puis à 14 en février 2008. Ce dernier chiffre est fourni dans une réponse gouvernementale au député François Cornut-Gentille, publiée au Journal officiel du 7 avril dernier. Les derniers départements fautifs sont la Corse-du-Sud, la Guadeloupe et la Guyane. Pour justifier le maintien en fonctionnement des sites, le gouvernement avançait alors l'argument de nécessité de continuité du service public. Localement, un arrêté préfectoral encadre donc leur activité, en attendant de trouver des solutions pérennes.

Miser sur la réhabilitation

Il persiste néanmoins des zones d'ombre en termes d'inventaire. En effet, les chiffres avancés sont-ils fiables ? Au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), un site dédié permettait de suivre l'évolution de la situation des décharges non autorisées. Mais à la demande du ministère, sa réactualisation est suspendue depuis deux ans. "Pas question de s'attirer de nouvelles foudres alors même que la France reste en situation de contentieux avec l'Europe", glisse-t-on au BRGM. A l'Ademe, on préfère également mettre en avant les exemples réussis de réhabilitation d'anciennes décharges plutôt que pister les derniers sites récalcitrants. A en croire des responsables associatifs, ceux-ci sont pourtant nombreux car leur mise aux normes prend du temps, présente un coût important et un avenir bien souvent incertain. La réhabilitation de la tristement célèbre décharge de Marseille a ainsi coûté 52 millions d'euros selon Eugène Caselli, président de la communauté urbaine, alors même que le site devra à terme fermer pour être en partie reconverti en centrale photovoltaïque au sol.

Avec l'appui des régions et de l'Ademe, les conseils généraux n'en continuent pas moins de réhabiliter d'anciens sites : trois décharges communales vont l'être dans le Jura suite à une décision prise en mai dans le cadre de l'application du plan Climat départemental. En Lozère, le projet de révision du plan départemental d'élimination des déchets ménagers intègre un volet de réhabilitation de décharges classées comme prioritaires. Mais à la direction environnement du département, on rappelle que ces travaux ne seront subventionnés par la collectivité que si des solutions alternatives de type conversion en déchetterie ou centre de stockage de déchets inertes sont mises en oeuvre. En Corse, l'urgence conduit l'Etat à mettre la main à la poche en finançant les trois quarts (3,3 millions d'euros) des travaux de mise en conformité de la décharge de Viggianello, selon une décision prise en avril dernier. En Guadeloupe, la lenteur des progrès est manifeste et à la Diren, un chargé de mission recense pour sa part treize décharges non-autorisées sur les seize existantes dans l'archipel, "et ce malgré l'émergence d'une filière de valorisation qui reste à développer et la menace d'une nouvelle saisine européenne et d'une amende à payer, que l'Etat pourrait décider de répercuter sur les collectivités responsables".

Structurer les flux et transferts de déchets

Fermer une décharge exige, a minima, un certain courage politique. Dans les Alpes-Maritimes, celui du préfet Francis Lamy vient unanimement d'être salué, suite à la décision prise de fermer de manière anticipée la décharge géante (300.000 t/an) de La Glacière à Villeneuve-Loubet. Ces derniers mois, la mobilisation des élus de ce département afin de trouver un nouvel exutoire à ces déchets est montée crescendo et c'est peu dire qu'ils attendent beaucoup du nouveau plan départemental prévu pour octobre. Ce plan devra donc composer avec un déficit de capacités de traitement et donc des mouvements de déchets générés vers d'autres départements.

Dans la Drôme ou la Loire, les élus font face au même problème. A l'inverse, la Haute-Savoie ou le Rhône sont mieux lotis en solutions de valorisation. Cet écart, qui fait que tous les départements ne sont pas égaux devant leurs déchets, a été pointé du doigt lors d'une réunion fin juin des responsables environnement de huit conseils généraux de la région Rhône-Alpes. Entre l'Ardèche exportant 70% de son gisement et l'Isère qui importait 426.000 tonnes de déchets régionaux en 2007, un équilibre et une meilleure coopération partenariale doivent être trouvés. Les travaux du Grenelle de l'environnement incitent d'ailleurs les collectivités à avancer dans cette voie. Pas question pour autant d'encourager ces flux de déchets : il s'agit bien de mieux les structurer lorsque nulle autre solution locale de traitement n'a pu être trouvée.

 

Morgan Boëdec / Victoires Editions