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Santé - Expulsion des étrangers gravement malades : les associations demandent une "réforme structurelle"

S'il n'est plus question de nouvelle réforme de l'aide médicale de l'Etat (AME), le dossier de la prise en charge des étrangers malades en situation irrégulière est cependant loin d'être clos. L'Observatoire du droit à la santé des étrangers (Odse) - qui regroupe associations humanitaires et associations de malades - interpelle ainsi le gouvernement "face à la multiplication des placements en rétention et des expulsions de personnes malades". L'association demande "une réaction immédiate du gouvernement et une réforme législative qui permette aux étrangers gravement malades d'avoir accès à un titre de séjour et d'être protégés contre une expulsion vers des pays où ils n'auront pas accès aux soins".
L'Odse publie ainsi une liste, établie par la Cimade, d'une vingtaine de cas d'expulsions, depuis juin 2012, de personnes gravement malades. Ces cas correspondent à des situations rencontrées dans les centres de rétention administrative (CRA) et la Cimade prend soin de préciser que, depuis 2009, elle n'intervient plus que dans 12 centres sur les 26 existants. Ces cas correspondent notamment à des situations où le médecin de l'agence régionale de santé (ARS) considère que le traitement nécessaire est possible dans le pays d'origine. Dans d'autres cas, le préfet passe outre à un avis du médecin de l'ARS estimant, au contraire, que le séjour en France doit être prolongé pour raisons médicales, voire prononce une expulsion avant même que l'avis du médecin de l'ARS soit rendu. La Cimade fait également état de placement en CRA de personnes atteintes du VIH et libérées seulement au terme de délais qui peuvent aller jusqu'à 25 jours. Globalement, le taux d'accord est passé de 85% en 2011 à 74% en 2012. Alors qu'il était, depuis dix ans, de 100% pour les malades atteints du VIH, ce taux est tombé en 2012 à 92%.
La situation trouve pour partie son origine dans la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (dite loi Besson). Celle-ci prévoit la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" à "l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire". Jusqu'alors, il ne suffisait pas que le traitement existe dans le pays d'origine, il fallait aussi qu'il soit "accessible". Mais cette nouvelle rédaction - plus restrictive - a été pour partie atténuée par une instruction du ministère de la Santé du 10 novembre 2011, demandant aux médecins des ARS chargés de se prononcer sur la régularisation des étrangers malades de considérer comme "inexistants" les traitements VIH et hépatites dans l'ensemble des pays en développement. Mais, selon le dossier de presse de l'Odse, "un certain nombre de médecins des ARS n'applique tout simplement pas cette instruction ministérielle, sans que cela suscite la moindre réaction de la part du ministère de la Santé".
Face à une "machine à expulser [qui] ne s'est jamais aussi bien portée, atteignant des niveaux inédits depuis la fin des années 90", l'Odse demande au gouvernement de "mettre fin sans délai aux refus de séjour, aux rétentions abusives et aux procédures d'expulsions à l'encontre d'étrangers gravement malades". Rappelant les engagements de François Hollande durant la campagne présidentielle, l'association demande également un "calendrier clair [...] pour une réforme structurelle du droit au séjour des étrangers malades motivée par les impératifs de santé publique et la protection sanitaire des personnes".

Jean-Noël Escudié / PCA