Châteauneuf-sur-Loire ranime la fable (45)

« L’écriture est un lien social parce qu’elle débouche sur des échanges à propos des écrits, sur un partage avec la lecture des fables. Faire écrire sur le patrimoine architectural, géologique ou culturel du territoire, cela enrichit les citoyens et ne coûte pas cher à organiser », explique Olivier Goussard, conseiller municipal de Châteauneuf-sur-Loire.

Lorsque l’équipe municipale nouvellement élue cherche une action culturelle inédite, elle se tourne presque naturellement vers Florian, ce fabuliste du XVIIIe siècle qui a vécu dans la commune et à qui l’on doit quelques morales bien connues : « pleurer des larmes de crocodile » ou « rira bien qui rira le dernier », par exemple. La salle municipale porte son nom. La littérature est également une tradition culturelle à Châteauneuf-sur-Loire, puisque deux siècles après le fabuliste, d’autres écrivains ont vécu dans la commune : Maurice Genevoix et Georges Simenon. Ce dernier a situé les actions de plusieurs tomes de Maigret dans ces murs.

Alexandrins et rap

La ville lance le premier concours annuel de fables en 2020. En plein confinement, le succès est au rendez-vous : la commune reçoit une centaine de textes. Notaire de profession, Olivier Goussard rédige le règlement : 1 200 signes maximum, en alexandrin de préférence, mais d’autres formes d’écriture sont acceptées : « nous avons reçu des textes en forme de rap ». Au-delà de la personnalité de Florian, quel est l’intérêt de la fable, par rapport à d’autres formes de poésie ? « Parce qu’elle passe par les animaux, le plus souvent, ou un autre objet, la fable permet de s’exprimer avec beaucoup de liberté, de traiter de sujets parfois très graves avec humour et, finalement d’en tirer une morale valable pour tous », raconte l’élu, impliqué personnellement.

Les fables reçues en 2023 illustrent cet intérêt pour les questions de société : « Le troupeau et les loups » ; « La souris et la voisine » ; « La colombe et la pie » ; « Le trône et le bidet » Elles parlent de la guerre en Ukraine, d’écologie, de tolérance ou de harcèlement scolaire. Le jury composé de la commission culturelle, soit une dizaine d’élus, évalue à la fois la forme et le fond : pertinence du sujet, qualité du style, morale. Chaque membre lit toutes les fables, et attribue à chacune une note de 5, 3, ou 1 point. Après avoir écouté l’avis de la marraine du jury, le total de points décide des finalistes dans trois catégories : enfant, ado, et adulte.

Une marraine éditrice

Parce que l’écriture comme la lecture élève vers la beauté et l’art, parce que l’engagement des élus est exigeant, le « Prix Florian, écrivez des fables » est parrainé par Diane de Selliers, fondatrice de la maison éponyme, réputée pour l’édition des œuvres majeures du patrimoine littéraire, caractérisée par l’édition d’un ouvrage par an. Elle a tenu à être à nouveau la Marraine du prix en 2024. La manifestation se déroule toujours pendant la nuit de la Lecture, en présence d’une cinquante de personnes : le conseil municipal, les présidents et vice-présidents de toutes les associations de Châteauneuf-sur-Loire. Les trois gagnants lisent leur fable à voix haute, sont conviés à un repas avec le jury et reçoivent de très beaux livres. « C’est aussi l’occasion d’échanges après la lecture, de partages d’expériences personnelles et de points de vue sur les sujets qui agitent notre monde ».

Si les deux premières éditions ont sans doute bénéficié de « l’effet confinement », l’enjeu est aujourd’hui pour Olivier Goussard de « mobiliser les enseignants, les collégiens et lycéens, et ce, jusqu’à Orléans ». Il projette donc de reprendre son « bâton de conviction » comme il l’appelle et à n’en pas douter, il réussira à déclencher de nouveaux désirs de se faire fabuliste. Le « Prix Florian, écrivez des fables » a déjà gagné en notoriété : un citoyen belge a envoyé une fable, quand l’un des trois gagnants de 2023 habite Bourg-Saint-Maurice, en Savoie. Enfin, la commune a reçu en novembre 2023 un Territoria de bronze, dans la catégorie culture.