Le parc de Pirou, un lieu unique enraciné dans le terroir (50)

Pirou est une commune littorale de 1 429 habitants sise à l’ouest du Cotentin, dans le département de la Manche. Essentiellement peuplée de maraîchers, de pêcheurs, et de mareyeurs conchyliculteurs, elle est composée de trois bourgs : Pirou Plage, Pirou-Bourg et Pirou-Pont. Ici comme ailleurs, le tourisme s’est développé sur le littoral, par-delà les marais et la lande boisée. Afin de dynamiser le cœur du village, la municipalité de Pirou souhaitait depuis longtemps aménager un espace récréatif à la place d’une vaste prairie communale de 5 hectares. Entre 1995 et 2001, un projet de base nautique tombe à l’eau, tant l’investissement est pharaonique. La municipalité suivante, portée par l’actuelle maire, Noëlle Leforestier, plaide alors pour un espace de loisirs, agrémenté de parcours santé et d’équipements. Mais par où commencer ?

« Ce projet de parc nous tenait à cœur depuis longtemps, mais comment le mener à bien ? explique Noëlle Leforestier, maire de Pirou. Ici on vit au rythme des saisons, de la nature, et des subventions… » Elle consulte alors le Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’aménagement (CAUE) de la Manche. Emmanuel Fauchet, son directeur, et Stéphanie Langevin, sa paysagiste conseil, les accompagnent pas à pas pour affiner le projet dans le sens d’une plus grande sobriété et pour lancer, en 2018, une consultation publique afin de désigner une équipe pluridisciplinaire chargée d’aménager le futur parc.

Composer avec la réalité des lieux

Car entretemps l’urgence climatique s’est imposée. Les marais et zones humides que l’homme a longtemps cherché à assécher ou drainer sont aujourd’hui protégés tant leur rôle pour la préservation de la biodiversité et la ressource en eau se sont révélés essentiels. Conseillée par le CAUE 50, la commune ajoute au programme de la consultation de paysagistes une approche paysagère : le périmètre initial étudié –5 hectares – est considérablement élargi, et les candidats sont invités à valoriser le lien du futur parc avec le château médiéval, le marais et le village de Pirou-Pont. Le projet est étendu aux vues lointaines, à l’histoire ancienne, au génie du lieu et des hommes, aux grands espaces.

L’accord-cadre, pour inscrire le projet dans la durée

Clé de voûte de ce projet : l’accord-cadre. Cette procédure contractuelle est très prisée du CAUE 50 : elle permet à un maître d’ouvrage de fixer un objectif –ici, réaliser un parc–, dans un délai imparti – quatre ans –, et d’y consacrer un budget de départ -622 000 €. Cette démarche permet de travailler sur le long terme, en programmant des actions au fil du temps, ce qui laisse le temps de solliciter des subventions publiques (250 000 € obtenus). L’accord-cadre permet de mûrir tranquillement les décisions, d’obtenir des financements, d’enrichir les projets initiaux, en les conjuguant avec d’autres objectifs, d’autres programmes parfois.

Maire adjoint de Pirou, délégué aux missions relatives aux grands projets, José Camus-Fafa a suivi ce projet depuis ses prémices. Il se souvient : « À l’époque, nous étions loin d’imaginer que, plus tard, viendrait s’ajouter à notre projet de parc, un autre projet de création d’une salle intergénérationnelle et d’une médiathèque, en lien direct avec le futur théâtre de verdure, dans des bâtiments désaffectés de la commune proche du site. Ce qui a fait la différence, c’est que cette équipe s’engageait à nous suivre dans la durée, et je remercie le soutien sans faille témoigné par le CAUE 50, qui nous a aidés à bâtir l’appel l’offre, mais aussi à trouver les mots justes pour monter les dossiers de demandes de subvention »

Un projet impliquant les services techniques, futurs gestionnaires du site

Le lauréat de la consultation de maîtrise d’œuvre est un groupement pluridisciplinaire « Le Jargon des oies », mené par l’agence Novascape, et composé de trois paysagistes DPLG, Thibaut Guézais, Étienne Panien et Marc Vatinel, associés à Peter Stallegger, écologue, au bureau d’ingénierie, Viamap’, et à Agile architecture. L’équipe entreprend alors un projet valorisant les relations entre les différentes entités de la commune : le bourg, les équipements publics, le marais et le château de Pirou.

Dès juillet 2018, le principe du travail de l’équipe est acté : des résidences chantier de conception/réalisation sont programmées. Les paysagistes viendront régulièrement sur site pour « habiter les lieux », jalonner les espaces, mener de premières actions de jardinage et multiplier les actions pédagogiques pour que les Pirouais s’approprient la démarche. Les services techniques de la commune de Pirou, futurs gestionnaires des lieux, sont associés aux réflexions, pour partager leur savoir-faire et adapter le projet aux moyens humains et matériels dont dispose la commune.

À la fois paysagistes et « jardinistes », les paysagistes vont dessiner pas à pas, « en vrai », les grandes lignes du parc et invitent régulièrement les associations, les habitants, les entreprises locales et les écoles, afin d’associer tous les acteurs dans une démarche de projet et d’engager un nouveau récit local. Un chantier pédagogique est mené avec les étudiants du BTS Campus Nature (formation BTSA Aménagement Paysager et Module d’Initiative Locale) et leurs enseignants, le CAUE 50, le groupement du Jargon des Oies et la commune de Pirou. Et l’équipe monte un blog, le Jargon des oies, qui raconte à la fois les étapes du chantier mais aussi les animations qui s’y déroulent.

Cinq ans après son lancement, l’opération Parc de Pirou est aujourd’hui terminée. Ce projet a pris tout son temps pour s’enraciner, pour s’imprégner de l’esprit des lieux et des désirs de ses habitants.