Les élus « sentinelles » du Haut-Languedoc soutiennent la reprise agricole (34-81)

Aux limites du Tarn et de l'Hérault, le Parc naturel régional du Haut-Languedoc a perdu 70 % de ses agriculteurs en 40 ans. Pour autant, les porteurs de projets agricoles ne trouvent pas facilement à s'installer. D'où l'idée de créer un réseau d'élus en veille, qui facilitent la transmission des terres ou portent des projets agricoles municipaux. 19 « élus sentinelles » ont été formés en 2023-2024.

Entre Mazamet (80) et Bédarieux (34), entre plateau montagnard et plaine méditerranéenne, le Parc naturel régional (PNR) du Haut Languedoc ne compte qu’un quart de terres agricoles, quand la forêt en occupe les deux tiers. « En 40 ans, nous avons même perdu 12 % de surface agricole et il y a très peu de maraîchage », explique Elora Dutranois, chargée de mission agroécologie au PNR. Le projet alimentaire territorial (PAT) labellisé en 2021 vise ainsi à renforcer l’agriculture nourricière, pour mieux approvisionner les habitants et restaurants municipaux. « Des porteurs de projets agricoles nous contactent régulièrement car ils peinent à s'installer. Mais nous n'avons pas le temps d'aller toquer à la porte des 118 communes pour leur trouver une solution. »

Lors du séminaire annuel de l'association Terres de liens Occitanie en 2022, la chargée de mission du parc soumet sa problématique aux participants réunis. « La discussion collective a fait émerger l'idée de démultiplier notre force de frappe, en formant un réseau d'élus sensibilisés à la transmission reprise des terres agricoles. » Une fois l'idée trouvée, le PNR a missionné Terres de Liens pour co-construire une session de formation sensibilisation de ce futur réseau d'élus. « La question de l'échelle s'est tout de suite posée : nous ne pouvions pas agir sur tout le territoire à la fois. Nous avons donc lancé un appel à candidature en commission agricole du parc ». La communauté de communes du Haut Languedoc (CCHL) s'est portée volontaire pour tester l'offre.

Accompagner des élus volontaires

« Cette proposition est tombée à pic pour soutenir la dynamique qui démarrait dans notre EPCI, explique Jim Ronez, vice-président à l'agriculture de la CCHL. Face à la déprise agricole, avec des sols réputés pauvres d’un point de vue agronomique, nous voulions apporter notre touche en tant que collectivité pour soutenir l'installation et la diversification agricole. Installer des porteurs de projets agricoles, c'est l'assurance de fixer de la population et donc de maintenir nos services. » 19 élus volontaires représentant 13 des 20 communes de l'EPCI se sont donc investis dans la formation proposée par le PNR.

Une formation conçue à partir des besoins des élus

La formation a démarré en novembre 2022 par une journée de sensibilisation : témoignages de porteurs de projets qui ont du mal à s'installer et présentation d'outils pour mettre un territoire en mouvement (la régie communale, la préemption, le berger communal…). Ces éléments ont ensuite été capitalisés dans un livret boite à outils. Le groupe a aussi été sondé pour affiner le déroulé de la formation. « Nous avons co-construit le parcours avec les élus, en partant de leurs besoins », souligne la chargée de mission du PNR. Nouveau rendez-vous trois mois plus tard, pour une session de diagnostic agricole du territoire et de résolution de questions concrètes. « Nous avons ciblé les communes où il y avait urgence à agir, puis travaillé en méthode accélérateur de projets : une question est posée au collectif, qui trouve collégialement les réponses à apporter. » Dans le cas de la CCHL, deux cas ont été étudiés : « Comment aider une agricultrice de 70 ans à prendre sa retraite, alors que ses terres sont en friche ? » et « Comment accompagner le départ en retraite de deux agriculteurs, prévu d'ici cinq ans ? »

Une année d’ateliers, puis une année de consolidation

Le troisième atelier a permis de former les élus à un logiciel cartographique disponible dans l'EPCI, mais sous-exploité. « On peut notamment y repérer l'âge des propriétaires des parcelles et les biens vacants sans maître, explique la chargée de mission. Ce sont des parcelles pour lesquelles aucun impôt n'a été payé depuis plus de dix ans. À certaines conditions, les communes peuvent les récupérer comme biens communaux. » Dernier atelier enfin, le speed-meeting avec des organismes agricoles œuvrant à la transmission reprise : Chambres d'agriculture (34 et 80), ADEARSociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), foncière Terres de liens… « Cet atelier a beaucoup intéressé car il a mis en lien connaissances des acteurs et besoins des élus sur le terrain. » Après ces 4 ateliers répartis sur une année de formation, le PNR a consolidé le réseau d'élus sentinelles en proposant deux rencontres, à six mois d'intervalle : « Nous réunissons acteurs agricoles et élus sentinelles pour partager l'actualité agricole : ici un cédant partira bientôt, là un porteur de projet est en recherche de terres... ».

Une pérennisation délicate

« Avec cette formation, des graines sont semées, même si les bénéfices ne sont pas immédiats, souligne l'élu. Nous poursuivons maintenant la dynamique enclenchée à l'échelle de l'EPCI, avec le soutien de notre chargée de mission économie. » L'autonomisation complète du réseau d'élus est en effet difficilement atteignable. Le PNR constate avec satisfaction que la mise en mouvement des projets est amorcée : une commune veut installer un berger communal, une autre se constituer un patrimoine en mobilisant des biens vacants sans maître, une troisième poursuit la démarche entamée avec l’agricultrice âgée pour installer un porteur de projet. « Notre formation est désormais calée et nous allons la dupliquer sur un autre EPCI en 2025, puis deux nouveaux en 2026 ». À condition toutefois que les finances soient au rendez-vous : le poste de la chargée de mission dépend en effet d'un appel à projets européen dont le parc attend la réponse.

L’opération en quelques chiffres

  • 19 élus sentinelles formés sur 13 communes ;
  • 1 poste de chargée de mission PNR financé par la labellisation PAT niveau 1 (engagée sur plusieurs projets, dont la formation du réseau d'élus sentinelles) ;
  • 7 300 euros : montant de la prestation de Terre de liens pour formaliser et animer le dispositif, financée par la labellisation PAT niveau 1 ;
  • 1 700 euros : mission de recherche approfondie de biens vacants sans maîtres menée par la SAFER pour le compte d'une commune, financée par la labellisation PAT niveau 1.

Communauté de communes du Haut Languedoc

5 rue de l'Artisanat - Z.A de Bel Air
81 230 Lacaune-les-Bains
contact@cchautlanguedoc.fr

Jim Ronez

Vice-Président, en charge de l’agriculture, des circuits courts et du développement durable

Parc naturel régional du Haut Languedoc

Nombre d'habitants :

91136

Nombre de communes :

118
Maison du Parc Place du Foirail - BP 9
34 220 Saint-Pons-de-Thomières

Michel Castan

Vice-président, en charge de l'agriculture

Elora Dutranois

Chargée de mission agroécologie

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