Les vacances intergénérationnelles forment aussi la jeunesse ! (44)

L'accès aux vacances est un sujet souvent négligé de la vie des personnes âgées qui vivent en établissement. L'expérience à l'initiative de la jeune maison d'accueil rural pour les personnes âgées (MARPA) de Préfailles (créée en août 2022) gérée par le CCAS de Préfailles et de la maison familiale rurale (MFR) de Saint-Père-en-Retz montre qu'il y a pourtant beaucoup de bienfaits à en tirer. 

Une intuition : il faut le faire !

Au départ, ce n'était qu'une intuition, expliquent la directrice de la MARPA, Amandine Brossais, et les formatrices de la MFR, Élisabeth Baillet et Gwendoline Hamon. « L'idée est qu'il y avait une dynamique intéressante à entreprendre, d'échanges entre des jeunes en formation aux métiers de services à la personne et des personnes âgées vivant en établissement, encore autonomes, mais devenues plus isolées de la vie sociale ». « Nous recherchions aussi un projet qui puisse fédérer des vocations sur la formation des élèves, et la création de liens entre acteurs du territoire », ajoute Amandine Brossais.

L'intuition se renforce lorsqu’en juin 2023, une classe de 1re Bac Pro de la MFR découvre la MARPA et organise un temps d’animation pour les résidents. Dans le questionnaire de fin de journée, à la question « qu'aimeriez-vous faire avec les résidents de la MARPA », les élèves répondent massivement « un voyage ».

Le hasard fait que la MFR a alors écho de l'appel à projets de la Mutuelle sociale agricole (MSA) et de l’Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV), qui propose justement de financer des séjours intergénérationnels. « Nous n'avions pas de réponses sur tout et seulement une vague idée de ce que nous voulions faire mais ce dont nous étions certaines, c'est que nous en avions envie », explique Amandine Brossais.

Cinq jours hors des cadres

Le séjour a lieu en avril 2024, sur cinq nuitées, au domaine de Port aux Rocs, au Croisic. Pas très loin donc. L'avantage de ce domaine est « qu'il offre la logistique de l'accueil, hébergement, repas, animations, cela permettait que tout le monde soit dans l'esprit vacances », soulignent les organisatrices.

Trois personnes âgées (de 65 à 90 ans) de la MARPA de Préfailles (Loire-Atlantique) ont fait partie du voyage, aux côtés de 13 résidents d’autres établissements pour personnes âgées, situés à Pornic, ainsi que d’une association de Saint-Brévin. « Ce sont des établissements qui ont déjà organisé des petits séjours, donc les réticences parmi leurs résidents étaient moindres et l'idée est également de créer des liens entre nos résidents », explique Amandine Brossais. « On sait que cette première édition va faire des émules comme cela s'est passé sur d’autres territoires porteurs d’un projet similaire, qui doivent désormais refuser des inscriptions à chaque nouveau projet », ajoute-t-elle.

Le nombre de jeunes était lui plus élevé, puisque le parti pris a été d'emmener toute une classe de Bac Pro services aux personnes et animation des territoires (SAPAT), soit 24 jeunes, âgés de 16 ou 17 ans.

Les vacances se sont déroulées comme toutes vacances : alternant les activités, les repas, les visites culturelles et du territoire, une sortie à l’Océarium du Croisic, les promenades le long de la mer et les fins de soirée en chantant et dansant…

Redonner de l'attractivité aux métiers des services aux personnes

Ce séjour devait servir à développer les compétences professionnelles des élèves, qui ont été largement mis à contribution dès la préparation du séjour, en septembre 2023. Ce sont les élèves qui sont allés chercher des partenaires pour décrocher les financements complémentaires (cf. encadré). Ce sont également eux qui ont pris l'initiative de contacter un cabinet infirmier au Croisic pour s'assurer qu'il pourrait venir en cas de besoin, « ce qui n'a pas été nécessaire », précise Amandine Brossais. Les jeunes avaient visité le centre de vacances avec les accompagnatrices en amont du voyage, pour repérer les lieux.

Pendant le séjour, chaque jeune avait son binôme âgé, et comme il y avait plus d'élèves que de personnes âgées, certains étaient en trinôme, « ce qui a été un atout pour ceux qui étaient au départ moins à l'aise », relève une formatrice. Leur rôle pendant le séjour était d'être présents aux moments clés aux côtés des personnes âgées et de prendre les repas ensemble. « Mais ils ont partagé davantage que ce que nous imaginions, en proposant des animations en plus des activités sur place », observent les trois responsables. Toutes évoquent les « vraies relations de confiance qui se sont créées ». Le choix de ces binômes ou trinômes s'est fait « naturellement », au gré des rencontres à la MARPA notamment. Dernière anecdote, révélatrice : les personnes âgées ont toutes été appelées par leur prénom pendant le séjour. « On hésitait mais elles n'ont qu'une envie, qu'on les appelle par leur prénom et qu'on les tutoie, ce que les jeunes ont su faire sans difficulté », glisse Élisabeth Baillet.

Sentiment de sécurité

« On avait peur que ce soit un séjour fatigant pour les personnes âgées mais elles ont vécu des moments incroyables, on ne s'attendait pas à tant de spontanéité et de naturel entre tous, ce qui a permis au passage de casser certains préjugés des uns envers les autres. Car pendant des vacances, on parle de tout. On se découvre. Au-delà des apparences. Une personne âgée n'avait pas aussi bien dormi depuis des années car elle se sentait en sécurité grâce à la présence des jeunes, sans cesse à leurs côtés », témoigne Amandine Brossais.

Les responsables de la MARPA et de la MFR en sont aujourd'hui convaincus, l'expérience est également bénéfique pour les structures, les résidents qui y vivent, et les agents qui y exercent (ou les jeunes qui s'y destinent). « Les jeunes ont apprécié de découvrir des structures avec un public âgé en dehors des soins, souligne Élisabeth Baillet. C'est d'autant plus intéressant pour ces jeunes en Bac Pro services à la personne, dont on sait que certains s'orienteront peut-être vers le tourisme, en ayant cette ouverture d'esprit. » Certains binômes continuent à s'appeler chaque semaine.

Une soirée bilan va leur donner une nouvelle occasion de se rencontrer, pour partager leurs souvenirs avec les partenaires.

Car les équipes travaillent, elles, déjà à un nouveau séjour pour 2025. Avec une nouvelle classe. Le voyage aura sans doute lieu au printemps 2025. Une date qui permet de concilier à la fois les impératifs du centre de vacances comme ceux de l'année scolaire des élèves.