Rouen : une résidence intergénérationnelle comme antidote au mal vieillir (76)

Située sur les hauteurs de Rouen, dans le quartier de la Grande Mare, la résidence intergénérationnelle des Quatre saisons est entourée de forêts et ce, seulement à 20 minutes en autobus du centre-ville. Deuxième adjoint au maire de Rouen, Jean-Michel Bérégovoy, raconte la naissance de ce programme : « Au départ, quelques seniors sont venus me présenter un projet très personnel, que la ville n’avait pas de légitimité à piloter. Je leur ai suggéré de le réorienter vers un habitat participatif et intergénérationnel. Ils ont accepté et j’ai pu alors leur venir en aide, avec les moyens de la ville. » 

Une ville pour tous les âges

Un groupe de travail mené par le 2^e adjoint se monte progressivement. Il rassemble des habitants, les services de la ville et de la métropole, le conseil de quartier de la Grande Mare qui est en secteur quartiers prioritaires de la ville, l’association Bien vivre à la Grande Mare (BVGM). S’y ajoute également un bailleur social, qui détenait un terrain sur place mais ne parvenait pas à monter un projet. L’inspiration qui va guider les travaux sera celle de la construction d’une ville capable d’accueillir tous les âges, avec un habitat adapté, des services de proximité et des espaces publics partagés. « Prenez l’exemple des bancs, invoque l’édile, si vous les faites trop petits, ils sont inadaptés aux plus âgés et si vous les faites trop grands, ils ne conviennent pas aux enfants. Nous en avons donc installé de tailles différentes. Le but est d’éviter le vieillissement dans la douleur, c’est pourquoi nous avons créé des logements et un environnement adaptés aux seniors. » 

Une résidence intégrée dans son quartier

Le groupe de travail prend assez rapidement conscience que le projet ne bénéficie pas suffisamment aux habitants du quartier, il fait alors en sorte de le réorienter, pour mieux intégrer ces derniers. Un terrain municipal mitoyen de celui du bailleur social est ainsi incorporé à titre gracieux dans le projet pour devenir un jardin partagé de 2 000 m². Ouvert à tous, il établit un lien entre la résidence des Quatre Saisons et les autres habitants du quartier, avec actuellement plus de 100 adhérents.

Financements publics et privés

L’engagement de la ville pour mener à bien ce projet a été déterminant dans les négociations avec le bailleur social sur la définition des caractéristiques de l’habitat qui sont conformes, selon l’édile, à 95 %, à ce qu’avaient souhaité les habitants à l’issue d’une démarche de concertation approfondie. Le travail de l’association BVGM a également été très important. Subventionnée à hauteur de 8 000 euros par an par la ville et cofinancée par une mutuelle, elle a pu s’appuyer sur les services d’une prestataire spécialisée dans l’habitat participatif et professionnaliser ainsi son action. Le projet a, de plus, été lauréat du prix « Habiter mieux, Bien vivre ensemble », qui lui a apporté d’autres financements.

Conserver l’esprit initial du projet : clé de sa réussite dans la durée

La résidence des Quatre Saisons accueille des habitants locataires et propriétaires depuis 2021. « Sa vocation participative et intergénérationnelle est portée par l’acceptation du caractère collectif du projet mais cela peut être aussi une certaine faiblesse », explique Jean-Michel Bérégovoy. Certains acceptent le logement et la résidence avec ses services et ses équipements de premier plan mais pas toujours la vie collective et associative qui va avec. « C’est donc un challenge quotidien », explique l’élu, notamment parce qu’il y a des rotations et que les nouveaux arrivants ne sont pas forcément dans le même état d’esprit que les « pionniers » qui ont fondé la résidence. Le rôle du bailleur social est essentiel, depuis la conception du projet jusqu’à son suivi après la construction pour conserver l’esprit initial et travailler avec l’association au peuplement de la résidence, et ainsi œuvrer au succès de la démarche. « Il faut une cogestion avec les habitants, sinon ça devient du logement social haut de gamme, sans lien avec l’habitat participatif et intergénérationnel », poursuit le 2^e adjoint. Pour surmonter des difficultés, il recommande de se donner des règles claires, d’expliquer les objectifs et de procéder par étapes avec toujours l’idée, quelle que soit la phase du projet, de rechercher des compromis.

La résidence des Quatre Saisons a vite fait le plein de locataires mais il restait encore quelques logements à vendre en 2023. Peu étonnant, compte tenu de la crise du secteur. « Même s’il est difficile à faire vivre, la réussite de ce projet se voit dans les espaces partagés, où se côtoient et échangent des habitants de tous âges », estime Jean-Michel Bérégovoy, qui considère les Quatre Saisons « comme un formidable antidote au mal vieillir ».